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Enquête

la recette du sur-mesure

Enquête | publié le : 01.02.2005 | Céline Lacourcelle

Les pénuries de main-d'oeuvre perdurent : 230 000 offres d'emploi ne trouvent toujours pas preneurs. Après la phase du constat, les acteurs économiques peaufinent leurs initiatives, qu'ils veulent plus proches des besoins locaux, sur- mesure et davantage ancrées dans le concret.

Même Jacques Chirac s'y met. Ainsi, lors de ses voeux aux forces vives, le 4 janvier dernier, le président de la République a évoqué les pénuries de main-d'oeuvre et, en particulier, les « centaines de milliers d'offres d'emploi » non pourvues. Précisément, il s'agit de quelque 230 000 offres non satisfaites, selon les derniers décomptes de Jean-Marie Marx, directeur général adjoint de l'ANPE. « En 2003, il y en avait 70 000 de plus », avance-t-il. D'où le lancement, à l'époque, d'un plan national d'action «Objectif 100 000 emplois», visant à pourvoir, comme son nom l'indique, 100 000 postes avant la fin 2004. L'ANPE, l'Afpa et certaines branches professionnelles (bâtiment, hôtellerie, particuliers-employeurs, travaux publics...) avaient alors uni leurs forces. « La mobilisation a payé, souligne le directeur général adjoint de l'ANPE. Même dans un contexte où le nombre d'offres collectées est en augmentation : + 7 % toutes offres confondues et + 17 % pour celles relatives aux métiers sous tension, nous sommes parvenus à stopper cette dégradation. » Résultats quantitatifs, mais aussi qualitatifs. En effet, le taux de satisfaction des offres a augmenté de plus de 3 points (85,5 % fin novembre 2004 contre 82,1 % fin novembre 2003). La recette ? Le rapprochement au plus près des besoins.

Des microactions

La solution passe d'abord par la territorialité. « Ces problèmes de recrutement doivent être mis en perspective avec les bassins d'emploi. Pour un même métier, il n'existe pas de réponse unique. La solution est à construire localement », signale Jean-Marie Marx. Le succès de RESO (voir p. 16) n'est donc pas étonnant. Fin 2002, quinze entreprises de l'hôtellerie-restauration d'une même zone géographique, la Loire-Atlantique, se constituaient en groupement d'employeurs. Aujourd'hui, cet ensemble compte 106 adhérents et une nouvelle antenne a été récemment ouverte en Maine-et-Loire, à la demande de professionnels angevins et saumurois.

Prime de reconversion

La mutualisation se révèle payante. C'est l'enseignement qu'a aussi tiré le groupe de douze restaurateurs, accompagné, depuis un an, par la Chambre de commerce et d'industrie de l'Essonne, en collaboration avec l'Aract Ile-de-France. Leur but : échanger sur leurs difficultés de recrutement pour mettre à plat des solutions sur mesure au regard des attentes des deux parties, salariés et employeurs.

Autre région, autre initiative, celle de l'Alsace, qui a créé, à titre expérimental, une prime de reconversion professionnelle pour les demandeurs d'emploi. Le principe : une prime de 3 000 euros est versée par le conseil régional aux demandeurs d'emploi disposés à se reconvertir dans certains métiers de l'hôtellerie-restauration et du bâtiment présentant des difficultés de recrutement.

Observatoires à venir

Jean-François Veysset, vice-président de la CGPME en charge des affaires sociales, est ainsi convaincu « de l'impérieuse nécessité de réaliser une analyse proche du terrain et des objectifs d'emplois des entreprises afin d'adapter les postes de travail. Certaines régions, en appui des grandes branches professionnelles, doivent mettre en place des observatoires. Mais, pour l'heure, aucun signal de mise en oeuvre n'est encore perçu », regrette-t-il. En attendant, il mise sur les contrats de professionnalisation.

Parmi les autres évolutions susceptibles d'enrayer le phénomène : le changement de mentalité des employeurs et des chargés du recrutement qui élargissent leur champ des possibles. Fini la référence aux diplômes et à certains prérequis figés. L'heure est aux tests d'habileté. En tout cas, l'ANPE y croit. Sa procédure de recrutement par cette méthode a d'ailleurs bien fonctionné en 2004 : 10 000 recrutements ont été réalisés par ce biais.

Former selon les besoins

Au dire des spécialistes de l'emploi, il faut désormais entrer dans l'ère du concret. Jean-François Veysset suggère ainsi « de former selon les besoins et non l'inverse. Plutôt que de maintenir indéfiniment les jeunes dans le système scolaire, mieux vaut les diriger plus tôt vers l'entreprise, qui les formera tout au long de la vie ».

Davantage de concret, c'est aussi la nouvelle politique des services publics de l'emploi. « Nous faisons de plus en plus de sur-mesure, explique Jean-Marie Marx. L'ANPE a, ainsi, multiplié par deux ses visites d'entreprises en l'espace de trois ans. » A l'arrivée : une meilleure connaissance du terrain et des fichiers plus qualifiés. C'est ce service de proximité qui a, entre autres, conduit Dekra, spécialiste du contrôle technique, à la recherche de 300 techniciens, à signer une convention avec le service public de l'emploi (voir p. 15).

Valorisation des métiers

Restent les opérations classiques de communication nécessaires pour changer la représentation de certains métiers en déficit d'image. Dernières en date, la campagne de valorisation des métiers de l'industrie auprès des jeunes, lancée en octobre dernier par le ministère délégué à l'Industrie, ou le forum «Métiers passion» organisé dans le Nord-Pas-de-Calais, en novembre, autour de cinq pôles : industrie, bâtiment, café-hôtel-restaurant, transport-logistique et santéaction sociale.

Visite des chantiers

Le secteur du bâtiment n'est pas en reste. Deux opérations, «Coup de jeune au bâtiment» et «Les coulisses du bâtiment», ont été lancées l'année dernière. « Les coulisses du bâtiment, qui consistent à ouvrir nos chantiers au public, ont attiré, en 2004, 106 000 personnes - familles, enseignants... », informe Jacques Lair, président de la commission formation de la Fédération française du bâtiment. Cette année sera proposé «Un jeune, un jour, une entreprise», pour faire découvrir aux jeunes la vie d'un chef d'entreprise. « Après ces manifestations, nous voyons la fréquentation de nos centres d'apprentissage s'intensifier, souligne-t-il. Mais, pour que cela marche, il faut mouiller sa chemise », et être prêt à débloquer un budget en conséquence.

L'essentiel

1 Le plan national d'action «Objectif 100 000 emplois», lancé par le gouvernement en 2003, a permis de réduire à 230 000 le nombre d'offres non pourvues.

2 Une action efficace passe par une approche territoriale pour la mise en place locale de solutions sur-mesure.

3 Les opérations de communication aident à changer la représentation de certains métiers en déficit d'image. Elles permettent aussi la rencontre du terrain avec différents publics.

Auteur

  • Céline Lacourcelle