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Wolber, Alcatel Câble : deux «premières» juridiques

L'actualité | L'événement | publié le : 16.11.2004 | Sandrine Franchet, Christian Robischon

Quelques jours après la décision des prud'hommes de Soissons condamnant Michelin à réintégrer les ex-salariés de Wolber, une filiale d'Alcatel a été reconnue coupable de fraude au plan social.

«Une décision historique. » C'est ainsi qu'Alain Hinot, responsable de l'union locale CGT de Chatou (78) et défenseur des 182 ex-salariés d'Alcatel Câble France (ACF), qui contestaient leur licenciement pour motif personnel, qualifie les arrêts rendus en référé, le 9 novembre dernier, par la cour d'appel de Versailles. Les plaignants avaient négocié leur licenciement pour motif personnel, juste avant que l'entreprise ne mette en place un PSE largement plus généreux (voir Entreprise & Carrières n° 711). Pour 171 d'entre eux, la cour a estimé que « ces licenciements qualifiés pour motifs personnels constituent en réalité des licenciements pour motif économique », et évoque dans ses arrêts une « fraude aux régimes des licenciements collectifs pour motif économique ». Elle prononce donc la nullité de ces licenciements et condamne la société ACF au paiement des salaires dus depuis deux ans, et à la réintégration des salariés dans l'emploi qu'ils occupaient auparavant, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, passé un délai d'un mois après notification. Alors que plusieurs affaires similaires, concernant d'autres sites d'ACF ou d'autres filiales d'Alcatel, sont actuellement en cours, la décision pourrait inspirer les tribunaux saisis.

Le «feuilleton» Wolber

Quelques jours plus tôt, c'est le feuilleton Wolber qui se trouvait à un tournant : les prud'hommes de Soissons ont ordonné, le 5 novembre dernier, la réintégration des licenciés de la filiale de Michelin, cinq ans après la fermeture de l'usine. Le jugement concerne 115 salariés, dont la contestation du plan social n'avait pas encore été examinée devant les prétoires. Mais il peut potentiellement s'étendre aux 451 licenciés de l'usine de Soissons. En effet, la négociation d'entreprise, qu'ordonnent les prud'hommes afin d'appliquer leur décision, concernera l'ensemble des salariés. « Si cette négociation aboutissait, ajoute leur avocat, Philippe Brun, elle pourrait mettre fin aux procédures en justice, qui ont jeté le flou sur le sort des licenciés. »

Réintégration juridique

Jusqu'à présent, les prud'hommes et la cour d'appel avaient statué sur le cas d'un premier groupe de 147 salariés, se contredisant sur la double question de la nullité du plan social et du caractère «réel et sérieux» des licenciements. La Cour de cassation sera amenée à trancher en 2005, à moins qu'un accord amiable soit conclu entretemps, dans le cadre de la négociation collective à venir.

En revanche, prud'hommes et cour d'appel avaient rejeté l'idée de la réintégration du personnel dans l'entreprise, jugée « matériellement impossible ». Une notion que rejette Me Brun, qui dit ne connaître que la réintégration juridique. Or, insiste-t-il, « celle-ci reste possible au regard du Code du travail, car Wolber est en liquidation amiable, non en liquidation judiciaire, ce qui change tout ». Début novembre, les prud'hommes de Soissons l'ont donc suivi dans ce raisonnement.

La facture de ce dernier jugement pourrait être lourde pour la maison mère Michelin : 40 000 à 60 000 euros par personne. L'entreprise devra payer les salaires qu'aurait reçus le personnel depuis près de cinq ans, déduction faite des revenus - indemnités chômage, notamment - qu'il a perçus pendant la même période. Selon Me Brun, « ces calculs ne seront pas défavorables aux salariés », contrairement aux premiers jugements, qui aboutissent à ce que neuf exsalariés doivent, en théorie, de l'argent à Wolber.

Accord d'entreprise

Reste la question clé : comment, de fait, être réintégré dans une entreprise qui a fermé ? Au liquidateur et à la maison mère de se débrouiller, disent, en substance, les prud'hommes. Et vite : le jugement donne au représentant légal de la SA Wolber et aux élus CGT jusqu'au 31 décembre prochain pour signer un accord d'entreprise organisant la réintégration de chaque salarié « dans un nouvel emploi équivalent » à celui occupé chez Wolber, « dans une entreprise du groupe Michelin et dans une usine française ». A partir du 2 janvier 2005, le groupe Michelin devra payer une astreinte de 100 euros par jour par salarié qui n'aura pas retrouvé son travail. Le manufacturier a indiqué qu'il ferait vraisemblablement appel de la décision, même s'il ne conteste plus la nullité de la procédure de licenciement.

Obligation de reclassement interne

Dans le dossier Alcatel, la réintégration ne concerne que la société ACF, qui n'est plus détenue qu'à 49,9 % par le groupe (une cession partielle étant intervenue en janvier dernier). « Mais, étant donné que le site de Conflans est à l'abandon, souligne Alain Hinot, si ACF ne peut pas réintégrer les salariés, il devra mettre en oeuvre un PSE, et donc s'acquitter de son obligation de reclassement interne préalable. C'est à ce moment-là que la question de son appartenance au groupe Alcatel, et celle de la responsabilité de ce dernier, seront posées. »

Une obligation de réintégration étendue au groupe ?

Comme le rappelle Me Henri-José Legrand, « l'annulation d'un licenciement entraîne la poursuite du contrat de travail, réputé n'avoir jamais été rompu ». Et donc la réintégration. « Mais, ajoute-t-il, la Cour de cassation précise que la réintégration ne s'impose que si elle est matériellement possible. Ce qui suppose qu'il n'y a pas d'obligation de réintégrer dans une entreprise qui n'existe plus. Cela va de soi. Toutefois, si l'entité employeur fait partie d'un groupe, l'obligation générale de reclassement astreint celui-ci à proposer, si possible, un reclassement au service d'une autre entité du groupe. Evidemment, cela suppose une modification du contrat de travail, donc l'accord du salarié, ne serait-ce que du fait de la substitution d'un nouvel employeur au précédent. »

Pour Me Sylvain Niel, du cabinet Fidal, une obligation de réintégration étendue au groupe ne paraîtrait pas complètement dénuée de sens « dans le cas où un plan social serait jugé insuffisant au regard de l'obligation de reclassement interne, qui s'apprécie déjà au niveau du groupe ».

Auteur

  • Sandrine Franchet, Christian Robischon