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Le géant que les Américains aiment détester

Enquête | publié le : 18.01.2005 | C. T.

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Le géant que les Américains aiment détester

Crédit photo C. T.

Confronté à des contentieux pour discrimination et à des conflits salariaux, accusé de tirer les rémunérations de tout un secteur à la baisse, imperméable à l'action syndicale, le géant américain de la grande distribution focalise les critiques sur les excès du libéralisme.

«Quand Wal-Mart tousse, le reste du commerce attrape la grippe. » Parole de Bill Dreher, un analyste de la Deutsche Bank, qui suit l'évolution de la grande distribution aux Etats-Unis. Wal-Mart, à l'origine modeste épicerie de Bentonville, en Arkansas, s'est hissé, en quarante et un ans, à la première place mondiale des grands magasins discount. Wal-Mart compte 3 658 magasins aux Etats-Unis, 1 500 antennes internationales dans 9 pays, et emploie 1,5 million d'«associés», dont un bon million sur le seul territoire américain.

Le groupe de Bentonville est devenu le premier employeur privé de l'Oncle Sam, et ses politiques RH (salaires, avantages et conditions de travail) ont un impact sur les fiches de paie de ses centaines de fournisseurs et, plus largement, sur celles du secteur du commerce.

Sévères critiques

L'enseigne attire les critiques des syndicats, qui ne parviennent pas à en pousser la porte, et parfois celles de toute une population, comme dans la commune californienne d'Ingelwood, où les habitants se sont massivement opposés à l'implantation d'un magasin, craignant qu'il n'étrangle la concurrence et qu'il ne réussisse à imposer localement des standards salariaux à la baisse. Sans compter une action judiciaire en nom collectif (class action, lire p. 15) pour discrimination, et de multiples conflits salariaux : Wal-Mart concentre les critiques sur les excès du libéralisme.

Rénovation des pratiques sociales

La direction de l'enseigne a réagi, en recrutant, en octobre dernier, Lawrence Jackson comme executive vice-président chargé de sa People division. A 51 ans, celui-ci figure au classement de Fortune comme l'un des managers noirs les plus influents des Etats-Unis. D'autre part, l'intitulé de son poste («People» au lieu de «Human Resources») pourrait laisser augurer d'une rénovation de certaines pratiques sociales. Et le groupe multiplie les actions de communication, avec des témoignages d'associés, comme James McKinney, qui raconte comment son fils de 9 mois a pu se faire opérer d'une tumeur au cerveau grâce à l'assurance santé de Wal-Mart. Un autre, Ryan McCarty, s'est vu offrir par l'entreprise de quoi acheter vêtements et nourriture lorsque sa maison a brûlé.

Une image généreuse qui fait bondir les syndicalistes de l'UFCW (United Food and Commercial Workers). Depuis des années, les représentants du syndicat tentent de s'implanter chez le plus grand employeur du secteur. En vain. En outre, les autres enseignes, de plus en plus concurrencées par Wal-Mart, essaient de limiter les exigences du syndicat chez elles, arguant qu'elles doivent s'aligner sur les pratiques salariales du numéro un. Wal-Mart offre un salaire moyen horaire à ses salariés de base de 8 dollars, indique l'UFCW. Les autres grands, Kroger, Safeway's, Albertsons, proposent 10,35 dollars.

Cinq mois de grève

L'assurance santé est, elle aussi, sur la sellette. L'an dernier, les supermarchés californiens ont connu près de cinq mois de grève, au moment de la renégociation des accords salariaux. Les entreprises désiraient, comme Wal-Mart, partager les coûts de l'assurance santé avec le personnel ; les 70 000 salariés syndiqués en Californie ont catégoriquement refusé. Il n'empêche. Les syndicalistes ont mesuré le danger potentiel de Wal-Mart. Et redoublent leurs efforts de pénétration dans la citadelle de Bentonville.

wal-mart

> Activité : numéro un mondial de la grande distribution, 3 658 hypermarchés aux Etats-Unis, 1 500 à l'étranger.

> Chiffre d'affaires 2003 : 256 milliards de dollars ; bénéfices : 9,1 milliards de dollars.

> Effectifs : 1,5 million de salariés.

Auteur

  • C. T.