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Le savoir-faire made in France

SANS | publié le : 21.09.2004 |

Guerlain, Shiseido, Paco Rabanne, Dior... Ils sont tous là. Vingt parfumeurs et 80 entreprises sous-traitantes se regroupent au coeur de la Cosmetic valley, entre Chartres et Orléans, bien décidés à tirer vers le haut les compétences de l'ensemble des acteurs de la filière.

C'est sur ce petit coin de terre, coincé entre le Perche et la Beauce, au coeur des champs de blé, que la Cosmetic valley a élu domicile voilà dix ans. Depuis, elle n'a cessé de grandir : organisée en système productif local (SPL), la valley est devenue le premier réseau français industriel de la filière parfum et cosmétique, supplan- tant Grasse comme capitale mondiale de la fragrance.

Une centaine de sociétés y sont installées, 7 000 personnes y travaillent, produisant, chaque année, plus de 200 millions de parfums et produits de beauté. Le chiffre d'affaires 2003 est estimé à 1,5 milliard d'euros.

Création d'emplois

En avril dernier, Pacific, le propriétaire coréen de la marque Lolita Lempicka et de Castelbajac, a investi 16,5 millions d'euros. Il devrait créer une centaine d'emplois sur les cinq prochaines années. Preuve que la French touch est un gage de notoriété.

Tout commence, en fait, dans les années soixante, lorsque le parfumeur Fabergé implante ses équipes de recherche et de production à Chartres. Il est suivi par l'américain Lancaster, qui installe son site européen dans la capitale d'Eure-et-Loir, en 1972, puis, deux ans plus tard, c'est Jean-Louis Guerlain qui lui emboîte le pas en décentralisant son centre de production trop exigu de Courbevoie, en région parisienne.

Cascade de sous-traitants

Shiseido, Paco Rabanne, Dior et Pacific les rejoignent bientôt, entraînant dans leur sillage une cascade de PME sous-traitantes, laboratoires de matières premières, plasturgistes, logisticiens, mais aussi fabricants de cosmétiques. Toute la filière est désormais représentée, de la culture des plantes jusqu'à l'emballage des produits. Le travail en réseau devient, très vite, un facteur de succès.

En 1997, un groupement d'employeurs est lancé. Il compte, aujourd'hui, 70 salariés en CDI. Avec l'aide du Codel, l'agence de développement économique de l'Eure-et-Loir, le réseau facilite aussi la représentation dans les salons internationaux, les formations communes et les dépannages de production. « Lorsque je suis à court, je téléphone à mes collègues », explique Patricia Madelain, directrice de Promo-Caf, une PME spécialisée dans le conditionnement. Les entreprises, mais aussi les élus et les chercheurs jouent la complémentarité, et la Cosmetic valley devient bientôt synonyme de qualité dans le monde entier.

Longueur d'avance

Mais pourra-t-elle toujours conserver une longueur d'avance ? « La proximité est un atout non négligeable, assure Jean Arondel, patron de Sagal, façonnier spécialisé dans les savons et les déodorants en sticks. Pour créer un parfum, il faut du nez. Les va-et-vient entre donneurs d'ordres et sous-traitants sont indispensables. »

Tous les industriels ne partagent pas le même enthousiasme. Ici et là, des rumeurs de délocalisations circulent. « Les grands parfumeurs cherchent à se rapprocher des marchés émergents. Ce sont autant de marchés à l'export qui vont nous échapper », s'inquiète Patricia Madelain.

Faiblesse des salaires

Pour rester compétitif, le salaire horaire de Promo-Caf est de 7,93 euros et les 49 salariés bénéficient, selon les années, d'une prime de bénéfice. « La dernière a été versée en 2002. Elle représentait 70 % du salaire mensuel, poursuit la directrice. Mais beaucoup d'entreprises de la région sont au Smic 35 heures. »

De même, les avantages sociaux sont réduits à la portion congrue. Malgré des années de maison, les primes d'ancienneté sont rares, tout comme les heures supplémentaires. La plupart du temps, les "heures sup" sont récupérées pendant les périodes de faible activité.

D'autres leviers sont pourtant actionnés. Plus que le coût du travail lui-même, c'est la capacité à innover qui reste le meilleur garant de l'emploi industiel en France. « La réalité de la compétitivité est déjà très forte, renchérit, de son côté, Patrick Marchand, directeur de la filiale de l'entreprise anglaise Reckitt Benckiser (dépilatoires Veet et parfums d'intérieur AirWick). Si le coût de la main-d'oeuvre est élevé, le nombre de talents doit être plus important, la flexibilité doit être plus développée et l'entreprise doit miser sur une plus grande qualité. »

Polyvalence

Cette recette infaillible, Reckitt Benckiser l'a testée dans ses propres ateliers. L'entreprise a misé sur la polyvalence de ses ouvriers et s'est réorganisée en îlots de production. Elle a également mis en place une formation au leadership pour ses opérateurs. Seulement trois niveaux de hiérarchie cohabitent au sein de l'organigramme, le directeur de l'usine, le responsable de production et les ouvriers.

La recherche et développement sera également au coeur de la stratégie de la Cosmetic valley, en 2005. Seule façon, pour Jean-Luc Ansel, directeur du Codel, à l'origine de la filière, d'apporter une plus-value aux PME.

Formation

L'autre défi sera la formation. Après la licence professionnelle "valorisation des ressources végétales", lancée en 2003 par l'antenne universitaire de Chartres, et l'ouverture d'un BTS chimie cette année, la création d'un département "emballage et conditionnement " à l'IUT est très attendue par les industriels.

Autant de garanties pour résoudre le problème de déficit de main-d'oeuvre spécialisée et pour préserver l'avenir du made in France.

COSMETIC VALLEY

Effectifs : 7 000 salariés, pour 100 sociétés.

Premier employeur de la filière :Dior, avec 1 562 salariés.

Production :200 millions de parfums et de produits de beauté.

Chiffre d'affaires : 1,5 milliard d'euros en 2003.