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Les salariés s'accrochent à leur usine

SANS | Expériences & Outils | publié le : 14.09.2004 |

Après les inondations de décembre 2003 en Arles, Panzani a décidé de fermer son usine de riz Lustucru. Depuis six mois, le personnel occupe les locaux. Il cherche désespérément une solution pour maintenir une activité industrielle sur le site.

Al'entrée de l'usine, la banderole en lettres rouges donne le ton : « On ne lâchera rien ». Sous les hangars, l'odeur du riz mélangée à celle de l'anti-rouille et du limon. Des dizaines de machines silencieuses et, jusqu'au plafond, des palettes de paquets de riz sans acheteur. L'entrée des bureaux désertés par la direction s'orne d'un drapeau aux couleurs de la CGT. Depuis le 25 mars dernier, les 146 salariés de Lustucru Riz occupent leur usine abîmée par les eaux. Ils ont créé un site Internet, «lusturizvivra». En détail, ils content les péripéties de la guerre qui les oppose à leur direction.

Pas de réhabilitation

Le 4 décembre 2003, le Rhône déborde, envahit la plaine et toute la partie nord de la ville d'Arles ; 7 000 personnes sont sinistrées, ainsi que 80 % de la zone industrielle nord où se trouve l'usine Lustucru Riz, propriété de Panzani, détenu par Paribas Affaires industrielles (PAI). Après les fêtes de Noël, des salariés sont mobilisés pour nettoyer le site, les autres sont invités à rester chez eux. Des vigiles gardent le lieu nuit et jour. Un CE est fixé au 26 mars 2004. Il doit sceller le sort de l'entreprise. La veille, une partie du personnel entame l'occupation de l'usine. Le couperet tombe : la rizerie ne sera pas réhabilitée.

Lourd préjudice

Michel Peudevin, Pdg de Lustucru Riz, martèle ses arguments : « Le site a été expertisé pendant trois mois. Les bâtiments et les équipements ont été sinistrés, la zone a subi un lourd préjudice du point de vue sanitaire, géologique et sécuritaire. Le coût et la durée d'une réhabilitation étaient trop élevés : 26,5 millions d'euros pour quinze à dix-sept mois de travaux. Les assurances ne nous indemnisent qu'à hauteur de 15,5 millions d'euros. Et le compte d'exploitation révèle que cette usine, bien que rentable, n'est pas suffisamment productive ni compétitive sur le marché européen, très tendu. » Panzani ne renonce pas pour autant aux riz Lustucru et Taureau Ailé, les deux marques produites en Arles. Dans les deux mois qui suivent les inondations, dix sous-traitants industriels «européens» sont recrutés pour les fabriquer à «un coût plus compétitif».

Les collectivités locales proposent leur aide à hauteur de 4,8 millions d'euros. Mais la médiation dirigée par le préfet échoue. Panzani décide que l'argent des assurances servira à financer un plan social et un projet de redynamisation du bassin d'emploi. Depuis, le dossier avance au gré des décisions judiciaires. Dernière en date, celle du tribunal de grande instance de Tarascon. Le 9 septembre, il a rejeté la demande de la CGT. Elle réclamait la suspension de la procédure pour permettre la tenue de tables rondes et trouver une solution de reprise d'activité industrielle.

Car, selon les syndicats, les études de la Drire et de l'expert du CE, Sogex-Acte, permettent d'envisager une réhabilitation viable du site. « Pourquoi s'en priver et fragiliser la filière rizicole de Camargue, qui vendait à Lustucru 20 000 des 100 000 tonnes qu'elle produit par an ?, s'interroge Serge Combier, secrétaire CGT du CE. Voyons s'il est possible de remettre en marche l'usine avec l'aide financière des collectivités locales, une partie de l'argent de l'assurance et l'implication des producteurs locaux. Bien sûr, si un repreneur d'une autre activité industrielle nous faisait une bonne proposition, nous dirions oui. »

Contenu du plan social

Les syndicats exigent aussi de la direction qu'elle améliore le contenu de son plan social. D'un montant de 11,7 millions d'euros, il comporte, selon la direction, 160 offres de reclassement interne au groupe, dont 35 à Marseille, un congé de reclassement de 6 à 9 mois, exceptionnellement 12, et une prise en charge financière en cas de mobilité. Un salarié qui accepterait une mutation à Marseille bénéficierait, ainsi, d'une prime de «20 000 à 25 000 euros». « Avec quinze ans de boîte, je touche 1 250 euros net par mois, rappelle Serge Combier. Je vis à l'endroit même où je suis né. Mes enfants sont scolarisés dans l'école que je fréquentais. Et Panzani croit que, pour ce salaire, je vais accepter de tout quitter ? »

< http://lusturizvivra.free.fr >

Solution n° 2

Dernière en date, celle du Tribunal de grande instance de Tarascon. Le 9 septembre, il a rejeté la demande de la CGT. Elle réclamait la suspension de la procédure pour permettre la tenue de tables rondes et trouver une solution de reprise d'activité industrielle.

Lustucru, l'exception parmi les sinistrés

Sur le bassin d'Arles, 800 à 900 entreprises ont été répertoriées comme sinistrées par les inondations, à des degrés divers, selon la CCI d'Arles. « Lustucru est l'exception qui confirme la règle, indique Philippe Hurdebourcq, directeur de l'industrie. Au maximum, seules dix entreprises ont définitivement fermé leurs portes, en raison d'une mauvaise santé financière qui existait déjà, ou parce que le dirigeant était trop âgé. Les autres ont été fortement aidées par la région, le département, l'Etat et l'Europe. » Néanmoins, toutes les entreprises ont donné de leur poche. « Il faut reconnaître que Lustucru a été l'usine la plus touchée en termes financiers », nuance Philippe Hurdebourcq.