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L'entreprise doit sécuriser les trajectoires professionnelles

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 11.01.2005 | Violette Queuniet

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L'entreprise doit sécuriser les trajectoires professionnelles

Crédit photo Violette Queuniet

Les individus ont compris que la sécurité professionnelle ne dépend plus d'un statut mais de leur employabilité, dont ils estiment l'entreprise coresponsable. Celles qui assureront une sécurisation des trajectoires professionnelles pourront compter sur un réel engagement de leurs salariés.

E & C : Il ressort d'une enquête européenne, menée par le Lab'Ho*, que les jeunes actifs se veulent acteurs de leur vie professionnelle, mais à condition de trouver un engagement fort du côté de l'entreprise. Est-ce une demande de sécurité ?

Pascale Levet : Aujourd'hui, le risque n'est pas de perdre son emploi mais plutôt son employabilité, et les jeunes en sont très conscients. Cela veut donc dire qu'il faut gérer la sécurité des trajectoires. Il ne s'agit pas d'une demande de personnes faibles et dont le profil n'intéresserait pas les entreprises. Ces nouveaux acteurs sont prêts à se lancer dans une aventure qui engage leur responsabilité individuelle. Mais ils voient très bien qu'ils ne peuvent être réellement acteurs que sous condition. Ils savent, pour l'avoir expérimenté, que leur employabilité individuelle ne vaut rien si l'entreprise n'a pas mis en oeuvre des dispositifs pour sa capitalisation et sa valorisation. Le problème, ce n'est pas l'employabilité individuelle, c'est l'employabilité de marché. Ce n'est pas d'être bon ou mauvais, mais d'avoir un profil qui est recherché ou non par les entreprises. C'est pourquoi ils envisagent leur relation à l'entreprise sous un angle nouveau, dépassant sa vocation industrielle ou commerciale («le n° 1 de tel secteur», «la référence sur son marché en matière de...»), dont ils connaissent la fragilité, et portent une attention toute particulière à ses qualités «d'employeur». Pour eux, une entreprise qui agit en tant qu'employeur est une entreprise qui s'engage sur un double registre : la qualité du travail et non plus seulement celle de l'emploi ; et la qualité de la relation contractuelle.

La qualité du travail, c'est la qualité des contenus en termes d'objectifs, de tâches à réaliser, de disponibilité des moyens ; celle liée à l'organisation du travail, à la vocation apprenante du travail, à la capacité de l'entreprise à miser sur l'autonomie de l'acteur, à l'implication du management de proximité à la fois du côté des collaborateurs, mais aussi de celui de la direction. La relation contractuelle, c'est le contrat juridique, bien sûr, mais également les horaires, la flexibilité, la qualité de la définition des objectifs quand ils sont contractualisés, les conditions de rémunération et, de plus en plus, toutes les contreparties salariales telles que la protection sociale. Agir comme un «employeur idéal», c'est, in fine, savoir répondre aux attentes de stabilisation de ces nouveaux acteurs, stabilisation de parcours faits d'expériences diverses et de phases de transition.

E & C : Est-ce à l'entreprise seule de sécuriser les trajectoires ?

P. L. : Dans des trajectoires qui comportent de plus en plus de transitions hors de l'entreprise, il faut une ressource, un dispositif pour permettre aux acteurs de continuer à maintenir leur posture d'acteur, de citoyen qui participe à ce qui lui advient. Cette ressource, nous l'appelons, dans notre étude, «l'imprésario». Il accompagne, aide l'individu à capitaliser sur le passé, à valider ses expériences utiles, à lui faire comprendre son environnement. Et, surtout, à lui trouver un emploi digne de ce nom ! L'imprésario peut d'ailleurs intervenir lorsque l'individu est encore en poste : il permet de stabiliser les transactions au moment de plans sociaux, de mobilités intervenant dans le cadre de fusions, de restructurations...

Pour le moment, les imprésarios qui existent sont plus ou moins hybrides, relevant de consultants extérieurs et de la DRH. L'idéal réside sans doute dans la complémentarité, avec une supervision par la DRH et le management, parce qu'il est très formateur de s'intéresser aux trajectoires des individus, lesquels ne peuvent - sauf peut-être les mercenaires - gérer seuls la sécurisation de leur parcours.

E & C : Qu'auront à gagner les entreprises qui généraliseront ces pratiques ?

P. L. : Les entreprises qui commencent, d'ores et déjà, à travailler de cette façon le font pour ne pas avoir à payer plus tard des coûts sociaux très élevés. C'est déjà le cas, par exemple, de celles qui gèrent différemment leurs plans sociaux, en ne licenciant leurs salariés que lorsque ceux-ci ont retrouvé un poste. Et demain, les entreprises qui feront une vraie promesse d'employeur, qui développeront des dispositifs de type imprésario parce qu'elles seront sensibles à l'idée des trajectoires, à celle d'acteurs qui cherchent à être sécurisés autrement que dans le confinement d'un CDI, sont des entreprises qui atteindront, a priori, des niveaux élevés de performance économique et sociale, et donc, aussi, d'attractivité.

Mais ce qu'on énonce là n'est pas une vérité, c'est un horizon. Pour les entreprises, et les DRH, il s'agit d'adapter ces tendances à l'horizon de la pratique de gestion des ressources humaines, à l'horizon de la pratique de gestion de la flexibilité de l'emploi, etc. Mais cela implique également de renoncer aux pratiques de «stop and go», qui sont encore trop fréquentes aujourd'hui.

* Voir «L'événement», Entreprise & Carrières n° 741, 7-13 décembre 2004.

L'invention de soi, J.-C. Kaufmann, 2004.

Pourquoi j'irais travailler ?, E. Albert, F. Bournois, J. Duval-Hamel, J. Rojot, S. Roussillon, R. Sainsaulieu, Eyrolles, 2003.

La nouvelle gestion des cadres, F. Dany, Y.-F. Livian, Vuibert, 2002.

parcours

Diplômée de l'ICN et titulaire d'un DEA en stratégie, Pascale Levet a débuté sa vie professionnelle comme chercheuse à l'EM Lyon. Elle a rejoint, ensuite, le groupe Adecco comme consultante en recrutement chez Alexandre Tic.

En 1999, elle a créé au sein du groupe Adecco le Lab'Ho, observatoire des hommes et des organisations, qui a publié un grand nombre d'études sur le thème des RH.

Elle est chargée de cours à l'IAE de l'université Lyon-3.

Auteur

  • Violette Queuniet