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Enquête

le rating appliqué au social

Enquête | publié le : 23.11.2004 | Guillaume Le Nagard

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le rating appliqué au social

Crédit photo Guillaume Le Nagard

Plus aucun des grands groupes cotés n'échappe au rating des agences de notation extra-financière. Certaines entreprises sollicitent, elles, une notation, à leur seul usage, pour mieux s'évaluer. Faire valoir sa politique en matière de développement durable requiert une vaste réflexion sur le reporting : création d'indicateurs pertinents et légitimes, et audits réguliers des fournisseurs.

En moins de dix ans, le souci du développement durable s'est imposé dans la conduite des affaires. Il n'est plus imaginable pour un groupe international de ne pas faire démonstration de sa responsabilité sociale d'entreprise (RSE) : prise en compte de l'impact de son activité sur la société civile, sur l'environnement ; respect des principes édictés par l'Organisation internationale du travail (OIT) ; adhésion à des programmes initiés par l'ONU...

Mais, comment le niveau de responsabilité sociale d'une entreprise est-il mesuré ? « Beaucoup et souvent, soupire le responsable développement durable (DD) d'une entreprise internationale. Entre mai et juillet, nous recevons des paquets de questionnaires d'agences de notation extra-financières. »

Multiplication des enquêtes

Les acteurs se sont multipliés au niveau international et sollicitent tant les plus grands goupes que ce spécialiste évoque la survey fatigue, la lassitude provoquée par l'obligation de répondre à de nombreuses enquêtes, souvent mentionnée aussi par ses confrères des entreprises globales. Et encore, beaucoup d'entre eux se contentent-ils de répondre aux agences contribuant à un indice boursier socialement responsable, comme Domini social index (KLD), Dow Jones sustainability index, Aspi (Vigeo), FTSE4Good (Eiris), ESI (Ethibel)...

«L'insertion de l'entreprise dans ces indices boursiers motive en bonne partie la réponse aux agences et fournit une justification au travail réalisé en interne dans les entreprises en direction de ces agences », indique François Fatoux, secrétaire général de l'Orse. Cet organisme édite d'ailleurs un guide des organismes d'analyse sociétale - qui en recense une bonne trentaine -, avec une page de conseils aux entreprises dans leur démarche de sélection et de réponse aux agences (*).

Notation sollicitée

Mais ce que les spécialistes appellent la «notation déclarative», réalisée par des agences à destination des gestionnaires de fonds et censées évaluer le risque non financier des entreprises cotées, n'est pas tout. Les mêmes organisations peuvent proposer une «notation sollicitée», prestation récente en France, au catalogue de Vigeo ou de BMJCore Ratings par exemple, cette dernière structure ayant choisi d'abandonner la notation déclarative, sur un marché français à la fois étroit et en concentration depuis quelques mois (lire p.16). Certaines entreprises ne souhaitant pas faire savoir qu'elles ont eu recours à une notation sollicitée, le nombre de prestations réalisées est imprécis.

Au moins une demi-douzaine d'entreprises, dont Calcia pour la pionnière, Danone, ADP, la RATP, EDF, se sont fait noter à leur propre demande. Et Vigeo comme BMJ Core Ratings comptent chacune une quinzaine de noms sur leur carnet de commandes pour 2005.

Autoévaluation

Mais, au-delà de cette notation effectuée par un tiers, comment évaluer soi-même ses réalisations ? C'est toute la question du reporting pour les départements RSE ou DD des grandes entreprises. Et, en cette matière, la réalité est complexe et souvent plus difficile à appréhender que pour un reporting financier ou qualité. Quant à la relation avec les fournisseurs, devenue l'un des champs de la responsabilité sociale les plus observés, elle peut être bordée par des séries de clauses sociales et environnementales dans les contrats commerciaux, mais exige alors la réalisation d'audits RSE, par des équipes internes au donneur d'ordres, des cabinets indépendants, ou encore, dans le cadre de partenariats, des membres d'ONG formés à cette pratique (lire p.20).

Fin de l'amateurisme

L'évaluation RSE est sortie de l'amateurisme et du simple exercice de communication, comme l'a constaté l'éditeur de logiciels de reporting Enablon dans une enquête menée en octobre dernier sur les entreprises françaises cotées. Dans l'Hexagone, en l'occurrence, l'article 116 de la loi NRE, qui contraint les entreprises cotées à informer dans leur rapport annuel sur la prise en compte de l'impact social et environnemental de leurs activités, en renseignant une quarantaine d'items, a favorisé une approche homogène et un vocabulaire commun sur le sujet. Par ailleurs, au niveau international, la «Global reporting initiative» (GRI) s'est imposée comme un ensemble de lignes directrices incontournables dans la rédaction de rapports de RSE.

Engrenage vertueux

D'autre part, les programmes fondés sur une adhésion volontaire, comme le «Global compact» ou la déclaration de l'OIT sur les droits des travailleurs, sont désormais largement suivis. Certes, il s'agit de soft law, n'impliquant pas de sanction légale, au grand dam de certaines ONG. Mais il semble néanmoins qu'un engrenage vertueux se soit mis en branle. La prochaine étape consistera sans doute à durcir les conditions de la vérification et de l'audit pour que la sanction des marchés soit effective.

C'est dans ce sens que militent certaines ONG et des organisations syndicales comme la CGT. Ainsi, pour l'Ugict-CGT, qui a participé à un groupe de travail de l'Orse sur le rôle des syndicats dans le mise en oeuvre de la responsabilité sociale, un contrôle doit pourvoir s'exercer en interne, par les organisations de salariés et les institutions représentatives (CE, CCE...). D'où l'intérêt de chartes internationales incluant des indicateurs négociés avec les partenaires sociaux, démarche par exemple choisie par Suez. En externe, le contrôle passerait par la certification des données sociales et environnementales par le commissaire aux comptes, sans exclure la création d'organismes publics de contrôle.

Evolution des débats

Le débat a évolué depuis le Sommet de la terre de Johannesbourg, entre les entreprises et les ONG, les premières privéligiant une approche volontaire de best in class, les secondes plaidant pour des règles obligatoires assorties de sanctions. Durcir les conditions des audits et assurer une validation externe des données, y compris chez les fournisseurs, représente déjà une nouvelle étape dans la prise en compte de la RSE.

(*) Guide des organismes d'analyse sociétale 2001, Complément au guide (2003), édité par L'Ademe, l'EPE et l'Orse.

L'essentiel

1 La notation sociétale continue de s'imposer au côté de la traditionnelle évaluation des risques financiers. Désormais, les agences de rating proposent également une forme d'audit à la demande : la notation sollicitée.

2 Si les principes fondateurs de la RSE sont connus, et les textes utilisés peu nombreux (GRI, OIT, OCDE), ils ne fixent que des grandes lignes. Les entreprises doivent créer les instruments de mesure qui leur correspondent pour pouvoir s'évaluer.

3 Au-delà des codes de conduite et des politiques déclarées, les grands groupes auront à travailler sur la validation des données RSE, notamment chez les fournisseurs, par des audits internes ou externes qui, pour l'heure, sont peu normalisés.

Auteur

  • Guillaume Le Nagard