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Alarme sociale et droit d'opposition à La Poste

SANS | publié le : 31.08.2004 |

La direction de La Poste et quatre syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC et FO) ont récemment conclu un important accord visant à adapter les IRP à la nouvelle organisation de l'entreprise, mais aussi à instaurer un droit d'opposition majoritaire et un dispositif de prévention des conflits.

«Renforcer les relations de confiance et de respect entre parte- naires sociaux » et « réaffirmer la légitimité des organisations syndicales représentatives », tels sont les objectifs fixés à l'accord sur "les principes et méthodes du dialogue social", signé, le 21 juin dernier, à La Poste. Valable pour une durée de dix-huit mois, le texte introduit deux innovations principales : un droit d'opposition, permettant aux syndicats majoritaires qui y ont recours d'empêcher la signature d'un accord, et un dispositif d'anticipation et de prévention des conflits, inspiré de l'alarme sociale créée à la RATP. En outre, La Poste adapte son dialogue social à sa nouvelle organisation par métiers, en créant des instances de concertation et d'information décentralisées, baptisées Commissions du dialogue social de La Poste (CDSP) (lire encadré p. 21). La CGT et Sud, majoritaires, se sont abstenus de signer l'accord, sans, toutefois, s'y opposer.

La "majorité d'opposition" instaurée

Le document du 21 juin précise que les accords entre partenaires sociaux seront désormais valables à la condition qu'ils ne reçoivent pas l'opposition d'« une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés lors des dernières élections des représentants » du personnel. Jusqu'alors, la signature d'un seul syndicat suffisait. En instaurant cette "majorité d'opposition", La Poste se dote d'un dispositif "dans l'esprit de la loi Fillon" sur le dialogue social, votée le 4 mai 2004, selon Foucauld Lestienne, directeur délégué des ressources humaines et des relations sociales de La Poste. Et ce, alors même qu'un certain flou règne, jusque dans les rangs de l'administration du travail, quant à l'assujettissement à la nouvelle législation de cet établissement autonome de droit public, qui n'appartient, de surcroît, à aucune branche.

« Le droit d'opposition est responsabilisant, car il met l'organisation syndicale qui l'utilise en situation de bloquer un accord proposant des avancées, et de devoir le justifier vis-à-vis des salariés », expose Foucauld Lestienne. Visés, les deux syndicats non signataires, Sud et la CGT, majoritaires à eux deux, qui « signent rarement, mais se prévalent, néanmoins, des accords en vigueur », estime Daniel Rodriguez, secrétaire général de la CFTC-La Poste.

« Nous demandions la majorité d'engagement, mais la direction n'en voulait pas, par peur d'un blocage », indique pourtant Régis Blanchot, secrétaire fédéral de Sud-PTT. Cette option, par laquelle un accord, pour être valable, doit être signé par un ou des syndicats ayant obtenu la majorité aux dernières élections professionnelles, pousse certes plus loin la logique de responsabilisation des syndicats, mais comportait le risque, pour la direction, d'empêcher une évolution des syndicats contestataires, la CGT notamment, vers plus de réformisme. Ces derniers, en effet, n'auraient plus eu qu'une alternative : signer ou bloquer. Et auraient dû le justifier à chaque fois. Autant dire que leur position aurait été intenable à l'approche des élections professionnelles, prévues le 19 octobre prochain. Comme le reconnaît Régis Blanchot, le principe majoritaire est "piégeux", et la solution intermédiaire du droit d'opposition présentait, finalement, moins de risques pour toutes les parties.

Prévention des conflits

L'accord comporte, également, un dispositif de prévention des conflits. Il prévoit, en effet, qu'en cas de risque "avéré" de conflit, les syndicats puissent saisir la commission du dialogue social au niveau pertinent, « qui se réunit alors dans les sept jours ». Les parties disposent, ensuite, d'un délai de deux jours pour parvenir à un accord. « Jusqu'alors, affirme Daniel Rodriguez, il fallait déposer un préavis de grève pour engager la discussion avec la direction. » Le dispositif contenu dans l'accord du 21 juin inverse la logique en faisant de la discussion un préalable. Malgré tout, les syndicats signataires restent mitigés, conscients que l'efficacité du dispositif dépendra, finalement, du rapport des forces en présence. « Il permettra d'arrêter une grève locale, mais pas une grève nationale », pronostique Nadine Capdeboscq, secrétaire nationale de la CFDT La Poste et télécom. Pour Régis Blanchot, ce dispositif constitue une « remise en cause partielle du droit de grève », et une « usine à gaz, dont l'objectif est de retarder une grève ».

Ce système de prévention des conflits s'inspire de l'alarme sociale mise en place, depuis 1996, à la RATP. Dans l'entreprise de transport, l'alarme sociale avait permis de passer d'une journée de grève par agent et par an au début des années 1990, à 0,2 en 2001, et de 1 000 préavis annuels à 300 (voir Entreprise & Carrières n° 604). La direction de La Poste ne se risque pas à des pronostics chiffrés sur l'efficacité de son dispositif. Celui-ci doit beaucoup, bien évidemment, à Jean-Paul Bailly, qui fut le président de la RATP avant de devenir celui de La Poste. Ce dernier est, d'ailleurs, associé à la réflexion, lancée au mois de février dernier par le ministère des Transports, sur la "continuité du service public dans les transports terrestres". Dans son cadre, le ministre des Transports, Gilles de Robien, a enjoint les partenaires sociaux des entreprises de transport public de mettre en place des dispositifs d'alarme sociale, avant qu'une loi ne s'en charge. Certes, La Poste n'est pas concernée par cette démarche. Il n'en reste pas moins qu'en se dotant d'un droit d'opposition et d'une alarme sociale, l'entreprise se trouve en situation d'expérimenter deux dispositifs chers au gouvernement.

L'essentiel

1 Afin de renforcer le dialogue social, La Poste a signé, le 21 juin 2004, un accord créant un droit d'opposition majoritaire, un dispositif de prévention des conflits, et des instances de concertation décentralisées.

2 Le droit d'opposition change les règles du jeu du dialogue social en mettant un ou des syndicats majoritaires en position de bloquer un accord, mais aussi, le cas échéant, de devoir se justifier. La direction espère, ainsi, responsabiliser ses interlocuteurs syndicaux.

3 Ces nouvelles règles ont été testées dès le 7 juillet dernier, lors de la signature de deux accords sur les salaires.

Un dialogue social décentralisé

Pour s'adapter à sa nouvelle organisation par métiers (grand public, courrier et colis), La Poste a créé un nouveau niveau de "concertation et d'information" décentralisé. Les Commissions de dialogue social de la Poste (CDSP) sont mises en place au niveau des trois métiers et au niveau territorial. Elles se réunissent au moins quatre fois par an, et à chaque fois que les syndicats ou la direction le demandent. Elles jouent, enfin, un rôle central dans le dispositif de prévention des conflits.

Les syndicats signataires étaient très demandeurs des CDSP. Ainsi, la CFDT avait conditionné sa signature à leur création. Pour Nadine Capdeboscq, de la CFDT, « c'est au niveau local que les salariés verront le mieux le résultat de notre travail de négociation ». Les syndicats signataires souhaitaient également, et ont obtenu, que l'existence de ce niveau de négociation soit gravée dans le marbre de la loi de régulation postale, qui devrait passer à l'Assemblée en octobre.

Pour Sud-PTT, cette décentralisation du dialogue social présente des risques pour l'unité de gestion de La Poste, et « apparaît comme dangereuse au moment où l'on parle de filialisation ».

LA POSTE

Effectifs : 288 820 équivalents temps plein (200 760 fonctionnaires et 88 060 salariés de droit privé).

Nombre d'établissements : 17 000 points de contact ; 3 000 centres de traitement et centres de distribution.

Chiffre d'affaires 2003 : 18,04 milliards d'euros.