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Gros appétits pour un petit marché

Enquête | publié le : 23.11.2004 | G. L. N.

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Gros appétits pour un petit marché

Crédit photo G. L. N.

Le marché de la notation déclarative est, à la fois, étroit et mondial. Celui de la notation sollicitée démarre à peine, mais il devrait conforter le modèle économique des agences.

Depuis le printemps dernier, Vigeo, l'agence de rating extra-financier dirigée, par Nicole Notat, est le seul organisme français offrant une prestation de notation déclarée aux investisseurs financiers. Sur ce marché, lié aux encours encore modestes de l'investissement socialement responsable (environ 5 milliards d'euros pour un encours total de 1 000 milliards en France), l'année 2004 a été celle de la concentration.

Du déclaratif au sollicité

En mai, le cabinet BMJ, dirigé par Pascal Bellot, ancien de Sanofi puis d'Arèse, rachetait la majorité des parts de Core Ratings, agence de rating social de Fimalac (propriétaire de Fitch) créée par Geneviève Férone, fondatrice d'Arèse devenu par la suite Vigeo (!). Et Pascal Bellot annonçait son intention d'abandonner l'activité de notation déclarative de Core Ratings, pour spécialiser la nouvelle structure BMJCore Ratings sur la seule notation sollicitée.

Les modèles économiques de ces deux prestations sont différents : dans un cas, une activité de notation RSE des entreprises est réalisée à l'intention des gestionnaires financiers ; dans l'autre, une mission est menée à la demande d'une entreprise, pour l'aider à mieux s'évaluer.

Position dominante

Hormis l'offre de quelques antennes françaises d'agences européennes, comme Ethibel ou Innovest, Vigeo se trouve désormais en position dominante sur le marché de la notation déclarative. « Nous sommes certes leader, mais pas en position de monopole, corrige Nicole Notat. Le Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES) incite d'ailleurs à rechercher au moins deux sources d'évaluation, et plusieurs fonds s'adressent à deux ou trois agences. »

La bonne dimension de ce marché est internationale, la clientèle des gestionnaires de fonds et banquiers restant limitée, sans compter les spécialistes in house, travaillant déjà au sein de ces organismes. Ticket d'entrée élevé pour accéder à cette dimension globale, et petit marché : les évolutions possibles résident dans une concentration ou une politique de réseau d'agences au niveau européen, peu probable étant donné les problèmes d'harmonisation de méthodologies ; ou dans une offre complémentaire de type audits et notation sollicitée, voire formation, compatibles avec le savoir-faire des agences. Mais avec toutes les précautions déontologiques à respecter : muraille de Chine entre audit et conseil, composition du capital... Vigeo a donc complété son modèle économique avec la notation sollicitée, à laquelle elle peut associer un benchmark et des formations.

Marché en création

Le marché de la notation sollicitée est, ainsi, en voie de création en France. Une trentaine d'entreprises en auraient aujourd'hui fait usage. Sur ce secteur, BMJ annonçait un chiffre d'affaire de 640 000 euros en 2003, pour 350 000 euros chez Core Ratings et environ 30 000 euros chez Vigeo. « Aujourd'hui, nous pouvons annoncer une quinzaine de missions en cours ou à venir, dont dix dans des entreprises du CAC 40, indique Pascal Bellot. En 2005, chaque agence devrait être à plus de vingt. C'est encore peu, mais il n'y en avait aucune il y a trois ou quatre ans ».

Le rapport encore préféré

Le marché démarre à peine, beaucoup d'entreprises préfèrant encore financer la mise en forme d'un rapport, plutôt que d'engager une mission de notation sollicitée mobilisant au moins deux analystes sur plusieurs semaines, pour un montant allant de 50 000 à 100 000 euros, voire plus, selon l'agence et le périmètre analysé. Mais les résultats en termes de management et d'identification des enjeux ne sont pas les mêmes.

Définitions

Notation déclarative : évaluation chiffrée réalisée pour des clients investisseurs financiers. Elaborée sur la base de questionnaires sur leurs pratiques sociales et environnementales envoyés aux entreprises, cette évaluation est complétée par des informations issues de sources diverses : presse, communications, rapport annuel, bilans, rapport NRE, chartes... Le tout est éventuellement croisé avec des interviews de différents acteurs, dont les représentants des salariés.

Notation sollicitée : mission réalisée à la demande et à l'usage exclusif d'une entreprise, qui sera libre de publier ou non la note obtenue. Elargit le champ de la notation au-delà des entreprises cotées. Permet de relever les points faibles d'une démarche RSE, et de compléter l'évaluation par un benchmark. A la différence du conseil, l'agence n'accompagne pas l'entreprise après l'évaluation, mais explique les raisons d'une note sur tel ou tel critère et identifie les enjeux pour l'entreprise. Permet aussi, par la suite, de décliner plus facilement une démarche managériale sur la RSE.

Les méthodologies

Elaborées sur la base de référentiels identiques (GRI, OIT, OCDE, conventions sectorielles internationales...), dont les items sont bien connus (travail des enfants et travail forcé, liberté d'association, rémunérations des heures de travail... pour le social, par exemple), les grilles d'analyse des agences pondèrent différemment ces éléments.

Chez Vigeo, la méthode Equitics, pour la notation déclarative, identifie 6 domaines détaillés autour de 38 critères et 298 indicateurs. Pour chaque critère, 3 analyses sont réalisées : leadership (politique de l'entreprise dans ce domaine), déploiement (moyens mis en oeuvre) et résultats. Le rating est réalisé en comparaison des scores des entreprises d'un même secteur.

La notation sollicitée détaille 6 domaines et 43 critères, avec 172 notes portant sur les politiques, les procédures, les moyens et les résultats. La notation est réalisée sur un échelle de 4 niveaux (entreprise négligente à entreprise engagée).

Chez BMJCore Ratings, l'entreprise est analysée à travers un modèle de notation déposé en cinq étapes, le DEEPP, pour Drivers of change (choix des principes de gestion), Engagement across the value chain (choix des critères et des indicateurs), Exposure to risks and opportunities (définition des enjeux), Performance of the company (notation des performances), Plan for action (planification des actions correctives). Le modèle s'appuie sur un benchmark de 800 entreprises cotées ou non et une cartographie des risques et enjeux (pays, stakeholders). Les notes représentent l'opinion de l'agence sur la capacité de l'entreprise à faire face aux enjeux extra-financiers qui la concernent. La somme des scores établis sur les cinq critères sous forme de pourcentages se traduit par une note allant de AAA pour la meilleure à D, sur une échelle de 10. Elle est assortie d'une note de tendance (++ à --) définissant la capacité plus ou moins forte de l'entreprise à améliorer sa performance à long terme.

Auteur

  • G. L. N.