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Les Pratiques

Les contrats aidés sont relancés

Les Pratiques | Point fort | publié le : 23.11.2004 | Marie-Pierre Vega

Dans son volet emploi, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale procède à une refonte du système des contrats aidés. Objectif du gouvernement : améliorer l'efficacité d'une politique pour l'emploi qui, depuis deux ans et demi, manque de lisibilité.

Le ministre de l'Emploi relance le traitement social du chômage. Dans son projet de loi de programmation pour la cohésion sociale (1), Jean-Louis Borloo prend ses distances avec la politique de son prédécesseur François Fillon. Celui-ci avait donné la préférence au soutien à l'emploi via des aides directes et des allègements de cotisations sociales, opérant des coupes franches dans les emplois jeunes et les contrats aidés du secteur non marchand. A l'inverse, le projet de loi Borloo prend appui sur le système des dispositifs et des contrats aidés, en le simplifiant. Au total, leur nombre doit passer de 14 aujourd'hui à 7 en 2005. D'ailleurs, dans le projet de loi de finances pour 2005, certaines lignes budgétaires sont sensiblement revues à la baisse ou disparaissent. D'autres sont créées pour financer de nouveaux dispositifs : contrat d'avenir, fusion des CES (contrat emploi solidarité) et CEC (contrat emploi consolidé) dans un CAE (contrat d'accompagnement à l'emploi) et regroupement des contrats d'insertion des demandeurs d'emploi dans le secteur marchand dans un nouveau CIE (contrat initiative emploi).

Le nombre d'entrées potentielles en contrat aidé repart à la hausse. Il est fixé à 445 000 en 2005, contre 360 000 prévues en 2004 et 461 000 réalisées en 2003. L'enveloppe globale des contrats aidés est de 2 milliards d'euros en 2005, à laquelle il faut ajouter 500 millions d'euros pour les mesures consacrées aux jeunes. Ces choix budgétaires traduisent un « recentrage des entrées dans le secteur non marchand », selon le ministère de l'Emploi. Pour Fabrice Kehayan, directeur du Plie (Plan local pour l'insertion et l'emploi) de Marseille Provence Métropole, cette orientation est « intéressante » : « Le secteur non marchand constitue une part non négligeable des contrats de travail que nos bénéficiaires parviennent à décrocher à l'issue de leur parcours d'insertion. En général, il offre un cadre de travail plus souple, moins exigeant que l'entreprise classique. Il peut donc s'avérer parfois mieux adapté à notre public en grande difficulté. »

Grille de lecture plus claire

Le système, dont l'incohérence a souvent été l'objet des critiques de la droite, est réorganisé autour de deux critères : le degré d'exclusion et de difficulté du demandeur d'emploi, et le secteur dont relève l'employeur, marchand ou non. « La grille de lecture est plus claire avec, dans chacun des deux secteurs, un contrat spécifique aux bénéficiaires des minima sociaux, et un autre pour les chômeurs de longue durée. Cela dit, on peut s'interroger sur la pertinence de cette distinction. La frontière est mince entre les deux publics et, avec un contrat qui est réservé aux bénéficiaires des minima sociaux, le risque est grand de les stigmatiser encore plus », note Cyrille Haigneré, au département des études de l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) (2). Désormais, les différentes formules ont donc vocation à être adaptées au profil des chômeurs.

Les modifications apportées au contrat jeune en entreprise (CJE) vont dans ce sens. L'aide de l'Etat et la durée du contrat pourront varier, entre autres en fonction du niveau de qualification du bénéficiaire. La modulation devrait, notamment, permettre de donner aux jeunes sans qualification un accès prioritaire aux contrats aidés. Fin juin 2004, le CJE concernait 20 000 jeunes sans diplôme sur 165 000 contrats. Avec le passage à une aide modulée et non plus forfaitaire, ils devraient être 40 000 en 2005.

Un système plus efficace ?

Dans sa nouvelle version, le système sera-t-il plus efficace ? Selon le Bilan de la politique de l'emploi en 2002 de la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) paru en juillet 2004, « seuls 17 000 des 89 000 créations nettes d'emploi sont directement imputables aux effets cumulés des mesures générales d'allègement de cotisation et des dispositifs ciblés ». Dans un autre document, daté d'août 2004, Les bénéficiaires des politiques d'emploi, trois ans après la sortie d'un contrat aidé, il ressort qu'entre 50 % et 85 % des anciens bénéficiaires de contrats aidés occupent un emploi trois ans après être sortis du dispositif. « Mais, leur trajectoire professionnelle varie sensiblement selon le programme suivi », écrit la Dares. Dans le secteur marchand, 74,3 % des anciens bénéficiaires de CIE occupent un emploi classique, 2 % un emploi aidé, tandis que 15,1 % sont au chômage. A l'autre extrémité du spectre, seuls 38 % des bénéficiaires de CES occupent un emploi classique et 21,4 % un emploi aidé, tandis que 28,7 % d'entre eux sont sans travail.

Suivi d'une formation

« Un facteur, notamment, paraît essentiel dans la probabilité de retrouver un emploi classique à la sortie d'un contrat aidé : le suivi, pendant le contrat, d'une formation pour passer un examen ou préparer un futur emploi. Avec la refonte des contrats aidés, les actions de formation semblent devenir plus systématiquement obligatoires. Mais les modalités ne sont pas encore très claires », commente Cyrille Haigneré.

Les études ne sont pas plus favorables au contrat jeune en entreprise. L'Insee estime que les 100 000 emplois créés au titre de ce contrat n'ont fait que compenser la sortie des derniers bénéficiaires d'une exonération pour l'embauche d'un premier salarié, laquelle bénéficiait déjà largement aux jeunes. Et la Dares reconnaît que l'impact du CJE est très faible : l'effet d'aubaine serait proche de 90 %. En d'autres termes, 9 emplois sur 10 créés au titre du CJE l'auraient été de toute façon.

(1) Voté par le Sénat le 5 novembre dernier, le projet est actuellement examiné par les députés.

(2) Auteur d'une étude, Le CI-RMA, contexte et perspectives.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega