logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

Une cession à rebondissements

SANS | publié le : 14.09.2004 |

Image

Une cession à rebondissements

Crédit photo

Repreneur capricieux, actionnaire en cessation de paiement, grèves, divisions syndicales... L'administration judiciaire de la filiale de Matra Automobile a vécu six mois de bras de fer.

Certains syndicalistes ne digèrent toujours pas que l'administrateur judiciaire se soit pliée à toutes les exigences du repreneur en matière d'emploi. D'autres ne lui en veulent pas : « Il a fait son métier, celui qui consiste à rendre l'entreprise la plus attractive possible, même si, pour moi, la bataille, c'était les emplois et la lutte contre un système capitaliste qui met les gens à la rue. »

Peut-être plus que d'autres, le redressement judiciaire de Matra Venture Composites (MVC), équipementier automobile à Theillay (Loir-et-Cher), illustre combien le pilotage de ce type de dossier, entre pérennité des emplois, survie de l'entreprise et appétit des repreneurs, peut être délicat. « Une épreuve que j'espère ne jamais revivre », souffle le cégétiste Jean-Pierre Soblahovski, secrétaire du comité d'entreprise de l'ex-MVC.

Fermeture des sites de fabrication de Matra

« Le premier coup de massue est tombé en février 2003, lors de l'annonce de la fermeture des sites de fabrication de Matra Automobile, actionnaire de MVC à parité avec Peguform », se souvient Jean-Pierre Sanchez, ancien représentant CGT au CE. Et pour cause ! « Nous réalisions avec eux jusqu'à 40 % de notre chiffre d'affaires », explique François Boinot, l'ancien président de MVC. Sanction immédiate pour cette entreprise déjà déficitaire : la cessation de paiement est prononcée le 3 avril 2003, avec, à la clé, 27 millions d'euros de passif et près de 410 salariés abasourdis.

Nommé par le tribunal de commerce de Versailles, le cabinet d'administrateurs judiciaires Laureau-Jeannerot s'engage à rechercher des repreneurs. Parmi les entreprises en lice : l'américaine Kidd & Company, et l'italienne Rangerplast. Bonne nouvelle, si ce n'est que ces repreneurs potentiels veulent faire leur marché au meilleur prix. Au programme : suppression de plus d'une centaine de postes et diminution des salaires.

L'administrateur imagine donc un plan de sauvegarde des emplois (PSE). « Le ton s'est alors durci, explique Patrick Prigent, collaborateur en charge du dossier MVC pour le cabinet Laureau-Jeannerot. Les syndicats réclamaient une indemnité supplémentaire identique à celle obtenue par les salariés de Matra Romorantin, qui s'élevait, en moyenne, à 50 000 euros. Ma réponse a été sans détour : les caisses sont vides. »

Mouvement de grèveet coup de théâtre

Un mouvement de grève se déclenche, le 17 juin. « Nous n'admettions pas que l'administrateur accepte toutes les conditions de Kidd », explique Gérard Machard, délégué CGT et représentant du CE au tribunal de commerce. Quoi qu'il en soit, le tribunal de commerce, réuni le 18 juillet 2003, désigne Kidd - Rangerplast ayant renoncé pour des raisons de calendrier. Mais, coup de théâtre, le repreneur américain se désiste. Le tribunal accorde, alors, un sursis de deux jours à MVC pour trouver un autre repreneur, sinon, la liquidation sera prononcée. « Nous étions KO. Quant aux salariés, ils ne savaient plus qui croire », raconte François Boinot.

Réduction de la masse salariale

Finalement, Rangerplast se porte à nouveau candidat, à condition que l'entreprise ait réduit sa masse salariale de 16,4 %. « Avant de signer, elle a exigé que la CGT s'engage par écrit à ne pas s'opposer à la baisse salariale de 15 %. Ce qui fut fait », ajoute François Boinot. Réticent à cette exigence, le cabinet d'administrateurs préfère organiser, avec la direction de l'entreprise, la consultation des salariés, à titre indicatif. Plus de 83 % se disent prêts à accepter la réduction de leur salaire.

Dans l'intervalle, les négociations autour du PSE se poursuivent. « Nous voulions responsabiliser le groupe Lagardère, propriétaire de Matra », explique Jean-Pierre Soblahovski. Sous la pression, le groupe lâche 6 millions d'euros. « Une somme destinée, entre autres mesures d'accompagnement, à verser une indemnité spéciale de licenciement de 25 000 euros, en moyenne, à financer des formations pour les salariés licenciés, mais aussi à combler, pendant vingt-quatre mois, la différence salariale imposée par Rangerplast aux salariés repris, via une indemnité temporaire dégressive », énumère Patrick Prigent. Quant aux indemnités légales de départ, elles sont à la charge du fonds de garantie des salaires, l'AGS. Au total, 137 salariés feront partie du PSE, mis en oeuvre avant l'avis du CE, mais avec « près de 70 % de volontaires », précise l'ex-président de MVC.

Obligation de reclassement

Depuis le 1er octobre 2003, la société italienne est aux commandes de MVC. Pour autant, l'affaire n'est pas terminée. Elle se poursuit, cette fois, devant les prud'hommes de Romorantin ; 84 dossiers d'anciens salariés y sont déposés. Le motif ? « L'administrateur judiciaire n'a pas respecté l'obligation de reclassement au sein du groupe Lagardère, invoque leur avocat, Christian Quinet. Nous réclamons donc des dommages et intérêts de l'ordre de 32 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. » Prochain rendez-vous en novembre, pour le jugement.

En attendant, Patrick Prigent est serein : « J'ai dans le dossier MVC une centaine de correspondances faisant suite à des lettres envoyées à différents employeurs du groupe Lagardère et d'ailleurs. Ceux qui en ont accusé réception, au sein du groupe, ont tous expressément indiqué qu'ils n'avaient pas de possibilités de reclassement : c'est leur responsabilité qui est engagée. »

Repères

>Redressement : 03/04/03.

>Cession : 01/10/03.

>Salariés repris : 258 sur 410.