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Les Pratiques

Un changement de culture d'entreprise à petits pas

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 23.11.2004 | Violaine Miossec

Engagée depuis plusieurs années, la rénovation managériale à la SNCF semble porter ses fruits, selon les dernières enquêtes internes. Mais cette révolution culturelle est encore loin de faire l'unanimité.

Le processus de rénovation managériale lancé au début des années 2000 commencerait-il à porter ses fruits ? « Les choses changent, incontestablement », selon Monique Fournier-Laurent, directrice des cadres et de l'Institut du management à la SNCF, qui met en avant des mini-enquêtes réalisées en interne l'été dernier : sur 1 000 cadres interrogés, 72 % affirment qu'ils accordent leur confiance à leur hiérarchique, car il sait faire preuve de courage managérial et qu'il assume ses responsabilités. Une petite révolution, comparé à l'enquête réalisée en 2000, qui avait mis au jour d'importantes difficultés quant au rôle de la hiérarchie. Par ailleurs, 54 % des agents interrogés citent, pour la première fois, leur hiérarchie comme une de leurs sources d'information.

Enfin, une enquête auprès de 700 dirigeants de proximité révèle que 73 % d'entre eux s'estiment mieux armés pour assurer leur rôle de manager. Ce qui tendrait à prouver le succès de la formation, «Profession manager», qui leur est proposée. Nouvelle strate hiérarchique créée dans le cadre de la rénovation managériale, les dirigeants de proximité encadrent environ 30 agents d'exécution. Ils ont, notamment, pour mission de relayer la nouvelle culture d'entreprise insufflée par l'équipe dirigeante.

Dix-huit «décisions d'entreprise»

Issue d'une démarche participative auprès des cadres de l'entreprise, en 2000, puis de tous les agents, en 2002, la rénovation managériale est l'un des axes principaux du projet industriel 2003/2005 de la SNCF. Elle s'articule autour des mesures proposées lors de ces consultations, qui ont abouti à la formulation de 18 «décisions d'entreprise». Celles-ci visent, en particulier, à changer les relations entre hiérarchies et agents, à développer une culture du résultat et de la performance, à inciter l'initiative et la prise de responsabilité à tous les niveaux... Concrètement, cela s'est aussi traduit par la généralisation de l'entretien annuel d'évaluation et la mise en place de systèmes de primes et d'intéressement aux résultats.

Mais, de l'aveu de nombreux cadres réunis au printemps dernier à Nantes, lors des rencontres RH de la SNCF, il reste un long chemin à parcourir avant que les 18 décisions entrent dans la « vraie vie managériale ». Et ce, malgré les appels répétés de l'équipe dirigeante : le mois dernier encore, le président Louis Gallois prônait l'accélération du changement culturel, pour un service public « modernisé », à l'heure de l'ouverture européenne à la concurrence.

Monique Fournier-Laurent voit pourtant de multiples signes de changement, même si elle admet que cela demande du temps, « parce qu'il ne s'agit pas d'appliquer une consigne technique, mais de faire évoluer des pratiques managériales. L'une des dix-huit décisions, par exemple, propose de permettre aux agents de débattre régulièrement de l'actualité de l'entreprise. Cela requiert un travail de fond pour un manager qui n'a pas l'habitude de fonctionner de cette manière, et qui doit accepter, notamment, de ne pas avoir réponse à tout face à ses agents. Cela demande du temps et le sens de l'exemplarité », explique-t-elle.

Création du syndicat des initiatives

Autre perspective intéressante : le syndicat des initiatives, créé en 2003, qui vise, là encore, à favoriser les échanges pour plus d'efficacité. « Le syndicat compte 260 adhérents et se réunit très régulièrement pour évoquer des questions concrètes. Il fait même des petits puisque nous avons vu la création de clubs des dirigeants de proximité, et de directeurs d'établissement », se réjouit Monique Fournier-Laurent.

Mais, sur le terrain, les sentiments restent partagés. Selon les syndicats, si certains cadres adhèrent à la nouvelle ligne managériale, d'autres peinent à la relayer, faute, justement, d'une réelle adhésion. Outre des questionnements sur l'abandon des valeurs du service public, les syndicats pointent certaines contradictions : « Comment concilier la recommandation de «prise d'initiatives», avec une logique très forte de sécurité et la multiplication des procédures écrites ?, s'interroge Francis Dianoux, animateur de la liaison nationale encadrement au syndicat Sud-Rail. Les beaux discours de la direction sont, en partie, hypocrites, et difficiles à mettre en oeuvre. »

Une préférence pour les «gestionnaires»

Il s'inquiète aussi d'une baisse de la légitimité de l'encadrement : dans une entreprise où la compétence technique reste une valeur forte, la préférence de la direction pour les «gestionnaires» face aux techniciens devient source de tensions. Un point de vue partagé par Alain Fourrage, secrétaire général de l'Union fédérale des cadres et agents de maîtrise CGT-cheminots, qui regrette que, dans ce dossier, les organisations syndicales soient tenues à l'écart. Pourtant, elles veillent au grain et ont récemment refusé une modification des statuts collectifs, qui aurait donné plus de souplesse dans la gestion de carrière de certains cadres. Confirmation, s'il en fallait, que la rénovation managériale reste un parcours de longue haleine semé d'embûches.

Auteur

  • Violaine Miossec