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Sportifs et entreprises se prennent au jeu

SANS | publié le : 13.07.2004 |

« Le sport ou la carrière, il faut choisir ! » Pour éviter de se retrouver face à cet insupportable dilemme, les structures sportives sont de plus en plus nombreuses à proposer à leurs champions des programmes d'accompagnement vers l'emploi. Les entreprises répondent présentes et s'engagent sur le long terme.

Après la débâcle française aux jeux Olympiques de Sydney, trop de sportifs se sont retrouvés sur le banc de touche. « Les contrats d'image entre athlètes et équipementiers sont passés de 100 à 30 », se souvient Elisabeth Vaillant, coresponsable de la cellule "suivi socioprofessionnel" de la FFA (Fédération française d'athlétisme). Pionnière lors de sa création, en 1997, cette structure a incité d'autres organisations à adopter sa philosophie : « Donner à chaque athlète de haut niveau les conditions de réussite tant au niveau du projet sportif, de formation/qualification, que d'insertion professionnelle. » Parmi les 6 600 sportifs de haut niveau (SHN) recensés par le ministère de la Jeunesse et des Sports, 550 ont signé une convention d'insertion professionnelle (CIP). Grâce à ce dispositif, issu de la loi du 16 juillet 1984 modifiée, les sportifs bénéficient d'aménagements d'horaires leur permettant de concilier compétitions internationales et responsabilités professionnelles.

Sensibiliser aux carrières

Le message est bien passé dans les fédérations de sport amateur (athlétisme, canoë-kayak, escrime, etc.). Moins chez les sportifs professionnels. « Tout le monde n'a pas la même compréhension de l'enjeu. Plus la discipline génère une pratique lucrative, plus le miroir aux alouettes est important et moins les sportifs sont prêts à recevoir l'information », observe Eric Srecki, chargé de mission au bureau de la vie de l'athlète du ministère. Pourtant, depuis le début de cette année olympique, les "pros" aussi commencent à sortir de l'ornière. Le 9 août prochain, la Fédération française de rugby, la Ligue nationale de rugby (LNR) et Provale, le Syndicat national des joueurs de rugby, fêteront les six premiers mois de l'Agence XV. Une nouvelle fierté qui doit permettre, selon Serge Blanco, président de la LNR, « de sensibiliser les professionnels et les jeunes à la réalité d'une carrière de joueur de rugby - période exceptionnelle mais courte et aléatoire - et à la nécessité de prendre en main leur avenir »

Valorisation de soi

De son côté, l'Insep (Institut national du sport et de l'éducation physique), qui forme au plus haut niveau à 27 disciplines sportives, commence à prendre au sérieux l'orientation professionnelle de ses étudiants. L'organisme de formation vient même de nouer des partenariats avec la société d'intérim Adecco et le tout jeune cabinet OAV (Optimizing Athletes Value), spécialisé dans l'accompagnement professionnel des sportifs de haut niveau. Au programme : rédaction de CV et de lettres de motivation, simulations d'entretiens d'embauche, bilan d'orientation et "valorisation de soi". Obligatoire, ce dernier module aide le sportif à mieux se connaître, à se mettre davantage en avant et à apprendre à transférer ses ressources de champion sur le terrain de l'entreprise. « C'est une valeur ajoutée que l'on voudrait donner aux élèves », résume Véronique Leseur, responsable de l'unité du suivi socioprofessionnel des sportifs de haut niveau à l'Insep.

C'est aussi une chance pour les entreprises qui, à en croire le dossier de presse d'OAV, « cherchent, de plus en plus nombreuses, à encourager l'intégration et l'accompagnement des sportifs de haut niveau au sein de leurs structures ». Tendance confirmée en Ile-de-France, où la direction régionale de la Jeunesse et des Sports observe une augmentation de 6 % du nombre de CIP.

« Le bouche à oreille fonctionne et l'information arrive dans les PME », rapporte Franck Bouchetal, de la DRJS Ile-de-France. « Il y a un effet cristallisant autour de l'effort sportif. On est capable de se parler d'autre chose que du travail », raconte David Maillard, champion du monde d'épée handisport et responsable de la sécurité des systèmes d'information chez ECS, une société d'informatique d'environ 1 000 salariés.

Selon OAV, « le sport est devenu un véritable média, porteur de valeurs ». A tel point que certaines entreprises sélectionnent leurs futurs salariés en fonction des disciplines pratiquées. Dans le Sud-Ouest, les sociétés ont un penchant naturel pour le rugby. « Quelques-unes nous appellent, car elles sont intéressées par le rugbyman et l'image d'amitié et de ténacité qui lui est associée », témoigne Karine Benezech-Mesnil, directrice de l'Agence XV. Le triathlon et l'athlétisme remportent l'adhésion des cheminots, nombreux à pratiquer le cyclisme ou la course à pied.

Le sportif, vecteur de communication

Plus éclectique, EDF travaille en partenariat avec le CNOSF (Comité national olympique du sport français), les Fédérations de canoë-kayak, d'aviron, de handisport ou de rugby, et compte 48 agents sportifs de haut niveau. Rassemblés au sein d'une "Equipe EDF", ils sont un véritable vecteur de communication pour l'entreprise.

Parviendront-ils à apaiser les conflits internes ? En tout cas, la direction de la communication voit, dans la qualification des 15 agents aux jeux Olympiques et Paralympiques, une occasion en or pour souder les troupes. T-shirts à l'effigie de "L'Equipe", site intranet dédié, jeux-concours internes, publicités à la radio et dans la presse, tout est fait pour que les salariés se transforment en parfaits supporters de leurs collègues et, à travers eux, de leur entreprise récemment ouverte à la concurrence. Pour autant, la récupération de ses performances sportives par l'entreprise ne fait pas du champion un salarié privilégié. « On a plaisir à embaucher un sportif de haut niveau, à condition qu'il soit un professionnel de haut niveau », lance Luc Bourmeau, manager de David Maillard chez ECS. D'ailleurs, seul son emploi du temps le distingue de ses collègues.

Intégration compliquée

Malgré les aménagements officiels et les arrangements à l'amiable avec l'employeur (télétravail, RTT...), l'intégration d'un sportif de haut niveau peut prendre des allures de casse-tête chinois. A l'Imagerie médicale de Bezon (95), "l'enfer" a commencé lors de l'inscription d'une des deux manipulatrices sur la liste des sportifs de haut niveau. Cette petite entreprise de 9 salariés doit se plier aux caprices de la Fédération - spécialiste des annulations de stages à la dernière minute -, et à ceux du ministère de la Jeunesse et des Sports qui, chaque année depuis 2002, met un an à s'acquitter de sa moitié de salaire. « On a signé cette convention pour Sandrine parce qu'elle forçait notre admiration et qu'on ne voulait pas lui mettre de bâtons dans les roues, mais son statut de sportive de haut niveau ne nous apporte rien, sinon complications et perte d'argent », regrette Evelyne Duparloir, médecin-radiologue associée.

Bien loin de l'esprit du sponsoring et de son caractère éphémère, l'embauche d'un sportif en pleine activité ne peut se concevoir que sur le long terme, dans une relation de confiance. « Un jour, le sportif adulé redeviendra un salarié lambda. Le passage au temps plein est une étape difficile », rappelle Elisabeth Vaillant. D'où l'importance de ne pas tomber dans le fanatisme et de prouver à l'ex-sportif qu'il est toujours au top niveau dans son travail.

L'essentiel

1 Au moins 550 sportifs de haut niveau mènent de front vie sportive et carrière professionnelle.

2 Fédérations, écoles et syndicats créent des structures spécialisées pour les accompagner dans leur recherche d'emploi.

3 Les entreprises recrutent des sportifs et profitent d'événements comme les JO pour communiquer, en interne, comme en externe, sur les valeurs qu'ils incarnent.

4 Les salariés-sportifs doivent se plier aux mêmes règles que leurs collègues. Mais, pour les plus petites entreprises, l'aménagement de leur temps de travail peut virer au cauchemar.

REPERES

Les grandes entreprises signataires de CIP

EDF, Gaz de France, la SNCF, la RATP, La Poste, France Télécom et Eurodisney ont signé une Convention d'insertion professionnelle avec le ministère de la Jeunesse et des Sports. Ces sept entreprises s'engagent ainsi à embaucher plusieurs sportifs de haut niveau chaque année.