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Un suivi post professionnel contesté

SANS | publié le : 07.09.2004 |

La Cram Rhône-Alpes, comme ses homologues de trois autres régions (1), conduit actuellement une étude auprès de retraités ayant été exposés à l'amiante. Objectif : améliorer le suivi post professionnel en évaluant l'utilisation du scanner pour le dépistage.

Trente cinq mille retraités âgés de 60 à 67 ans, susceptibles d'avoir été exposés à l'amiante, ont reçu, fin 2003, un courrier de la Cram Rhône-Alpes les invitant à participer à une expérimentation censée évaluer l'apport du scanner dans le dépistage des cancers.

Association de défense d'anciens salariés

Les retraités de Saône- et-Loire (région Bourgogne) sont également inclus dans la démarche, « sous la pression des associations de défense des anciens salariés, notamment ceux de l'usine Eternit à Paray-le-Monial », explique le Dr Evelyne Schorlé, chef du service médical Rhône-Alpes.

Repérées par leur caisse de retraite, grâce aux codes d'activité de leurs employeurs, ces personnes ont, dans un premier temps, reçu un questionnaire d'exposition. Parmi les 10 000 répondants, 70 % à 80 % ont affirmé avoir été exposés à l'amiante. A fin juillet 2004, plus de 2 000 retraités avaient entamé le bilan médical, et 750 l'avaient achevé. Informés au préalable du projet, les médecins généralistes, les pneumologues et les radiologues de la région rhônalpine ont été conviés à participer au suivi de l'enquête, selon un protocole précis.

Une expérimentation critiquée

Cette expérimentation, qui fera l'objet d'un rapport d'étape en octobre prochain, pour un aboutissement fin 2005, provoque quelques remous. « La "Conférence de consensus sur l'amiante" de 1999 a confirmé la suprématie du scanner dans le repérage des pathologies : la question devrait être réglée depuis longtemps », affirme, ainsi, Alain Bobbio, secrétaire de l'Andeva (Association nationale des victimes de l'amiante).

Le Dr Raoul Harf, pneumologue à l'hôpital Lyon-Sud, critique, de son côté, le protocole de l'étude : « Aucune comparaison n'est prévue avec ce que l'on peut découvrir chez des personnes non exposées. » Il a saisi le Comité national d'éthique en septembre 2002. Depuis, l'instruction est toujours en cours.

Une possibilité de suivi sous-utilisée

Pourtant, l'objectif final de cette étude est d'améliorer le suivi post professionnel des salariés, une possibilité offerte depuis 1995 aux personnes ayant été exposées aux cancérogènes listés par l'OMS... mais largement sous-utilisée. Or, pour Evelyne Schorlé, « le mérite de cette expérimentation est justement d'avoir donné un vrai coup de fouet au suivi post professionnel. Même si le taux de réponses prouve aussi que de nombreuses personnes ne veulent pas savoir ce qu'elles ont..., d'autant que ces maladies se soignent mal. »

Après l'envoi du courrier aux retraités, la ligne téléphonique spécifique mise en place par la Cram a enregistré, chaque jour, vingt à trente appels.

Risques d'anxiété et de dépression

« Le risque est aussi de plonger les personnes dans l'anxiété ou la dépression », lance encore le Dr Raoul Harf, qui affirme, également, que « le dépistage précoce des cancers n'améliore pas la survie ». Ce que tempère Alain Bobbio : « La médecine a aussi une dimension d'accompagnement. En outre, le dépistage précoce peut avoir un bénéfice social : la cessation anticipée d'activité et, pour les retraités, l'indemnisation des victimes. Nous sommes donc favorables à l'expérimentation, même si elle est limitée. »

Reste que l'indemnisation passe par la reconnaissance de la pathologie en maladie professionnelle... qui est loin d'être automatique, même pour les personnes chez lesquelles ce bilan révélerait un cancer bronchique. Elles devront engager, de leur propre chef, la procédure classique, qui nécessite, notamment, l'obtention d'une attestation d'exposition signée par les entreprises (lorsqu'elles existent encore) et les médecins du travail. Plusieurs affaires ont montré leur réticence à le faire, du fait des enjeux financiers.

Du coup, pour le Dr Raoul Harf, cette expérimentation ne serait, finalement, qu'une « manoeuvre pour retarder une vraie généralisation du suivi post professionnel ».

(1) Aquitaine, Basse-Normandie, Haute-Normandie.

SUIVI POST PROFESSIONNEL AMIANTE EN RHÔNE-ALPES

Echantillon : 35 000 retraités susceptibles d'avoir été exposés.

Nombre de répondants au questionnaire : 10 000.

Tests médicaux : 2 000 en cours à fin juillet 2004, dont 750 réalisés.

Fin de l'expérimentation : fin 2005.