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CES EMPLOIS QUI RESISTENT

SANS | publié le : 21.09.2004 |

Le made in France a-t-il encore un avenir ? Face aux délocalisations, les politiques, inquiets, passent à l'offensive. Le gouvernement va proposer des allègements de charges sociales et des crédits d'impôts tandis que les entreprises, plus pragmatiques, actionnent différents leviers RH. Au-delà du coût du travail, l'innovation reste le meilleur garant du maintien de l'emploi en France.

Thomson Genlis, ST- Microelectronics, Snappon, Facom... La liste des délocalisations s'allonge. Près de 40 entreprises de la métallurgie sont immédiatement concernées par la fuite à l'étranger, selon la CGT du secteur. Et, depuis l'été dernier, les salariés ont une nouvelle épée de Damoclès au-dessus de leur tête, le chantage aux délocalisations agité par des sociétés comme Doux, Bosch, Cattinair, SEB ou encore Ronzat..., qui remettent en cause leurs accords 35 heures.

Ce sont, aujourd'hui, l'Europe de l'Est, le Maghreb et l'Asie, notamment la Chine, qui font figure d'eldorado salarial pour les entreprises occidentales, obligées de faire des économies. Toujours plus loin, toujours moins cher.

Les services suivent le mouvement

Mais les emplois industriels ne sont pas les seuls touchés par cette hémorragie. D'après le rapport du Sénat (1), publié en juillet dernier, de nombreuses activités de service sont, aujourd'hui, affectées par ce mouvement, centres d'appels, services commerciaux et financiers, ainsi que des activités de recherche-développement. Alcatel, par exemple, a fait le choix d'implanter des unités de recherche-développement en Chine. Timing, le prestataire unique de SFR-Cegetel, a, lui, choisi le Maroc pour délocaliser une partie de son centre d'appels.

Dans les secteurs menacés (téléphonie, textile, métallurgie...), le mouvement touche tous les types d'emplois, non qualifiés et qualifiés, puisque les pays émergents, le Brésil, la Russie, l'Inde ou encore la Chine, disposent d'un vivier important de cols blancs de haut niveau. L'Inde, par exemple, forme 650 000 ingénieurs par an, tous anglophones. Pour un salaire moyen annuel de 6 000 euros, soit cinq à six fois moins qu'en France.

Un verdict sans appel

Le mouvement est-il inéluctable ? C'est, en tout cas, le sujet d'inquiétude numéro un pour les Français. Selon un sondage publié dans La Tribune, le 6 septembre, 42 % d'entre eux considèrent que la priorité du gouvernement doit être de lutter contre les délocalisations et de baisser le coût du travail, devant l'augmentation du pouvoir d'achat ou la réduction de l'impôt sur le revenu.

Une étude récente de l'institut Eurostat sur le coût de la main-d'oeuvre livre, de fait, un verdict sans appel. Selon ses chiffres, le prix d'une heure de travail s'élève, en France, à 21, 70 euros, à... 3,06 euros en Slovaquie et 3,03 euros en Estonie, soit sept fois moins.

Difficile, toutefois, d'établir un lien clair entre chômage et délocalisation. Selon la Direction des relations économiques et extérieures du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (DREE), les délocalisations représentent moins de 4 % des investissements français à l'étranger sur la période 1997-2001.

Un phénomène déjà ancien

Le mouvement n'est pas nouveau. Dès 1993, le sénateur Jean Arthuis avait tiré la sonnette d'alarme lorsque le fabricant d'aspirateurs Hoover avait mis le cap sur l'Ecosse. Dans le textile, les délocalisations existent depuis une trentaine d'années. Ces emplois offshore ont d'abord été transférés en Tunisie et au Maroc, pour s'installer, ensuite, dans l'empire du Milieu.

Face à cette insécurité économique, les politiques passent à l'offensive. Outre-Rhin, le chancelier Gerhard Schröder n'a pas hésité à qualifier les délocalisations des entreprises allemandes « d'actes antipatriotiques ».

En France, Jacques Chirac est resté plus discret. Mais le sujet est brûlant. Pour retenir les emplois dans l'Hexagone, Nicolas Sarkozy, à quelques jours de son départ du ministère des Finances, prépare des mesures pour inciter les sociétés à ne pas quitter le pays ou à y revenir. Il devrait annoncer ce nouveau dispositif, le 22 septembre, dans le cadre du budget 2005.

Allègements de charges

Au menu, probablement des allègements de charges sociales ou de crédits d'impôt pour les entreprises qui installent leurs usines dans des zones en difficulté. Des nouvelles zones franches, en quelque sorte, destinées aux bassins d'emploi frappés par un chômage élevé. Autre piste : le ministre de l'Economie a également proposé, le 11 septembre, aux ministres de la Communauté européenne, que les nouveaux membres de l'Union, dont les impôts sont inférieurs à la moyenne européenne, ne bénéficient plus des aides des fonds structurels. Mais il s'est heurté à un refus catégorique des partenaires européens.

Pôles de compétitivité

Jean-Pierre Raffarin est, lui aussi, monté au créneau, en proposant, au cours du Comité interministériel à l'aménagement du territoire (CIADT), réuni le 14 septembre, la création de pôles de compétitivité attractifs, facilitant les synergies entre industriels, chercheurs et universitaires, tels que le plateau de Saclay, au sud de Paris, ou Crolles, dans l'agglomération grenobloise. L'objectif ? Faire émerger des pôles d'attraction de niveau international susceptibles de séduire davantage d'investissements étrangers. Ainsi, 750 millions d'euros vont être injectés par les pouvoirs publics sur les trois prochaines années.

Quant au ministre des Affaires sociales, Jean-Louis Borloo, il vient de lancer un vaste audit pour comprendre les motivations des chefs d'entreprise qui délocalisent. L'étude sera dévoilée à la fin de l'année.

Remèdes inefficaces

Ces mesures seront-elles suffisantes ? Pour les syndicats, la menace est grave, mais le remède n'est pas forcément efficace. « La métallurgie est confrontée à une vague de délocalisations, qui s'accélèrent, avec parfois un chantage à l'emploi, ce qui provoque une grande incompréhension chez les salariés », a insisté Daniel Sanchez, secrétaire général de la fédération CGT-métallurgie. Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, s'est prononcé, de son côté, contre la création de zones franches : « Nous ne souhaitons pas qu'il y ait, d'une manière ou d'une autre, l'instauration de zones franches, parce que l'on entrerait dans une logique de dumping fiscal et social. C'est le moins-disant social, c'est celui qui paie le moins ses salariés ou qui a le moins de cotisations patronales ou le moins d'impôts qui attire les investissements », a-t-il dénoncé, plaidant pour un contrôle accru de l'Etat sur les aides publiques accordées aux entreprises et, si nécessaire, pour des sanctions.

Tirer son épingle du jeu

Si les responsables politiques et syndicaux ont, évidemment, des réponses à apporter face aux délocalisations, la solution pourrait venir des entreprises elles-mêmes. Pour tirer leur épingle du jeu de la mondialisation, elles ont actionné d'autres manettes : organisation en système productif local (SPL) sous l'impulsion de la Datar, la Délégation à l'aménagement du territoire (Cosmetic valley, Mecanic valley...) ; responsabilisation des salariés (Reckitt Benckiser, à Chartres) ; formation de la main-d'oeuvre (Jeanneau, en Vendée) ; nouvelles niches d'activité (dans le textile...). Des actions qui ne permettront peut-être pas de rapatrier en France les emplois délocalisés. Mais des exemples qui prouvent qu'au-delà du simple débat sur le coût du travail, l'innovation RH peut, elle aussi, contribuer, dans certains cas, au maintien de l'emploi industriel en France.

(1) Délocalisations : pour un néocolbertisme européen, commission d'enquête présidée par Christian Gaudin, avec pour rapporteur François Grignon.

L'essentiel

1 Les délocalisations touchent, à la fois, l'industrie et les services, les emplois non qualifiés et qualifiés.

2 Le débat s'est déplacé dans le camp des politiques. Plusieurs mesures ont été annoncées : pôles de compétitivité et nouvelles zones franches, avec, à la clé, des allègements de charges sociales ou des crédits d'impôt.

3 Au-delà du débat sur le coût du travail, les entreprises tentent d'actionner d'autres leviers de compétitivité, via, notamment, le volet RH : formation, nouvelle organisation du travail, travail en réseau, ou encore, responsabilisation des salariés.

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