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Sanford Europe recherche une culture commune

Les Pratiques | Point fort | publié le : 02.11.2004 | Marie-Noëlle Frison

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Sanford Europe recherche une culture commune

Crédit photo Marie-Noëlle Frison

Après avoir racheté plusieurs marques européennes, le fabricant de stylos d'origine américaine a lancé, voilà trois ans, un dispositif de communication interne, destiné à mieux faire accepter la nouvelle organisation du travail, multimarque et internationalisée.

Ason arrivée à la tête de la DRH européenne de Sanford (fabrication de stylos), en 2002, Gilles Dervaux ne se doutait peut-être pas du fil à retordre que lui donnerait sa nouvelle fonction. Sanford vient, en effet, de racheter les marques PaperMate, Parker et Waterman au groupe Gillette, après avoir acquis l'allemand Rotring et le français Reynolds. C'est au nouveau DRH qu'incombe le périlleux exercice de faire travailler ensemble cinq sociétés, ayant chacune une identité très forte, liée à la richesse de son passé. « Le passage d'une juxtaposition de PME à une organisation matricielle européenne ne se fait pas facilement, analyse Gilles Dervaux. Auparavant, chaque lieu de production était spécialisé par marques. Les usines étaient de grandes PME, qui jouaient un rôle de siège mondial. Désormais, elles sont spécialisées par compétences, et leurs directeurs, de patrons d'industrie sont devenus des managers manufacturing. On leur demande de travailler dans un contexte plus subtil d'interaction et de coordination européenne. »

Nouveaux critères d'organisation

Concrètement, cela signifie qu'un acheteur de plastiques, à Valence (26), ne reporte plus à son directeur d'usine mais au directeur des achats européen, basé à Hambourg, en Allemagne. De même, un directeur financier de Newhaven, en Angleterre, reportera à son vice president (VP) anglais, en poste à Paris. Selon Gilles Dervaux, « cent personnes (dont la moitié en interne) ont été recrutées pour répondre aux nouveaux critères d'organisation européenne. La recherche de profils multiculturels nous a guidés dans notre approche. Chaque VP parle en moyenne trois langues ». Et, pour couronner le tout, il n'existe pas un, mais plusieurs sièges européens. Ainsi, Paris regroupe-t-il le marketing, les finances et les RH, tandis que Newhaven abrite la direction de la logistique et des ventes, et Hambourg les achats et la direction commerciale.

Les cadres moyens et les techniciens qualifiés occupent également des fonctions de plus en plus multiculturelles et multimarques. L'usine historique de Waterman, à Saint-Herblain (44), produit, par exemple, 50 % de Parker, 45 % de Waterman et 5 % de Rotring. Selon Stéphane Michel, le DRH du site, « 10 % de l'effectif est passé d'un poste local à un poste d'envergure européenne », à l'instar de ce technicien de bureau d'études qui travaille sur un projet Rotring avec un interlocuteur à Hambourg ; ou de ces 20 salariés du service R et D qui planchent pour Waterman, Parker et Rotring avec les équipes de Newell, la maison mère américaine.

Sentiment d'appartenance

Pour légitimer cette nouvelle organisation sur le terrain et développer un sentiment d'appartenance chez les salariés, Gilles Dervaux a misé sur la communication interne. Au centre de cette stratégie, figurent huit valeurs (résultat, leadership, développement des personnes, travail en équipe, orientation client, dynamique du changement, aller au-delà, passion), censées aider les salariés à « conserver leurs racines et continuer à développer un réel sens de communauté sur chaque site ». Pour diffuser le message, la DRH Europe s'appuie sur 15 community heads, chargés de « renforcer l'esprit d'équipe sur leur site, de faciliter la communication locale entre les fonctions et services [...] et d'organiser toute action visant à renforcer un esprit d'appartenance et de convivialité ». « Dans neuf cas sur dix, ce «chef de communauté» est le responsable national en charge des ventes ou du marketing », précise Gilles Dervaux.

Mise en valeur des savoir-faire

Au mois de janvier dernier, les community heads, réunis en séminaire, se sont vu remettre un «kit pédagogique» comprenant un jeu d'affichettes sur les valeurs, un CD de présentation Powerpoint, des posters et des mini-cartes des valeurs. Six mois plus tard, 24 personnes (3 par valeur), parmi les 100 candidatures proposées par les community heads, ont reçu une distinction au niveau européen. L'équipe supply chain du site de Katowice (Pologne) a, par exemple, été récompensée pour son exemplarité en matière de coopération entre la supply chain et le service client. En parallèle, des publications internes à l'attention des salariés mettent en valeur les différents métiers et savoir-faire du groupe et les informent sur les lancements de produits, les dernières innovations internes, etc.

Pour Stéphane Michel, « les valeurs de Sanford sont de plus en plus connues. Elles ont d'autant plus de résonance que les salariés voient qu'elles sont appliquées au quotidien. La fierté que les gens avaient de travailler pour une marque s'est transposée dans la fierté d'appartenir à un groupe leader des instruments d'écriture ».

Ainsi, en début d'année 2004, la série de prix internationaux remportés par Sanford, à travers ses marques Parker, Waterman et Rotring, a-t-elle eu un retentissement positif auprès des salariés. « On a présenté de belles nouveautés, ce qui n'était pas le cas à l'époque de Gillette », reconnaît Jacqueline Morrisson, déléguée CGT à Saint-Herblain. A la même période, un vent d'euphorie a soufflé aussi chez Reynolds, à l'annonce de la signature d'un partenariat entre la marque et la quatrième édition de Star Academy, diffusée sur TF1. Mais, en juin dernier, les salariés ont appris l'annulation du contrat.

Incompréhension des salariés

Du coup, le fossé s'est creusé entre le discours de la direction et le ressenti des salariés, qui se reconnaissent de moins en moins dans ces méthodes de management à l'américaine. « Il y a sans doute de bonnes intentions derrière ces community heads et ces valeurs. Mais, pour le salarié moyen de chez Reynolds, c'est de l'hébreu, affirme Philippe Delhorme, délégué syndical CFDT sur le site historique de Reynolds, à Valence. Nous sommes davantage préoccupés par l'emploi et la question du chômage partiel qui va se poser à la fin de l'année. » « La carte des valeurs, c'est du virtuel. La direction sait nous faire des notes d'information, mais ne parle pas de la stratégie du groupe », renchérit Jacqueline Morrisson, du haut de ses vingt-huit ans d'ancienneté chez Waterman.

Le CCE, un comité de groupe français élu par les délégués du CE, créé, l'an passé, pour renforcer le dialogue social sur les trois sites de Sanford en France, n'a pas eu les effets escomptés. Les représentants reprochent, en effet, le trop grand espacement des réunions - une fois tous les six mois - et la difficulté d'obtenir des informations de la part des dirigeants. Et, aujourd'hui, ce sont les bruits de couloir sur les délocalisations qui circulent le mieux...

L'essentiel

1A la suite de rachats en Europe, le groupe américain Sanford a mis en place une organisation matricielle à l'échelle du continent.

2Pour asseoir cette nouvelle organisation du travail, la DRH européenne s'est lancée dans la construction d'une «carte des valeurs» censées représenter l'esprit du groupe. Quinze community heads ont été nommés pour les diffuser sur leur site.

3Jusqu'au premier semestre 2004, le dispositif, soutenu par le dynamisme des marques Waterman, Parker et Rotring, a commencé à porter ses fruits. Mais les représentants des salariés reprochent un manque de transparence sur la stratégie du groupe.

Sanford Europe

>Activité : fabrication et commercialisation d'instruments d'écriture.

>Effectifs : 2 500 salariés.

>Chiffre d'affaires : 284,2 millions d'euros en 2003.

>Sites industriels en Europe : Valence (26) et Saint-Herblain (44) en France, Newhaven au Royaume-Uni.

>Marques : Berol, PaperMate, Reynolds, Sharpie, Parker, Rotring, Waterman.

Auteur

  • Marie-Noëlle Frison