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Enquête

En rangs serrés... mais dans le désordre

Enquête | publié le : 23.11.2004 |

La multiplication des audits de responsabilité sociale chez des fournisseurs de pays émergents, commandités par les multinationales ou les ONG avec lesquelles ces donneurs d'ordres ont conclu des partenariats, ne garantit pas toujours la «qualité sociale».

Ils sont une cinquantaine chez Nike, plus de 30 chez Reebok, tout comme chez Adidas. Ils sont aussi des dizaines dans les organisations non gouvernementales, à qui des multinationales confient le soin de mener des missions chez leurs fournisseurs, pour pouvoir se prévaloir de leur label... C'est dire que les audits de responsabilité sociale dans les pays émergents sont en plein boum. « Problème : il n'y a pas de code de conduite unique, pas de méthodologie d'audit ou d'inspection harmonisée, relève Martine Combemalle, vice-présidente de l'Institut international de l'audit social (IAS), en charge des ONG. Il m'est arrivé de voir, en Europe de l'Est, une entreprise de textile et cuirs où on avait affiché une dizaine de codes de conduite correspondant, chacun, à un donneur d'ordres. » Les grands textes dont sont tirés ces réglements (GRI, OIT) ne fournissent eux-mêmes que des directives. Les traduire en codes ou en chartes, puis en indicateurs permet une large marge d'interprétation.

Application de la loi

Martine Combemalle termine une vaste enquête, pour la Fondation des droits de l'homme au travail, sur les méthodologies d'audit RSE de fournisseurs dans 18 pays émergents. Elle mène aussi des audits pour l'ONG Fair Labour Association, qui a signé des contrats avec de nombreuses multinationales du sport et du textile, et travaille avec Nike, Adidas, Reebok, Patagonia, Syngenta... « On discute beaucoup autour de la «loi» - quel référentiel ?- mais pas assez sur les moyens de vérifier son application », conclut-elle.

L'auditeur RSE n'a pas encore de profil précis. Il peut venir du monde de la certification qualité - les agences spécialisées ayant été les premières à s'installer sur la niche de l'audit sociétal -, de l'univers des ONG ou du syndicalisme, avec une approche «procédures» dans un cas, plus sociale dans l'autre. Des sensibilités qui se sont cumulées, sans schéma directeur. « Par exemple, en partant d'une méthologie de type certification qualité, on a rajouté l'enquête auprès des travailleurs, illustre Martine Combemalle. Dans ce cas, les superviseurs sont souvent ignorés. » Autre exemple, concernant la coexistence de conduites diverses : certains donneurs d'ordres imposent l'usage de colles non polluantes. Elles seront utilisées sur la ligne de production qui oeuvre pour eux, mais, dans l'atelier, d'autres lignes continuent de polluer.

Adaptation

Tout cela sans compter la capacité d'adaptation des fournisseurs : « Tous les auditeurs posent plus ou moins les mêmes questions », il est donc aisé de coacher les salariés sur les réponses à donner.

Pour l'heure, les donneurs d'ordres paraissent encore un peu perdus. Les plus importants forment en ce moment leurs auditeurs internes aux méthologies liées à la RSE, créent des outils et de la documentation. Une relative harmonisation des pratiques devrait encore prendre quelques années.

Une histoire circule dans le monde des auditeurs : celle d'un fournisseur textile chinois qui a monté ex nihilo un service RH en une heure, le temps de faire visiter ses ateliers à un auditeur qui, fait rare, avait demandé à voir le service de gestion du personnel. Les ordinateurs n'étaient pas branchés... G. L. N.