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L'épineux volet social

SANS | publié le : 14.09.2004 |

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L'épineux volet social

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Les cas Tati, Moulinex, Matra ou Cellatex ont été largement médiatisés. Plus discrètement, 50 000 entreprises déposent le bilan chaque année, dont beaucoup sont, finalement, liquidées. Quelques autres sont cédées aux conditions imposées par le repreneur. Difficile, dans ces périodes toujours tendues, de gérer de concert les volets économique et social.

Lâchés brutalement par leur principal actionnaire au milieu de l'été, plombés par un passif de 94 millions d'euros, 3 000 salariés de Valiance Fiduciaire, le principal transporteur de fonds en France, sont dans l'incertitude.

Depuis le dépôt de bilan, fin juillet, l'administrateur judiciaire, nommé par le tribunal de commerce, a reçu sur son bureau une demi- douzaine d'offres, globales ou partielles. Les représentants des salariés, qui devaient les examiner dans la semaine du 13 septembre, s'attendent à de la casse sociale. Et le cabinet de Nicolas Sarkozy assurait, début septembre, que le ministre de l'Economie suivait le dossier « avec la plus grande attention ». Mais, hormis l'effectif concerné et la dimension de l'actionnaire, à 80 %, l'Union des banques suisses (UBS), le sort des salariés de Valiance en attente de repreneur n'est guère différent de celui de milliers d'autres chaque année, le plus souvent au tournant de l'été. Bon an, mal an, 50 000 entreprises déposent le bilan devant les tribunaux de commerce, dont plus de 9 sur 10 partent finalement en liquidation judiciaire. En 2003, ces redressements concernaient 300 000 salariés, dont 141 000 ont été licenciés.

Trois missions

Au coeur de cette tourmente, un administrateur judiciaire, nommé par le tribunal de commerce, doit gérer de front l'économie et le social : faire survivre l'entreprise en limitant les dégâts en matière d'emploi. « L'administrateur a trois missions, définies par la loi sur les faillites de 1985, précise Perrette Rey, présidente du tribunal de commerce de Paris : assurer la pérennité de l'entreprise ; sauvegarder les emplois ; et apurer les créances. »

Pas d'éléments de négociation

C'est, en général, un vrai casse-tête. « L'administrateur pare au plus pressé, juge Eric Raffin, avocat au barreau de Reims. Le calendrier est dicté par le tribunal et, parallèlement à la période d'observation, on procède à des licenciements qui arrivent soit trop tôt, soit trop tard. On n'a pas le temps de mener des négociations sociales et on n'a pas d'éléments de négociation, car les réalités changent. »

Malgré une procédure simplifiée de PSE, les plans sociaux durant la période d'observation de l'entreprise demeurent assez rares, en tout cas, malaisés à justifier. « Comment restructurer ? Quelles activités abandonner ? Où réduire l'effectif quand on ne sait pas qui l'entreprise pourrait intéresser et quels seront la stratégie et le marché du repreneur ? », interroge Jean-Dominique Daudier de Cassini, avocat spécialisé dans les procédures collectives au cabinet Willkie Farr & Gallagher.

Faire coexister deux logiques

Entre l'inquiétude des salariés et l'appétit d'éventuels repreneurs, qui font leur marché en exigeant des allègements sévères de la masse salariale ou des ventes par appartements, l'administrateur doit organiser au mieux la confrontation brutale entre logique économique et logique sociale.

C'est sans doute pourquoi le résultat de certains redressements soulève l'indignation, comme dans le cas de Moulinex, plombé par des années de mauvaise gestion, démembré pour permettre la reprise des rares secteurs rentables, et laissant, finalement, sur le carreau une majorité de salariés.

Manque de fiabilité du repreneur

Tout aussi regrettable, le dossier Devanlay-Lacoste, dans l'Aube, où les juges avaient, à l'inverse, favorisé une reprise de l'usine textile. En 2000, pourtant prévenu par le CE de l'entreprise et des élus de la région, le tribunal de commerce accordait la cession de l'usine et de ses 140 salariés, pour une poignée d'euros, à un repreneur dont le manque de fiabilité semblait patent. Dix-huit mois plus tard, c'était la liquidation. Devanlay, désigné par l'administrateur judiciaire comme responsable d'avoir masqué un désengagement à bon compte d'une partie de son activité, et sommé de reprendre l'usine, ne réintégrera qu'un salarié. Les autres, finalement licenciés, obtiendront du juge une indemnité pour préjudice moral.

« Il faut bien comprendre toute la difficulté de ces dossiers, note Perrette Rey. Depuis l'adoption de la loi sur les faillites, il y a vingt ans, l'aspect social a pris une place prépondérante. Les conflits sont violents et les salariés ont appris à médiatiser leur situation, ce qui peut perturber le jeu normal de la justice. » Et de citer le cas d'une imprimerie du Nord pour laquelle le tribunal de commerce avait refusé une offre unique de reprise, considérant qu'elle émanait d'un chasseur d'affaires ayant déjà accéléré la liquidation de plusieurs entreprises. La cour d'appel avait infirmé cette décision et rouvert un redressement. Six mois après la reprise, le nouveau patron avait vidé l'entreprise.

Quant aux cas de faillites de filiales, ils paraissent souvent illustrer la violence d'une économie mondialisée. Aujourd'hui, les salariés de Valiance ont bien l'intention de faire en sorte que l'Union des banques suisses (UBS), qu'ils estiment responsable de la situation, « propose une rallonge » en cas de plan social. Et le cabinet de Nicolas Sarkozy aurait même pris contact avec l'actionnaire helvète. D'autres cas difficiles ont rempli les pages des journaux, ces dernières années, et alimenté le débat sur les patrons indélicats, de Cellatex et sa maison mère autrichienne à Metaleurop et son actionnaire suisse jamais inquiété.

Prime exceptionnellede l'Etat

L'Etat accorde parfois une prime exceptionnelle pour améliorer le reclassement des salariés concernés. Mais, dans tous les cas de redressement, c'est d'abord l'Association de garantie des salaires (AGS) qui passe à la caisse pour régler les paies en souffrance et les indemnités légales et conventionnelles en cas de licenciements.

Cet organisme patronal, financé par les cotisations des entreprises, serait aujourd'hui au bord de la faillite. Selon certains avocats, l'AGS pourrait, désormais, montrer les dents en se retournant contre des mandataires qui auraient négligé d'attaquer un actionnaire principal ou une maison mère, si c'était possible. Contactée, l'association n'a pas voulu confirmer.

Réforme de la loi

D'autre part, la réforme de la loi sur les faillites (lire p. 18), préparée par le garde des Sceaux, Dominique Perben, devrait être présentée aux parlementaires avant la fin de cette année. Diversement appréciée par les avocats, les administrateurs et les juges, elle affiche, en tout cas, deux objectifs : permettre une meilleure anticipation des difficultés et maintenir en vie plus d'entreprises au terme de la procédure.

L'essentiel

1Environ 50 000 sociétés se retrouvent, chaque année, en redressement judiciaire. La grande majorité d'entre elles sont des TPE, beaucoup n'ont pas de salariés.

2L'administrateur désigné par le juge du tribunal de commerce doit concilier la logique économique et la logique sociale. Ses missions : assurer la pérennité de l'entreprise, sauvegarder les emplois, apurer les créances.

3Une réforme de la loi de 1985 sur les faillites devrait voir le jour cette année. Elle doit, notamment, permettre d'anticiper les graves difficultés, en laissant le dirigeant se mettre sous la protection de la justice avant le dépôt de bilan.

Le scénario de l'administration judiciaire

Le scénario commence toujours avec la cessation des paiements : l'entreprise ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible. La loi contraint le dirigeant à déposer le bilan dans les quinze jours auprès du tribunal de commerce. Dès lors, un jugement de redressement judiciaire est prononcé. Les salaires sont pris en charge par l'AGS.

Une période d'observation est fixée par le juge commissaire et un administrateur est nommé pour organiser le redressement judiciaire de l'entreprise. Ce dernier surveille ses finances, établit un diagnostic de crise avec le dirigeant et convoque les représentants des salariés en CE. Le CE, à défaut, les délégués du personnel ou le représentant des salariés, selon la loi sur les faillites du 25 janvier 1985, doit, en effet, être consulté et informé sur tous les projets de décision d'ordre économique et financier, notamment ceux concernant l'emploi et les conditions sociales.

Dès cette période, un PSE peut être mis en oeuvre, avec des conditions d'application légèrement simplifiées. L'administrateur propose, par ailleurs, une ou des solutions :

- continuation avec apurement des dettes sur plusieurs années, notamment si un partenaire peut être trouvé ;

- plan de cession en fonction des offres de reprise, globales ou partielles, qui lui sont parvenues et qui imposent généralement une réduction d'effectifs (PSE financés par l'AGS, parfois améliorés par la maison mère, l'actionnaire ou le repreneur) ;

- liquidation de l'entreprise et licenciements avec les indemnités versées par l'AGS.

Le tribunal de commerce reçoit les éventuels repreneurs, prend l'avis du CE et se détermine sur la synthèse réalisée par l'administrateur avant de retenir une solution (jugement de sortie d'administration judiciaire). Au total, après possibles renouvellements, la période d'administration judiciaire ne peut excéder vingt mois.