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Enquête

« Le salarié américain n'a pas de relations à long terme avec son entreprise »

Enquête | ENTRETIEN AVEC | publié le : 18.01.2005 | recuellis C. T.

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« Le salarié américain n'a pas de relations à long terme avec son entreprise »

Crédit photo recuellis C. T.

E & C : Comment voyez-vous aujourd'hui le salarié américain ?

P. B. : Un des points clés de la relation salarié-employeur, c'est la perte de loyauté réciproque. Le salarié américain n'a pas de relation à long terme avec son entreprise : « Si mon employeur n'a plus besoin de moi, il me licencie, c'est normal ». J'ai vu, par exemple, 1 600 suppressions d'emploi dans un groupe industriel. Les indemnités de départ allaient de quatorze jours à trois mois et demi, pour quelqu'un qui avait passé vingt-deux ans dans la compagnie. Il n'y a pas eu une seule protestation. On vit toujours dans un état temporaire : on change facilement de maison, de région. L'Américain déménage, en moyenne, tous les sept ans.

E & C : Quelles sont les évolutions dans les organisations du travail ?

P. B. : L'accélération des délocalisations est déterminante, y compris dans les services. Dans la Silicon Valley, à Boston, à Austin, il y a des petites entreprises high-tech qui ont un pied aux Etats-Unis, et un autre en Asie pour pouvoir travailler 24 heures sur 24. Aucun programmeur n'écrit seul les codes, la tâche se partage entre l'Inde, la Chine, le Brésil, les Etats-Unis... C'est un phénomène irréversible, il faut le prendre comme une opportunité. Le statut des travailleurs change aussi. On dépasse le salariat, pour aller vers des formes de flexibilité du travail. Beaucoup de gens se disent consultants. En fait, ils vont souvent travailler comme sous-traitants pour leur ancienne entreprise, c'est plus précaire. Mais ils font aussi quelques heures pour un concurrent, et finissent par se construire une clientèle.

E & C : Quelle différence voyez-vous entre la France et les Etats-Unis ?

P. B. : En France, le droit du travail reste très protecteur. L'entreprise, comme une mère, doit protéger ses enfants. Du côté américain, c'est une culture contractuelle, qui peut paraître froide. Deux parties consentantes s'engagent sur un contrat. Les relations entre l'employé et l'entreprise sont plus distantes, plus centrées sur la tâche à accomplir. L'Etat est également de moins en moins interventionniste - hormis pour aider la recherche et le développement. C'est une tendance de fond qui ne date pas du mandat Bush.

*Ce Francais, psychanalyste, ancien dirigeant chez American Motors au Canada et aux Etats-Unis, organise des learning expeditions, aux Etats-Unis et en Asie, pour les DG et les DRH. Il a écrit Français et Américains, l'autre rive, Village Mondial, 2004.

Auteur

  • recuellis C. T.