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La meteo duclimat interne

Enquête | publié le : 16.11.2004 | Sandrine Franchet

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La meteo duclimat interne

Crédit photo Sandrine Franchet

Destinée à prévenir les conflits collectifs, la veille sociale s'efforce de recenser et d'interpréter les signes de tension au sein des entreprises. La démarche repose sur l'analyse régulière de certains indicateurs. Mais les sociétés qui formalisent complètement cet exercice sont encore rares.

Dispositif d'écoute sociale permanent, non directif et piloté par le management, permettant de prendre régulièrement le «pouls» de l'entreprise, en multipliant les points de vue », telles sont, pour Thierry Heurteaux, consultant en relations sociales chez Pactes conseil, les principales caractéristiques de la veille sociale. « Le climat social est un terrain extrêmement complexe, il faut donc le système à la fois le plus simple et le plus dynamique possible », insiste-t-il.

Pratiques diverses

Les précisions ne sont pas superflues. Car, sous le vocable large de « veille sociale», cohabitent des pratiques diverses : du simple suivi d'indicateurs RH classiques (absentéisme, turn-over, accidents du travail...), qui ne donne lieu, souvent, à aucune interprétation et reste du domaine réservé des RH, aux observatoires sociaux les plus complets mis en place par les grandes entreprises publiques, dont les analyses de causes de conflits, très approfondies, arrivent souvent trop tard pour permettre une réelle anticipation, en passant par les enquêtes de satisfaction, fondées sur des questionnaires fermés.

Des prestations de veille sociale sont même proposées par les cabinets spécialisés en veille technologique. C'est le cas, par exemple, d'Eurodécision AIS, cabinet-conseil en «maîtrise stratégique des crises», qui intervient sur la recherche d'informations et l'appui à la prise de décision.

Identification du conflit

« A l'occasion de tensions sociales ou d'un conflit ouvert, nous aidons l'entreprise à comprendre les origines de la situation et à en identifier les acteurs, décrit Philippe Darantière, consultant d'Eurodécision. Nous proposons des cartographies d'acteurs, une analyse de leurs motivations, de leurs liens éventuels avec des structures externes, comme des fédérations ou des partis politiques. Nous pouvons aller jusqu'à du profiling psychologique, comme cela existe dans les préparations de négociation commerciale. Nous intervenons également en amont, par le biais d'entretiens avec les salariés et d'analyse des tracts, pour évaluer la pénétration du discours syndical service par service... »

Décalage

Pour Thierry Heurteaux, ces différentes démarches ne permettent pas une réelle prévention des conflits. Pour la simple et bonne raison que les discours syndicaux ne correspondent que rarement aux raisons profondes de ces conflits. Il en veut pour preuve une récente intervention dans un centre de logistique d'une chaîne de prêt-à-porter, qui avait connu trois jours de grève : « Quelques semaines avant le conflit, qui avait été anticipé grâce à un baromètre de satisfaction, une cellule de crise avait identifié des revendications salariales et un manque de reconnaissance, relate-t-il. Lors d'entretiens de debriefing non directifs avec les salariés, nous nous sommes aperçus que le problème de fond, qui n'avait jamais été traité, était celui des conditions de travail, les colis trop lourds occasionnant maux de dos et absentéisme ».

Il préconise, pour sa part, un dispositif de veille léger mais permanent (suivi mensuel), mixant « un peu de quantitatif, réalisé par les équipes RH, et beaucoup de qualitatif, pris en charge par le management ».

Réseau de correspondants

Une approche partagée par le consultant et formateur en relations sociales Jean-Louis Birien : « Les instruments de base de la veille sociale sont les tableaux de bord. Mais elle repose aussi sur un réseau de correspondants, présents à des niveaux hiérarchiques différents, qui se réunit tous les mois pour analyser les évolutions des indicateurs choisis et en tirer un «bulletin météo» du climat social dans les différentes unités. Bien réalisée, cette démarche peut même devenir un outil de conduite du changement, en anticipation des réactions à la mise en oeuvre d'un nouveau projet ».

Si Jean-Louis Birien observe, depuis environ deux ans, une accélération de la demande des entreprises pour mettre en place cet outil (souvent à la suite d'une crise qu'elles n'avaient pas vu venir), les freins à sa généralisation sont encore nombreux. Le dispositif se heurte tant aux réticences des managers, qui s'estiment suffisamment à même de «sentir» le climat de leur service ou de leur entreprise, et redoutent de voir remis en cause leur management, qu'à celles des IRP. Ces dernières avancent que leur mission est, précisément, de relayer les inquiétudes et les sujets de tension...

Investissement en temps

Par ailleurs, même s'il s'appuie sur des indicateurs déjà mesurés et s'insère dans des réunions existantes, un tel dispositif, surtout dans sa version la plus complète (lire l' article ci-contre) représente un réel investissement en termes de temps : « De nombreuses entreprises estiment que cela revient trop cher, alors qu'elles pensent pouvoir facilement arrêter une grève », souligne Danielle Picard, maître de conférence en GRH à l'université Paris-Dauphine, auteure de travaux sur la veille sociale.

Enjeux

Enfin, insiste Thierry Heurteaux, « la veille sociale fonctionne particulièrement bien quand l'entreprise se trouve face à un enjeu majeur, dont l'impact potentiel sur son activité apparaît clairement ». « Heureusement, ajoute-t-il, à l'heure où les entreprises restructurent à tout-va, où le désengagement au travail s'affirme comme un phénomène croissant, les enjeux majeurs ne manquent pas ! »

L'essentiel

1 La veille sociale vise à détecter les signaux forts ou faibles de tensions internes, afin d'anticiper d'éventuels conflits. Elle repose sur le constat que les discours syndicaux reflètent rarement les raisons profondes du conflit.

2 La démarche repose sur l'analyse régulière, par un réseau de «veilleurs», d'un nombre limité d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs, révélateurs d'un éventuel malaise des salariés.

3 Pour permettre la correction en temps réel des facteurs d'accumulation susceptibles de conduire à un conflit, les analyses doivent être transmises à la direction, qui doit les faire redescendre à l'ensemble du management.

Auteur

  • Sandrine Franchet