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Enquête

Un e croissance pauvre en emplois

Enquête | publié le : 18.01.2005 | C. T.

L'Amérique a bien créé des emplois l'an dernier. Mais les experts s'attendaient à mieux. Cette fois, les employeurs ont privilégié des formes d'emploi plus flexibles, comme l'intérim. Et les gains de productivité ont absorbé les opportunités d'emploi.

Trois ans après la fin officielle de la récession, en novembre 2001, l'Amérique affiche un taux de chômage très enviable, inférieur à 6 %. Et pourtant, les économistes estiment les créations d'emploi sur le sol américain beaucoup trop timides. « C'est la plus faible relance de l'emploi depuis les années 1930 », écrivent les experts de l'Economic Policy Institute dans leur section «Job watch», «observation des emplois». « Après chaque récession, les emplois perdus ont été récupérés, et souvent plus, dans les trente et un mois qui suivaient le début de la récession », indiquent les économistes de ce laboratoire d'idées installé à Washington. Or, cette fois, il n'en est rien : 432 000 postes ont disparu du paysage. L'Amérique emploie moins de salariés aujourd'hui qu'en mars 2001, juste avant la récession.

Certes, l'économie a créé des emplois l'an dernier. On estime qu'environ 2 millions de postes ont vu le jour en 2004, à peu près 185 000 postes par mois. « Mais c'est décevant, s'exclame Srinivas Thiruvadanthai, du Levy Institute Forecasting Center. Les économistes espéraient en moyenne 250 000 à 300 000 créations par mois. » De quoi non seulement combler le retard pris pendant la récession, mais aussi être capable d'offrir un travail à une population adulte croissante.

Année médiocre

L'année 2004 a été médiocre, 2005 semble prendre le même chemin. Car le secteur secondaire, selon Pierre Ellis, expert de la société de conseil Primark Decision Economics, ne crée plus de grandes vagues d'embauche. Et d'évoquer les forts gains en productivité des dernières années pour justifier ce manque de création d'emplois. En 2002, ils ont atteint 7 %, en 2003, plus de 5 %. Les investissements en technologie et informatique réduisent nettement les besoins de main-d'oeuvre. « C'est de plus en plus clair, assure Pierre Ellis, la technologie fait une grande différence. » Et les employeurs se montrent prudents. « On a été très optimistes dans les années 1990, explique l'économiste du Levy Institute. On a beaucoup trop embauché. » Cette fois-ci, les employeurs ne veulent pas répéter l'erreur. Ils préfèrent s'adresser aux agences de travail temporaire, très occupées ces derniers temps, plutôt que d'embaucher.

Les services en progrès

Le secteur des services, lui, va mieux. Pierre Ellis a noté une poussée durable de l'emploi dans la finance, le secteur du conseil, les hôtels, la restauration, et la santé. La population vieillissante fait que les besoins en personnels infirmiers, aides-soignants, aides à domicile sont assurés pour de nombreuses années. Même si les fiches de paie des aides à domicile s'avèrent décevantes. « Les immigrants illégaux acceptent des petites rémunérations et maintiennent les salaires de l'ensemble de la profession au plus bas. » Les économistes s'attardent peu sur les effets de la globalisation du marché. Si l'on en croit la société d'études Forrester Research, jusqu'à présent, 1 à 2 millions d'emplois ont disparu du fait de la délocalisation. Un chiffre jugé encore modeste.

American Apparel résiste aux sirènes de la délocalisation

Au moment même où la plupart des fabricants américains de vêtements accélèrent leurs transferts de production vers la Chine pour bénéficier de la libéralisation des quotas, une petite entreprise californienne résiste. American Apparel, créée en 1997, s'est installée à Los Angeles avec ses 2 500 employées du textile et compte bien y rester. Le jeune Pdg, Dov Charney, un moustachu natif du Canada, fait même de son usine californienne un argument commercial.

Les manifestes, affichés sur les murs blancs des magasins American Apparel, affirment haut et fort les engagements «moraux» de la société. American Apparel se veut le contraire d'une usine de la sueur. Ses salariées, le plus souvent des immigrantes mexicaines, sont payées 13 dollars de l'heure, le double du minimum horaire californien. Et beaucoup plus que les 20-50 centimes de l'heure proposés dans les pays les plus pauvres d'Asie. L'entreprise American Apparel offre en prime les services d'un bus santé, des cours d'anglais et d'informatique.

Avec de tels coûts, le fabricant américain ne peut concurrencer les prix des modèles made in China. Un T-shirt uni bleu, signé American Apparel, s'affichera à 15 dollars, et une chemisette se vendra 40 dollars, beaucoup plus cher que les importations chinoises. Mais les consommateurs, souvent de jeunes étudiants, ne s'en plaignent pas. Au contraire. Le Pdg d'American Apparel dit presque doubler son chiffre d'affaires chaque année. L'an dernier, il a atteint 80 millions de dollars. Cette année, il espère dépasser 140 millions de dollars.

Auteur

  • C. T.