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Enquête

L'offshore socialement responsable

Enquête | publié le : 14.12.2004 | J.-F. R.

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L'offshore socialement responsable

Crédit photo J.-F. R.

La filiale marocaine de l'outsourceur français Webhelp se distingue par sa volonté d'améliorer les conditions de travail de ses salariés.

Visiblement, Ahmed Belahsen prend plaisir à faire visiter ses installations de Rabat. Il faut dire que le jeune directeur général de Webcad, une société qu'il a fondée en 2001 et qu'il a cédée en début d'année au prestataire français Webhelp, a de quoi être fier : situés dans le centre-ville de la capitale administrative marocaine, ses deux sites dédiés à la relation client n'ont rien à envier à ceux que l'on pourrait trouver dans l'Hexagone. Les locaux sont bien entretenus ; les ordinateurs sont presque tous dotés d'un écran plat anti-reflets ; les téléopérateurs sont correctement installés ; les sièges sont confortables ; les plateaux sont équipés de faux plafonds absorbants ; et, naturellement, la climatisation est omniprésente.

Avec ses 600 salariés, l'outsourceur travaille quasi exclusivement pour des donneurs d'ordre français : fournisseurs d'accès à Internet (Wanadoo, Tiscali, Club Internet), sites d'achat en ligne (Chapitre. com, Cdiscount...), vépécistes (BonPrix), ou encore éditeurs de logiciels (Sage). Seules deux entreprises locales - Maroc Télécom et la Régie des eaux de Rabat - comptent parmi ses clients. Plus de 90 % de l'activité repose sur le traitement d'appels entrants.

Si chaque salarié vit ici à l'heure française, Ahmed Belahsen se targue aussi d'avoir hissé sa gestion des ressources humaines au niveau des standards de qualité que l'on rencontre dans les PME hexagonales de même taille. Avec un père qui préside la filiale marocaine d'Alcatel et après huit années passées en France - école d'ingénieur à Toulouse, Sup de Co Paris, et un passage chez Arthur Andersen en tant que consultant en système d'information bancaire -, Ahmed Belahsen a, il est vrai, quelques références.

DRH à plein temps

Ainsi, on est surpris d'apprendre que Webcad emploie une DRH à plein temps qui encadre une équipe de six personnes. L'entreprise accueille aussi un médecin du travail qui assure, trois jours par semaine, une permanence sur les deux sites. « Si nous étions peu scrupuleux, nous pourrions vraiment rogner sur les conditions de travail et être encore plus compétitifs. Mais ce n'est ni l'intérêt des salariés, ni celui de la direction, ni celui de nos clients, qui réclament un travail de qualité », souligne le dirigeant.

Avantages spécifiques

Les salariés sont donc placés dans les meilleures conditions. Le CDI est de mise dans 80 % des cas. Un système d'intéressement a été mis en place pour récompenser la performance. Pour favoriser l'accès de ses salariés aux services bancaires, l'entreprise a passé des accords particuliers avec des banques. Et, nec plus ultra, les collaborateurs disposent d'une couverture frais de santé financée à 70 % par l'employeur. « Il en coûte 6 euros par mois au salarié, pour une prise en charge à 80 % », précise Ahmed Belahsen.

Autre pierre angulaire de la politique RH de Webcad : la formation de ses téléopérateurs. A leur arrivée, ceux-ci se voient offrir entre 8 et 10 jours de formation. Des sessions sont ensuite régulièrement dispensées en fonction de la typologie des appels que le salarié aura à traiter.

Des profils difficiles à débusquer

« Il est important de fidéliser les collaborateurs, insiste le responsable. Car, si nous n'avons aucun souci pour trouver des candidats, dans un pays où le taux de chômage des jeunes est très important (chez les moins de 25 ans, il flirte avec les 40 %, NDLR), en revanche, le profil correspondant à nos critères est difficile à débusquer. Sur 100 candidats, seulement 5 sont retenus. » Résultat : les recrues affichent des niveaux bac + 2 à bac + 4 pour un salaire mensuel de 450 euros brut (360 euros net), soit deux fois le revenu minimum marocain. « Pour certains salariés, poursuit Ahmed Belahsen, ce travail est un vrai tremplin. Ils vont acquérir de l'expérience, perfectionner leur français, apprendre les rudiments du management. Ensuite, ils vont se vendre dans des entreprises qui leur proposeront un métier correspondant davantage à leur cursus universitaire. »

44 heures hebdomadaires

Revers de la médaille : les salariés de Webcad ne comptent pas leurs heures. La durée hebdomadaire du travail y est de 44 heures. Et les journées sont épuisantes. Les opérateurs ont seulement 30 minutes de pause par jour. Seule la période du ramadan offre une plus grande souplesse dans l'organisation du travail. Quant aux écoutes, elles sont, comme en France, largement pratiquées, soit via un enregistrement effectué à l'insu du salarié, soit en direct par le superviseur.

Depuis l'adoption, en mai dernier, d'un nouveau code du travail au Maroc, Webcad se prépare désormais à organiser les élections des membres du CHSCT et du CE. « La base, souligne le dirigeant marocain, c'est le respect de la législation sociale. Ensuite, on peut améliorer la vie quotidienne de chacun. »

Webcad

> Activité : centre d'appels externalisé.

> Effectifs : 600 salariés.

> Chiffre d'affaires : 12 millions d'euros prévus fin 2004 (Webhelp).

Le Maroc, roi de l'offshore

Avec le Sénégal, la Tunisie et l'Île Maurice, le Maroc est une destination de plus en plus prisée. Non pour y découvrir les merveilles de l'Atlas ou les beautés de Marrakech, mais pour y délocaliser son centre d'appels.

Depuis environ cinq ans, le royaume chérifien a su, en effet, s'imposer sur ses principaux concurrents africains. En guise de couronnement : l'organisation, fin septembre, à Casablanca, du Siccam, le tout premier salon international des centres d'appels, présidé par André Azoulay, le conseiller personnel du roi Mohammed VI en matière économique.

Avec son régime fiscal extrêmement avantageux - aucune imposition pendant les cinq premières années -, le Maroc attire depuis belle lurette les investissements étrangers. Les entreprises européennes se régalent, en outre, d'avoir, sous la main, une main-d'oeuvre qualifiée pour des niveaux de salaires très bas. Ainsi, un téléconseiller bac + 2 parfaitement francophone perçoit en moyenne entre 350 et 450 euros brut par mois pour 48 heures de travail par semaine. Quant au salaire mensuel d'un superviseur, il dépasse rarement les 800 euros. De plus, des aides supplémentaires peuvent être accordées en matière de recrutement, de charges sociales et de formation.

Malgré ces atouts, le Maroc traînait un handicap technologique qui rendait le coût des communications bien trop élevé pour rendre attractif tout projet de délocalisation. Retard aujourd'hui comblé. « Le surcoût des communications est désormais marginal », observe Ahmed Belahsen, directeur général de Webcad. Outsourceurs et donneurs d'ordre hexagonaux ont-ils pour autant déferlé dans cette partie du Maghreb ?

Avec ses 4 000 positions, ce pays est encore un nain par rapport à la France, qui en compte plus de 200 000. « Le Maroc ne capte que 20 % de la croissance du secteur », ajoute Ahmed Belahsen. Les perspectives de développement sont toutefois impressionnantes. Le taux de croissance annuel est évalué à 40 % d'ici à 2007. Le nombre de positions pourrait s'élever à 12 000 en 2008.

Auteur

  • J.-F. R.