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Les observatoires dans les starting-blocks

SANS | publié le : 31.08.2004 |

Plus de 200 branches négocient actuellement la mise en place, prévue par la loi du 4 mai 2004, d'observatoires prospectifs des métiers et des qualifications. Leur efficacité dépendra de l'implication des acteurs mais aussi de leur ancrage, encore hypothétique, en région.

Branle-bas de combat dans les branches professionnelles : la loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie du 4 mai 2004, reprenant les dispositions de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 20 septembre 2003, prévoit que toutes les branches professionnelles devront se doter d'un observatoire prospectif des métiers et des qualifications à caractère paritaire... avant le 1er septembre 2004. Un délai qui ne sera pas forcément respecté par toutes, mais qui est suffisamment pris au sérieux puisque les négociations vont bon train, depuis le printemps, dans plus de 200 branches. Ces observatoires seront financés par un prélèvement sur le 0,5 % versé à l'Opca - ou le 0,15 % pour les entreprises de moins de 10 salariés. Statutairement, ils sont d'ailleurs très souvent rattachés aux Opca de branche.

Acteur de son évolution

Quel est l'objectif de ces observatoires ? « Permettre à chaque salarié d'être acteur de son évolution professionnelle », indique l'ANI. Autrement dit, fournir toutes les informations sur l'évolution prévisible des emplois d'un secteur d'activité, sur l'évolution des qualifications qui en résulte, et permettre d'améliorer, à terme, l'articulation emploi-formation. La loi prévoit que les travaux réalisés par l'observatoire prospectif des métiers et des qualifications de la branche seront régulièrement soumis à l'examen de la Commission paritaire nationale de l'emploi (CPNE) de la branche, une instance de concertation entre les représentants des employeurs et les organisations syndicales, qui est, notamment, l'interlocuteur de l'Education nationale pour la mise en place de diplômes. Les résultats de cet examen sont mis à disposition des chefs d'entreprise, des institutions représentatives du personnel et des représentants des organisations syndicales.

Capacité d'anticipation

Quelle efficacité attendre de ces observatoires ? Tout dépend de ce qu'en font les acteurs. Des observatoires tels que celui de l'évolution des métiers de l'assurance (lire l'article p. 17) ou des métiers, de l'emploi et de la formation des entreprises du médicament (Leem) sont souvent cités comme modèles parce qu'ils ne se limitent pas à une activité d'étude mais permettent aux entreprises adhérentes de mettre en oeuvre des actions de RH pour anticiper les changements. L'observatoire des métiers du Leem accompagne, par exemple, depuis 1996, les entreprises sur les CQP (certificats de qualification professionnelle) et les aide à élaborer une méthodologie de validation des acquis de l'expérience

Moyens nécessaires

Lors d'une matinée organisée, en juillet dernier, par l'association Développement et Emploi sur les observatoires prospectifs, Joëlle Pelosse, consultante au cabinet Algoe, a énuméré un certain nombre de conditions pour garantir la "valeur ajoutée" des observatoires. Parmi elles : doter l'observatoire des moyens nécessaires et créer un consensus autour de son fonctionnement. Un fonctionnement à deux étages - un comité de pilotage paritaire, qui donne les orientations, et une équipe technique, qui réalise les travaux - est, par exemple, un gage d'efficacité.

Communiquer sur les travaux de l'observatoire

Autres recommandations, pour assurer la pérennité du dispositif : évaluer régulièrement les travaux de l'observatoire pour mesurer son efficience économique, technique et sociale. Et, surtout, communiquer sur les travaux, en interne comme en externe.

Les bons observatoires sont finalement ceux dont les acteurs jouent le jeu. Et cela commence par le recueil des données auprès des entreprises de la branche. Dans certains secteurs très concurrentiels, comme les télécoms, ou cultivant le secret, comme la banque, il est, ainsi, très difficile de convaincre les entreprises de livrer leurs données RH.

Culture de mutualisation

Rien de tel dans l'assurance qui, souligne Gérard Lobjeois, secrétaire général de l'observatoire de cette branche, « a une culture de mutualisation du risque et de prospective. Du coup, passer de la communication des données sur les risques à celle des données sociales n'a pas été choquant pour nos dirigeants ».

Les observatoires prospectifs seront également plus efficaces s'ils sont déclinés régionalement ou s'ils travaillent en partenariat étroit avec les Oref (observatoires régionaux de l'emploi et de la formation) ou autres lieux de prospective locaux. C'est, en effet, la limite de la mise en place des observatoires de branche : leur caractère national et cloisonné par secteurs d'activité. « Nous sommes, aujourd'hui, dans une conjoncture où nous avons besoin de raviver les lieux d'échanges intersectoriels au niveau local », observe Olivier Liaroutzos, responsable de l'Oref Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui voit, dans sa région, « une population de plus en plus importante qui n'est pas couverte par le cloisonnement par secteurs et des jeunes qui ont plusieurs métiers. Même des lycées professionnels, dans les zones montagneuses, préparent à la pluriactivité ».

Responsable de l'Observatoire de la formation, de l'emploi et des métiers (Ofem) de la CCI de Paris, Eric Foly estime, pour sa part, que « le grand danger, aujourd'hui, est de créer des frontières et des sas entre les secteurs d'activité, alors que les compétences demandées par les entreprises sont de plus en plus transversales ». L'Ofem, seul observatoire permanent du réseau CCI et qui travaille donc avec les autres chambres de commerce sur les territoires, est, ainsi, amené à se rapprocher beaucoup plus des Oref et beaucoup moins des branches. « Ce sont les régions qui pilotent de plus en plus la formation et se préoccupent de l'adéquation formation/emploi », note Eric Foly.

Dimension politique

L'efficacité demandée aux observatoires ne doit pas faire oublier leur dimension politique. « Leur objectif est aussi de faire vivre une autre forme de dialogue social », souligne Joëlle Pelosse. Qualifiant la mise en place des observatoires de « révolution copernicienne », Jean-François Dupont, de la CFDT Cadres, voit, pour sa part, « s'ouvrir un champ immense d'actions revendicatives renouvelées pour les organisations syndicales, à partir des travaux faits en observatoire ».