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« Les NTIC vont doper les métiers de la formation »

SANS | publié le : 21.09.2004 |

L'utilisation toujours plus grande des technologies de l'information et de la communication dans la formation va profiter aux professionnels du secteur, à condition qu'ils développent leurs compétences techniques et pédagogiques.

E & C : La formation de demain passe, selon vous, par l'utilisation massive des nouvelles technologies. Pourquoi ?

Philippe Gil et Christian Martin : Parce que le public est mûr - le taux d'équipement en ordinateurs des foyers français approche les 50 %, et 30 % ont une connexion Internet - et que pour les jeunes générations, les nouvelles technologies riment avec convivialité et échange : le "chat" avec les copains en est un bon exemple. On est loin du fantasme des années 1980 de l'enseignement assisté par ordinateur, avec un isolement total de l'individu face à sa machine, dans un contexte qui était très rarement multimédia. Aujourd'hui, on arrive, à des coûts tout à fait abordables, à mixer les médias, à mettre les gens en réseau et à rompre cet isolement. La technologie, c'est aussi la classe virtuelle, le travail collaboratif, l'échange entre apprenants, etc.

La question du coût est importante. Une PME peut avoir besoin, par exemple, de former son réseau de distributeurs. Si elle est de taille modeste, elle n'est pas forcément organisée pour réaliser des actions de formation. Désormais, elle pourra proposer un contenu en ligne parce que c'est moins cher, plus flexible, plus accessible. Dix personnes de plus en autoformation ne coûtent guère plus cher si l'on a amorti les ressources pédagogiques sur les 1 000 premières. Le coût du formé additionnel est marginal, alors qu'en formation traditionnelle, il est homothétique. Mais il est vrai que plus on va mixer les dispositifs, plus on va "réinjecter" de l'humain, plus on va renchérir les coûts.

Enfin, les nouvelles dispositions de la loi sur la formation tout au long de la vie - formation hors du temps de travail, droit individuel à la formation -, vont, sans doute, être une opportunité nouvelle pour le développement du e-learning, qui permet de traiter à la fois de façon massive et individualisée les problématiques pédagogiques.

E & C : Qu'est-ce que cela va changer dans les métiers de la formation ?

P. G. et C. M. : Le responsable formation continuera à définir les besoins et les objectifs de formation, mais, ce qui va changer fondamentalement, c'est qu'il devra être "multicompétences". Il devra parler un peu informatique, politique d'investissement sur la ressource, discuter avec des chefs de projet sur les éléments techniques à retenir : quel type de plate-forme informatique choisir ? Avec quelles contraintes ? Achète-t-on la ressource sur catalogue ou pas ? Bref, le métier s'enrichira, mais se complexifiera également.

Quant aux formateurs, contrairement à ce que beaucoup croient, ils n'ont pas forcément à craindre pour leur avenir. Ils ne seront plus les seuls à dispenser le savoir, mais ils ont bien d'autres rôles à jouer : accompagnateur, "motivateur" et apprenant.

L'essor de la e-formation profitera aussi à des métiers venant d'autres univers. Par exemple, les graphistes et les directeurs artistiques d'agences de communication ou de web agencies utilisent, d'ores et déjà, leurs compétences métier au service de ces nouveaux dispositifs. Face à un même contenu, on aura tendance à aller vers celui qui est présenté de façon agréable et créative.

E & C : Y aura-t-il aussi de nouveaux métiers ?

P. G. et C. M. : Les deux grands métiers qui émergent sont ceux de responsable du centre de formation virtuel de l'entreprise et de concepteur ou designer pédagogique. Le centre de formation virtuel est une plate-forme informatique qui permet de gérer les contenus, les stagiaires, les tuteurs, et d'administrer l'ensemble. Le responsable de ce centre devra faire en sorte de donner un rôle aux tuteurs, éventuellement aux managers, que chacun puisse influer sur le parcours des apprenants, que ceux-ci puissent venir se connecter, suivre leur parcours individualisé, échanger avec leur tuteur ou les membres de leur classe virtuelle, etc. C'est quelqu'un qui doit avoir à la fois une vision stratégique, pour bâtir et défendre son projet en interne, et la maîtrise des outils de pilotage.

Le concepteur ou designer pédagogique est celui qui maîtrise la pédagogie de ce type de dispositif. Il doit avoir un souci d'innovation, d'écoute, de réactivité et une bonne maîtrise de la pédagogie pour adultes. Cette fonction nécessite une bonne connaissance de la technologie, car, là aussi, les offres changent et il faut savoir les utiliser intelligemment. Ce métier peut s'exercer soit au sein de l'entreprise, soit en agence. Il faut posséder une très grande mobilité d'esprit et, surtout, la capacité à entrer dans les contenus variés pour pouvoir les mettre en scène et les rendre appropriables par l'apprenant. Des métiers existants - chef de projet formation, formateur - peuvent très bien évoluer vers cette fonction.

LEURS LECTURES

Le e-learning, Sandra Bellier, éditions Liaisons, 2001.

- Facilitating online learning : effective strategies for moderators, George Collison, Bonnie Elbaum, Sarah Haavind, Robert Tinker, Atwood Publishing, 2000.

- L'autoformation, sous la direction de Ph. Carré, A. Moisan et D. Poisson, PUF, 1997.

PARCOURS

Philippe Gil (à gauche) a été responsable des activités nouvelles technologies de formation à la Cegos pendant treize ans. Il a fondé, en 2000, un cabinet-conseil qui accompagne les services formation dans la mise en place de la e-formation. Il est l'auteur de E-formation et reengineering de la formation professionnelle (éd. Dunod, 2000).

Après avoir été directeur de la pédagogie dans une start up du e-learning, Christian Martin a rejoint le cabinet de Philippe Gil, en tant que directeur de la pédagogie et de la qualité. Il forme et "coache" les équipes formation dans leur mutation vers la e-formation.

Ils ont écrit, ensemble, Les nouveaux métiers de la formation (éd. Dunod, 2004).