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« Le DIF ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt ! »

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 18.01.2005 | Laurent Gérard

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« Le DIF ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt ! »

Crédit photo Laurent Gérard

Si le DIF a été l'une des préoccupations principales des DRH, qui ont dû l'intégrer à leur plan de formation cette année, il ne suffira pas au développement des compétences. La nouvelle loi devrait permettre, par ailleurs, l'inventaire des situations «formatives».

E & C : Que pensez-vous de la loi du 4 mai 2004 ?

Michel Ledru : Il y avait urgence à faire évoluer la loi de 1971. L'enjeu de la formation tout au long de la vie est fondamental : il implique obligatoirement le salarié et l'entreprise. La nouvelle loi marque bien cette double implication : le salarié dans le cadre du DIF «passe» contrat avec son employeur, l'entreprise s'engage à garantir l'employabilité des salariés.

L'ANI et la loi complètent ainsi le droit au bilan de compétences et à la Validation des acquis de l'expérience (VAE). Tout salarié bénéficie maintenant d'une panoplie d'outils pour être acteur de son itinéraire professionnel et du développement de ses compétences. Pour les entreprises, les nouveaux textes présentent de réelles opportunités : élargissement des actions imputables, réexamen des possibilités de financement, repositionnement de l'apprentissage et intégration des nouveaux contrats, innovation en matière de formules de formation...

E & C : Les entreprises se sont beaucoup focalisées sur le DIF. N'en oublient-elles pas le reste ?

M. L. : Le DIF a été au centre des préoccupations des DRH. Rien de plus normal puisqu'ils ont dû intégrer ce nouveau droit dans le plan 2005. Cela ne doit pas pour autant occulter les autres mesures. Par ailleurs, le développement des compétences ne relèvera jamais du seul DIF : n'oublions pas que le travail est le premier générateur de compétences au quotidien ! En ce sens, les intérêts du salarié et de l'entreprise sont convergents et il serait dangereux de laisser croire que le développement des compétences peut être réduit à une succession de sessions de courte durée déconnectées du travail ! Le DIF ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt ! Le développement des compétences est le résultat d'une conjonction d'actions aux multiples modalités.

E & C : Que devient alors le plan de formation ?

M. L. : Jusqu'ici, le plan de formation était le reflet d'une partie seulement de la formation professionnelle. Au-delà des stages identifiés dans le plan, il existe beaucoup d'autres modalités de formation. Par exemple, les actions de formation qui accompagnent les changements (technologiques, produits, organisation). Ces formations, au budget souvent conséquent, apparaissaient rarement, jusqu'ici, au plan. Elles relèvent de l'adaptation à l'évolution de l'activité professionnelle et devront désormais être intégrées. Puis, il y a les actions formatives au quotidien : celles menées par le manager, les partages d'expérience entre salariés, les formations acquises par l'intranet, etc. Il ne s'agit pas d'assimiler la moindre réunion à de la formation, mais d'élargir le sens du terme formation, trop souvent synonyme de stage en salle. La nouvelle loi est l'opportunité de faire l'inventaire des situations formatives, de repenser leur gestion dans une optique individuelle et plus seulement collective : il s'agit peut-être de la plus grande innovation de cette loi !

Ce recensement va devenir d'autant plus nécessaire que l'entreprise doit « assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et à l'évolution de leur emploi ». Il y a un risque réel de conflit lors de licenciements. Les DRH, avec l'appui des managers de terrain, vont être contraints de mettre en place une traçabilité des événements individuels facteurs de développement des compétences. C'est une révolution.

E & C : Le coût de cette réforme et les problèmes de gestion et de mise en place ont provoqué de grandes inquiétudes. Se sont-elles calmées ?

M. L. : En 2004, il y a d'abord eu de l'intérêt, puis de l'inquiétude (sur les aspects financiers et juridiques). Aujourd'hui, après une prise de conscience de la complexité de la mise en pratique des textes, nous sommes, selon les cas, dans une phase d'attentisme ou de mise en place d'importants chantiers. La plupart des grandes entreprises se sont attaquées à l'adaptation de leurs logiciels de GRH, des procédures (notamment liées au DIF), à l'information interne de leurs managers, parfois à la négociation avec leurs partenaires sociaux pour signer un accord d'entreprise. Pour les coûts, la position des grandes entreprises est souvent simple : pas d'augmentation des dépenses formation.

E & C : Comment se présentent les premiers plans de formation 2005 ? La nouvelle catégorisation des actions de formation du plan est-elle un casse-tête ?

M. L. : 2005 est une année de transition. Les responsables formation ont présenté en CE un plan modifié et la procédure de traitement des demandes de DIF. Dans la plupart des cas, on constate une adaptation a minima, visant à limiter les coûts et les risques juridiques. La délimitation de trois catégories dans le plan est, en effet, une difficulté. Elle provient surtout du fait qu'une même action peut être classée dans une catégorie ou une autre selon l'emploi du salarié. En général, les RF ont été pragmatiques : ils ont proposé un premier classement à titre expérimental, avec l'objectif de suivre toute l'année les difficultés d'application.

Ethique-La méthode 6, Edgar Morin, Seuil, 2004.

Du courage d'être manager, Gérard Reyre, éditions Liaisons, 2004.

10 considérations sur le temps, Bodil Jönsson, Gallimard, 2000.

parcours

Michel Ledru a été consultant dans une filiale du groupe Renault, puis a créé le cabinet Corom, en 1987. Il a ensuite été directeur des activités RH puis de la R & D au groupe Cegos.

Il est, aujourd'hui, directeur d'IGS-Formation Développement du groupe IGS.

Intervenant à l'université de Marne-la-Vallée, il a publié Capital compétences (avec Sandra Bellier, éd. ESF, 1991), Le e-learning, projet d'entreprise (éd. Liaisons, 2002), Le e-management (coordination avec Michel Kalika, éd. Liaisons, 2003), et Travail et formation (avec Naïma Bouda, Agnès Wolf, éd. Liaisons, 2004).

Auteur

  • Laurent Gérard