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Les Pratiques

Le désamiantage sous haute surveillance

Les Pratiques | Point fort | publié le : 07.12.2004 | Olivier Berthelin

Fréquents dépassements de la durée du travail, non-respect des procédures de décontamination, les entreprises spécialisées dans les opérations de désamiantage sont dans la ligne de mire des pouvoirs publics.

De graves manquements aux règles de sécurité, voilà ce qu'ont constaté, en mars dernier, lors d'une inspection de 76 chantiers de désamiantage, la Direction des relations du travail (DRT), la Caisse d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Bilan de ces visites inopinées : 55 chantiers hors des clous ! « Ces contrôles ont confirmé nos craintes concernant une nette dégradation des pratiques dans cette branche d'activité », observe Michel Héry, chargé de mission scientifique à l'INRS. Allant jusqu'à occasionner des risques d'exposition à l'amiante pour les opérateurs, les infractions constatées ont impliqué la fermeture de trois chantiers et l'engagement de 46 poursuites à l'encontre des entreprises concernées.

Moins de certifications

Au-delà des sanctions, cette première opération conjointe des trois partenaires a débouché, en octobre dernier, sur la mise en place d'une procédure de retrait d'urgence de la certification des entreprises. « Les entreprises dont la pratique présente un caractère de mise en danger des salariés perdront leur certification pour tous les chantiers », précise Michèle Guimon, représentante de l'INRS auprès des organismes certificateurs. Laquelle constate une baisse constante du nombre des entreprises certifiées, qui ne sont plus que 140 aujourd'hui, contre 150 en 2000. « Une partie d'entre elles, poursuit-elle, abandonnent parce que les exigences de la réglementation de 1996*, encadrant les opérations de désamiantage, leur semblent trop contraignantes. Ce marché, qui compte une majorité de maîtres d'ouvrage publics, évolue avec des prix établis suivant le principe de l'attribution au moins-disant. Dans un contexte de guerre tarifaire, les entrepreneurs sont tentés de rogner sur les investissements et les dispositifs de sécurité en milieu confiné. » Principales infractions constatées, selon Michèle Guimon : des dépassements très fréquents de la durée du travail et le non-respect des procédures de décontamination en milieu confiné. A ces problèmes, la CGT ajoute celui des chutes de grande hauteur, qui ont occasionné 54 des 188 accidents mortels recensés cette année dans les professions du bâtiment. « Les opérateurs risquent d'autant plus de tomber que les combinaisons augmentent la fatigue et rendent les gestes plus difficiles. Nous revendiquons l'utilisation de robots partout où cela est possible. Les salariés spécialisés dans l'amiante sont particulièrement qualifiés et n'auraient aucun mal à exercer d'autres fonctions dans un secteur qui se plaint de manquer de bras », affirme Rémy Clavreul, de la fédération CGT du bâtiment. De son côté, l'INRS, s'appuyant sur des études de la médecine du travail, insiste sur le respect de la durée maximale des temps de travail en tenue isolante, qui est de 2 fois 2 h 30 par jour. « Il est nécessaire de tenir compte des effets de la combinaison, dont le port accélère le rythme cardiaque dans des proportions qui peuvent devenir dangereuses », précise Michel Héry.

Cohésion des équipes

Michel Héry insiste aussi sur l'importance de la cohésion des équipes et les problèmes que présente le turn-over du personnel. « En milieu hostile, un collectif de travail possédant des méthodes d'intervention bien rodées constitue un gage de sécurité », précise le chercheur en déplorant le recours aux contrats de chantier. Cette forme de contrat précaire propre au bâtiment ne facilite pas, en effet, la constitution d'équipes permanentes. La CGT, quant à elle, reconnaissant les efforts de contrôle réalisés sur les gros chantiers, s'inquiète du manque de vigilance concernant les interventions réalisées par des artisans, sans précautions particulières. « Cette campagne, qui était la première à être formalisée au niveau national entre nos trois organismes, prouve que nous devons être particulièrement vigilants. L'expérience sera sans doute renouvelée dans d'autres secteurs d'activité », souligne Michel Héry.

* Décret n° 96-1 133 du 24 décembre 1996.

Auteur

  • Olivier Berthelin