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Le salariat de seconde classe fait école chez Volkswagen

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 25.01.2005 | Marion Leo, à Berlin

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Le salariat de seconde classe fait école chez Volkswagen

Crédit photo Marion Leo, à Berlin

En embauchant en octobre 2002, en Allemagne, 5 000 chômeurs payés moins chers que ses autres employés, le constructeur automobile a brisé un tabou. Ce modèle a marqué une césure dans la politique sociale de VW.

Derrière les façades de brique rouge, classées monument historique, de l'usine de Volkswagen à Wolfsburg, les salariés du groupe automobile allemand construisent, chaque jour, 3 000 voitures. Ils pourraient en monter 4 000. Faute de demande, un hall est fermé et un autre ne tourne qu'au tiers de sa capacité.

Les halls 8 à 10 ressemblent, en revanche, à de vraies ruches. Trois équipes de travail s'y succèdent chaque jour. Elles construisent l'un des modèles les plus prisés du groupe, la «Touran», un van familial. C'est là que VW expérimente aussi, depuis octobre 2002, un nouveau modèle social, baptisé «5 000 x 5 000». Révolutionnaire pour VW, cet accord a marqué une césure dans la politique sociale de l'entreprise et continue à l'influencer.

Salaires différents pour un même travail

Tout commence à l'été 2001. Peter Hartz, célèbre directeur des ressources humaines du groupe (c'est lui qui a inventé « la semaine des 4 jours» en 1993, pour sauver 30 000 emplois), se dit prêt à embaucher 5 000 chômeurs pour monter la nouvelle Touran à Wolfsbourg, mais à condition de pouvoir les payer moins cher que les autres employés. Il propose de les rémunérer 5 000 marks brut par mois (2 556 euros), soit environ 20 % de moins que le tarif fixé par l'accord maison de VW. Il affirme qu'il s'agit de la seule façon de créer encore des emplois compétitifs en Allemagne. Le puissant syndicat IG-Metall, qui craint un affaiblissement de l'accord maison, accepte - la mort dans l'âme. « Il s'agissait d'une concession de taille. Car, pour la première fois, le syndicat a accepté que des salariés soient rémunérés différemment pour le même travail », souligne, aujourd'hui, Ferdinand Dudenhöffer, expert automobile à l'université de Gelsenkirchen. Les louanges fusent de tous côtés. Le chancelier Schröder appelle les autres entreprises à suivre l'exemple de VW.

Salariés coresponsables de la qualité

Le nouveau modèle social ne se limite pas à une baisse de salaire. Désormais, les nouveaux salariés d'Auto 5000, filiale de VW, ne sont plus payés seulement en fonction du temps passé dans l'usine, mais aussi en fonction du résultat. « Ils sont coresponsables de la qualité, souligne un porte-parole de VW. Par exemple, quand on s'aperçoit, lors d'un contrôle, qu'un salarié a mal fixé un siège, ce dernier doit travailler plus longtemps, sans être rémunéré. Sauf, bien sûr, si la faute dépendait de l'entreprise. »

Autre point nouveau : le modèle rémunère de façon différente le temps de travail dit «productif» (utilisé à la construction d'une voiture) du temps affecté à la formation continue. Estimant que la formation sert aussi aux salariés, VW ne paie que la moitié des trois heures de formation que les employés d'Auto 5 000 suivent chaque semaine (lire Entreprise & Carrières n° 727).

Dernière mesure importante : l'accord «5 000 x 5 000» a rendu plus flexible la durée du temps de travail, fixée à 35 heures en moyenne par semaine (contre 28,8 selon l'accord maison). En fonction de la demande, les salariés peuvent travailler jusqu'à 42 heures par semaine. Les heures supplémentaires (jusqu'à 200 par an) sont stockées sur un compte épargne temps et converties en temps libre pendant les périodes creuses.

Différentes catégories d'employés

Aujourd'hui, même si la direction, pour ne pas brusquer IG-Metall, minimise la portée de ce modèle, il est clair qu'il a marqué un tournant dans la politique sociale du groupe. Il a ainsi largement inspiré le dernier accord salarial adopté le 2 novembre 2004 par VW. Celui-ci prévoit que les nouvelles personnes embauchées par VW seront rémunérées de la même façon que les salariés d'Auto 5 000. L'accord entérine ainsi l'existence de différentes «classes» d'employés chez VW outre-Rhin. A Wolfsburg, on trouve les «anciens», qui construisent la Golf, payés en moyenne 3 100 euros brut par mois et travaillant 28,8 heures par semaine. Ils y côtoient les anciens chômeurs d'Auto 5000, rémunérés 2 556 euros brut par mois pour une semaine de travail de 35 heures en moyenne et, depuis janvier, les nouveaux embauchés payés également environ 2 556 euros.

Réduction du coût du travail

Mais l'accord salarial, qui affecte 103 000 des 176 000 salariés du groupe en Allemagne, prévoit aussi d'importants sacrifices pour les anciens salariés de VW. Il contient ainsi un gel des salaires de vingt-huit mois. En contrepartie, le constructeur a accordé une garantie de l'emploi jusqu'en 2011. Mais celle-ci peut être révisée en cas de crise grave.

Cet accord poursuit ainsi la même logique que le modèle 5 000 x 5 000. Pour produire des voitures compétitives en Allemagne et éviter de nouvelles délocalisations, Volkswagen entend réduire ses coûts du travail. Jusqu'à cet accord, les salaires fixés par l'accord maison de VW étaient encore de 20 % supérieurs à ceux prévus par la convention de branche dans la métallurgie. « Dans cinq ans, cet écart aura disparu », prédit Ferdinand Dudenhöffer.

Auteur

  • Marion Leo, à Berlin