logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Demain

L'égalité professionnelle hommes-femmes profite à tous

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 01.02.2005 | Violette Queuniet

Image

L'égalité professionnelle hommes-femmes profite à tous

Crédit photo Violette Queuniet

Les entreprises qui ont mis en place une politique d'égalité professionnelle hommes-femmes n'ont pas toujours obtenu des résultats convaincants. Les politiques les plus performantes sont celles qui s'intègrent à une politique des RH plus large, se fixent des objectifs chiffrés et sont inscrites dans la durée.

E & C : Dans votre étude auprès de quatorze entreprises situées en France et en Grande-Bretagne, vous mettez en lumière les conditions d'une politique d'égalité professionnelle performante. Quelles sont-elles ?

Guilhem Nègre : Une politique d'égalité professionnelle obtiendra de meilleures performances si elle est engagée par des facteurs internes plutôt qu'externes. Une politique d'égalité mise en place pour se mettre en conformité avec le cadre légal ou à la suite d'une plainte d'une salariée - la question d'image est alors en jeu - sera toujours moins efficace que lorsqu'elle résulte d'une réflexion et d'une volonté internes de l'entreprise. Le deuxième facteur de performance est la transversalité de la politique d'égalité, ou mainstreaming : il s'agit d'étendre cette politique à l'ensemble de l'organisation.

La politique d'égalité professionnelle doit toucher quatre éléments : le recrutement ; la promotion interne ; l'organisation du travail (flexibilité des horaires, dispositif de conciliation vie professionnelle-vie privée, télétravail, etc.) ; la culture de l'entreprise, avec la mise en place de séminaires, de formations sur l'égalité, etc.

On trouve très fréquemment des entreprises qui s'intéressent aux trois premiers éléments mais qui, en revanche, ne s'intéressent pas du tout au problème culturel. Or si les hommes, qui occupent aujourd'hui les postes clés, ont toujours la mentalité «100 % disponible» et ne sont pas mobilisés par ce type de politique, cela veut dire qu'une partie de l'organisation n'y est pas réceptive. Les résultats risquent donc d'être extrêmement mineurs.

Enfin, troisième point clé : le type d'approche adoptée. Les trois entreprises qui obtiennent les meilleures performances ont suivi un schéma bien précis : elles intègrent la politique d'égalité professionnelle au sein d'une politique de ressources humaines plus large et l'utilisent comme un levier de changement, par exemple pour inciter à la flexibilité et agir sur la relation clients. Ensuite, elles mobilisent l'organisation dès la fixation des objectifs : elles associent les syndicats et envoient des questionnaires aux salariés pour sonder leurs motivations. Enfin, elles visent des objectifs chiffrés. Elles investissent un budget et des ressources précis, mettent en place des outils d'évaluation qui permettent de contrôler les objectifs, communiquent les résultats et les évaluent par rapport aux objectifs. Il s'agit véritablement d'une approche perpétuelle et sur le long terme.

E & C : Quels sont les critères permettant de mesurer la performance d'une politique d'égalité professionnelle ?

G. N. : Il est difficile de savoir ce qu'une telle politique a comme impact sur le chiffre d'affaires ou sur la performance économique de l'entreprise. Il existe, néanmoins, des études montrant que les équipes hétérogènes de travail présentent des performances supérieures de 15 % aux équipes homogènes. Une autre étude, menée à Harvard, montre qu'une réduction du turnover de 5 % augmente les profits d'une société de 30 % à 85 %. Donc, si une entreprise arrive à valoriser et à faire progresser les femmes, elles vont rester, ce qui lui est profitable. Mais, pour la rigueur de l'étude, j'ai choisi comme critères de performance quatre items qui mesurent la réduction des inégalités : l'augmentation du nombre de femmes au niveau cadres dirigeants ; le nombre de femmes recrutées ; les modifications du cadre de travail en faveur des femmes ; le degré de changement culturel. Les trois entreprises les plus performantes se sont dotées d'outils de contrôle permettant de mesurer ces critères et elles ont progressé sur les quatre.

E & C : Où trouve-t-on les politiques les plus performantes ?

G. N. : Ce sont les entreprises d'origine anglo-saxonne qui fonctionnent le mieux, qu'elles soient basées en France ou en Grande-Bretagne. Il s'agit de Hewlett-Packard, Schlumberger, Tesco (entreprise de distribution). Les entreprises françaises attendent plus de la loi et ne voient guère l'intérêt de réfléchir à cette question en interne. Les résultats sont donc moins probants. En France, 72 % des entreprises n'ont jamais organisé de négociation sur l'égalité professionnelle, alors que c'est une obligation de la loi Génisson (2000) ! D'autre part, les entreprises anglo-saxonnes ont l'avantage d'être plus réceptives au concept de discrimination positive que les françaises, car elles ont déjà dû faire face à la problématique des minorités ethniques.

E & C : Comment voyez-vous l'avenir de ces politiques d'égalité professionnelle ?

G. N. : Il y a une demande de l'opinion publique - relayée récemment par le président de la République au sujet de l'égalité salariale - en faveur de l'égalité professionnelle. Les entreprises seront-elles sensibles à cette demande ? Je l'espère, mais il faut aussi qu'elles y voient leur intérêt. En tout cas, face aux départs en retraite des baby-boomers, il va falloir piocher dans le réservoir des personnes actuellement sous-représentées sur le marché du travail, et parmi elles, les femmes. Les entreprises devront donc s'adapter à leurs contraintes et à leurs demandes.

* Le prix Vital Roux, créé à l'initiative de l'ESCP, récompense le meilleur mémoire de fin d'études.

Promoting Gender Quality in the Workplace, E. Olgiati et G. Shapiro, European Foundation for the Improvement of the Living and Working Condition, 2002.

Men and Women interaction, Reconsidering the Differences, E. Aries, Oxford University Press, 1996.

Human Capital, Gary S. Becker, University of Chicago Press, 1994 (3e édition).

parcours

Guilhem Nègre est diplômé de l'ESCP-EAP (2003). Il est l'auteur d'un mémoire de fin d'études, sous la direction de Marion Festing, intitulé Comment une entreprise peut-elle bâtir une politique d'égalité professionnelle performante ? Les exemples des entreprises françaises et anglaises, Cahier d'étude ESCP-EAP, n° 04118. Ce mémoire a obtenu le prix Vital Roux.

En 2004, il a réalisé une étude, remise à l'Unesco, sur les inégalités hommes-femmes dans les filières scientifiques des universités des pays en développement.

Guilhem Nègre est, aujourd'hui, analyste financier chez Morgan Stanley, à Londres.

Auteur

  • Violette Queuniet