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Demain

La fonction RH s'adapte plutôt bien aux défis nouveaux

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 21.12.2004 | Laurent Gérard

La fonction RH doit reposer sur trois démarches : la gestion des compétences, le management des idées et la responsabilité sociale. Trois pistes que les entreprises les plus avancées sont déjà en train de défricher.

E & C : Quel est, selon vous, l'état d'esprit actuel de la fonction RH ? N'est-elle pas désenchantée ?

Alain Meignant : A-t-elle jamais été «enchantée» ? Elle a toujours dû s'adapter à des défis nouveaux et elle le fait plutôt bien. Dans mon livre, Le DRH, partenaire stratégique, j'utilise l'image du tabouret à trois pieds, sur lequel on peut grimper pour regarder plus loin sans trop décoller de la réalité. Les trois pieds correspondent à trois sujets qui me semblent essentiels pour l'avenir. Beaucoup d'entreprises ont engagé des actions significatives sur ces sujets, c'est donc un constat, mais c'est aussi un objectif car la fonction RH pourrait y avoir une contribution majeure.

E & C : Le premier pied de ce tabouret est, selon vous, la gestion stratégique des compétences. Les entreprises ont-elles réellement pris conscience de cet enjeu ?

A. M. : Elles ont une conscience très nette de la nécessité de répondre mieux que leurs concurrents aux attentes de leurs clients en matière de coûts, de qualité, de service et d'innovation, et, si possible, de les anticiper. Elles sont très sensibilisées, dans certains secteurs, aux risques de pénurie de compétences. C'est une question de performance économique sur des marchés avant d'être une question de gestion de personnel. Elles n'appellent pas nécessairement cela «gestion stratégique des compétences», mais c'est bien de cela qu'il s'agit. Les instruments, comme les référentiels de compétences, sont utiles, mais seulement au service d'un projet collectif et d'enjeux clairs. Si le projet est seulement RH, le management opérationnel ne se l'approprie pas. De nombreuses entreprises l'ont compris et mis en oeuvre.

E & C : Le couple management des idées/reconnaissance forme le deuxième pied de la fonction RH. Voyez-vous naître de nouvelles dynamiques d'entreprises en la matière ?

A. M. : Le 8 décembre, a eu lieu, à Paris, la remise des Trophées de l'innovation participative, les lauréats étant Sovab, une filiale de Renault, l'usine Michelin de Joué-les-Tours, et Urgo. A travers ces exemples remarquables, mais aussi beaucoup d'autres, y compris dans le tertiaire, on a pu voir une fois de plus l'extraordinaire potentiel d'innovation qui est à disposition des entreprises qui se donnent les moyens d'écouter les idées, grandes et petites, des salariés. Pour moi, c'est un autre volet de la gestion stratégique des compétences. Le savoir-faire déjà formalisé, par exemple dans la formation, est également accessible aux concurrents. Le savoir-faire qui fait la différence s'invente dans l'entreprise, à tous les niveaux, depuis la modeste amélioration qui fait gagner quelques centimes sur la fabrication d'une pièce jusqu'à celle qui permet le dépôt d'un brevet, en passant par les innovations dans le service au client. Certains DRH sont très impliqués dans ces démarches, mais d'autres ne leur accordent pas l'importance qu'elles méritent, ou hésitent sur les problèmes de valorisation qu'elles impliquent : faut-il payer les idées ? Sous quelle forme ? Comment assurer l'équité ?

E & C : Le troisième pied du tabouret RH est la responsabilité sociale d'entreprise, à laquelle actionnaires, consommateurs et collectivités seraient sensibles. N'y a-t-il pas là divergence d'intérêts ?

A. M. : Les modèles de responsabilité sociale, ou de développement durable, ne nient pas les divergences, mais rendent possible leur régulation en rendant explicites des critères, et en permettant la publication de résultats validés par des organismes indépendants. Les auditeurs sociaux ont un rôle nouveau à jouer, et d'autres acteurs, comme les ONG, interviennent sur ce terrain. Des entreprises de premier plan, cotées ou non en Bourse, se sont engagées sérieusement, parce qu'elles y voient une condition de la confiance à long terme de leurs parties prenantes et de leur attractivité comme employeur. C'est une évolution importante, face à laquelle le positionnement des DRH reste encore assez peu défini, sur un périmètre qui inclut le personnel des sous-traitants.

E & C : Vous insistez sur les trois raisons de la faiblesse de la fonction RH en France : le défaut de communication des partenaires sociaux, des employeurs et des salariés ; l'individualisme des comportements ; et la dangerosité du monde. Et, finalement, vous semblez plutôt pessimiste. Voyez-vous pour autant des éléments d'optimisme ?

A. M. : Le pessimisme est un état d'âme et l'optimisme l'expression d'une volonté. Certaines entreprises et branches professionnelles ont cette volonté et trouvent des solutions qui préparent l'avenir. Regardez la loi du 4 mai 2004 sur la formation. Pendant que certains s'enlisent dans la glose sur des détails d'application administrative, d'autres en profitent pour dynamiser des politiques autour d'objectifs clairs, et donner une nouvelle impulsion stratégique. C'est plus intéressant, non ?

Les nouveaux travailleurs du savoir, Jean-Pierre Bouchez, éditions d'Organisation, 2004.

Ils vont tuer le capitalisme, Claude Bébéar et Philippe Manière, Plon, 2003.

Gestion des personnes, Maurice Thévenet, éditions Liaisons, 2004.

parcours

Après un doctorat en sciences sociales, Alain Meignant a débuté sa carrière dans l'équipe de Bertrand Schwartz, à l'Acuces de Nancy, puis a occupé le poste de directeur du centre parisien jusqu'en 1980.

De 1980 à 1989, il a dirigé l'Institut Entreprise & Personnel, avant de devenir directeur du développement des RH à Sollac (groupe Usinor). En 1991, il publie Manager la formation (éditions Liaisons), qui connaît, aujourd'hui, sa 6e édition.

Il retourne au conseil en 1994 et occupe le poste de directeur dans le groupe de consultants Quaternaire.

En 2000, il crée son cabinet-conseil. Il vient de publier Le DRH, partenaire stratégique (éditions Liaisons).

Auteur

  • Laurent Gérard