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Le Chinois, le Batave et le naufrageur

Demain | Chronique | publié le : 25.01.2005 | De P.-L. Chantereau

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Le Chinois, le Batave et le naufrageur

Crédit photo De P.-L. Chantereau

On dirait un titre de fable de La Fontaine. Et pourtant, non, c'est la vraie vie.

Je travaille sur un dossier industriel «stratégique» (je mets des guillemets parce que, personnellement, je trouve qu'on fait un grand abus de ce vocable. J'ai même entendu l'autre jour une jeune et jolie personne d'une agence de communication m'expliquer que sa présence au dernier cocktail était stratégique. Ce qui serait stratégique, à mon avis, ce serait surtout de dégonfler les ego et de remettre les pieds sur terre. Mais bon, passons).

Le client est un grand industriel qui a su, avec brio, faire face à la mondialisation, conserver des emplois à très haute technologie, et vendre dans le monde entier. Pas si courant, si l'on regarde bien.

« Et pas encore vendu aux Chinois, vous remarquerez ! »

Je remarque.

L'homme qui s'affirme ainsi ne manque ni de talent, ni d'énergie, ni d'expérience. On lui doit l'essentiel des grands projets qui ont permis à ce groupe de rester en Europe, de travailler à des niveaux de productivité sans équivalent dans ce métier. Et avec une réactivité qui énerve beaucoup ce qu'il reste de la concurrence européenne.

On lui doit donc beaucoup. Et son conseil est recherché.

Je l'interroge sur les menaces qu'il pressent. Qu'est-ce qui peut mettre en péril une success story pareille ? Grand moment de réflexion. « Je crois qu'on reste faible sur deux points : l'Europe des mentalités et l'appétit de travail. »

L'Europe des mentalités ? « J'appelle comme ça le fait que nous croyons bâtir l'Europe comme si nos différences de culture n'existaient pas, comme s'il suffisait de mettre nos enfants une année à l'étranger pour qu'ils deviennent européens, et que nos différences s'aplanissent. Je vois bien que c'est faux. Nous sous-estimons en permanence les difficultés liées à nos modes nationaux d'apprentissage et de travail collectif. J'ai dans mes équipes techniques des Hollandais très compétents. Tout le monde les appelle «les Bataves». Techniquement, aucun problème : la science est la même. Mais le travail en équipe leur est congénital, quasiment. Alors que nous... Et bien voilà quelque chose qui nous menace, nous, les Français : notre difficulté à travailler en groupe. »

Et les naufrageurs ? « Plus délicat. J'appelle comme ça les gens qui ne font pas leur boulot à bord, et qui se glissent derrière les paravents de notre protection sociale. Ils surchargent notre barque et menacent de nous entraîner au fond. »

Chinois, Batave, naufrageur, qui aura le dernier mot ?

Pierre-LoÏc Chantereau <www.groupe-equation.com>

Auteur

  • De P.-L. Chantereau