Encore une bonne rencontre. La vie est comme ça. C'est dans les chantiers les plus tortueux et les circonstances les plus improbables qu'on peut faire les rencontres les plus enthousiasmantes. C'est d'ailleurs le sel de ce métier.
Responsable des nouvelles implantations dans une enseigne de distribution, mon jeune interlocuteur joue un rôle essentiel dans la mission de réorganisation en cours.
Première rencontre. Bistro glauque dans une zone commerciale en chantier. Odeur de tabac froid. Cliquetis des flippers en fond de salle et température limite. Rien de bien exaltant pour commencer la journée.
Il arrive à l'heure. En l'apercevant, j'ai l'impression de l'avoir déjà vu. Ailleurs. Peut-être dans une autre enseigne, pour une autre mission. Mais est-ce bien le même homme ?
« Bonjour. On se connaît. Vous m'avez fait subir dix millions de tests lors de mon embauche. Je me souviens très bien de nos premiers entretiens. Content de vous revoir. »
Bon. Voilà qui démarre bien.
On parle de sa carrière en plein essor. De ses succès. Des projets à court terme. Des ambitions pour plus tard. L'homme est intarissable, bourré d'énergie, rayonnant de bonheur, d'appétit de vivre. On est à deux doigts de la caricature, de la photo de promotion pour une région, version brochure de la chambre de commerce locale. Mais avec une différence de taille : l'authenticité.
« Et vous savez quoi ? Je ne me suis jamais senti aussi amoureux de ma femme. Et dans quatre mois, on aura un bébé. C'est le pied total. Le vrai bonheur. »
Eh bien, voilà quelqu'un que la vie professionnelle ne démolit pas et qui construit sa vie à grandes pelletées !
Je le questionne sur les contraintes de son métier, les déplacements, l'impact sur sa vie de famille, etc.
Petit moment de réflexion. Réponse intéressante.
« Tout le monde me dit de protéger ma vie de famille en travaillant moins. Je connais par coeur cette rengaine. Mais mon travail est excitant, plein de rencontres. Et avec des responsabilités réelles. Moi, je pense le contraire des modes du moment. Je suis certain que ma future famille a besoin de quelqu'un qui s'investit ailleurs que dans la déco de sa maison. Et j'ai besoin de l'amour de ma famille pour me sentir utile et mobilisé. Cette soi-disante contradiction entre le travail et le sentiment amoureux, je crois que c'est du bidon. Pour moi, c'est tout le contraire. Je travaille comme un fou et ça me rend amoureux. A moins que ce ne soit le contraire ? »
Bonne question de début d'année. A méditer.
Pierre-Loïc Chantereau <
