logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

Le capitalisme primitif ne fait pas recette

SANS | publié le : 13.07.2004 |

Faute de régulation sociale, le modèle libéral que s'est choisi la Lituanie n'attire pas les capitaux étrangers.

Avec une croissance de 9 % en 2003, un déficit de 2,6 %, des revenus des privatisations de 263,7 millions d'euros (+ 260 % par rapport à 2002), un secteur privé représentant 80 % du PIB, le taux d'imposition des entreprises le plus bas d'Europe, la Lituanie fait figure de bonne élève de l'Union européenne. Elle fait, aussi, figure de paradis pour les investisseurs.

« La Lituanie dispose d'une main-d'oeuvre qualifiée, bon marché, et moderne », expose le site de l'Agence de développement lituanienne, destiné aux investisseurs étrangers. De fait, le coût du travail est l'un des plus bas d'Europe.

« Un travailleur coûte cinq fois moins cher qu'en France, avec une productivité forte : la main-d'oeuvre offre un bon rapport qualité/prix », commente Jérôme Lesieur, président de la chambre de commerce franco-lituanienne, et directeur du cabinet de conseil juridique Baltinter, installé dans le pays depuis douze ans.

Main-d'oeuvre disponible

En plus d'être bon marché, cette main-d'oeuvre a l'avantage d'être disponible : le taux de chômage est de 13,8 %. Cependant, « les services publics de l'emploi ont progressé, mais sont encore loin d'être efficaces », selon Claude-Emmanuel Triomphe, délégué général de l'Université européenne du travail. La fluidité du marché du travail s'en trouve donc réduite.

Esprit d'entreprise

Mais ce bémol est compensé par les qualités du travailleur lituanien, propres, selon Jérôme Lesieur, à séduire les investisseurs : il dispose d'un sens de la loi issu de l'époque soviétique, « qui rend parfois les gens un peu rigides face aux règlements » ; d'un esprit d'entreprise et du sens du concret, « du fait de ses origines paysannes » ; d'une adaptabilité face à la nouvelle donne économique.

Il est vrai que les salariés lituaniens n'ont pas vraiment d'autre choix. « Ici, il n'y a pas de protection sociale, il faut travailler pour vivre », relate Jérôme Lesieur. En fait, il existe bien une protection sociale, mais elle est réduite à sa portion congrue. Les dépenses que le pays lui consacre le situent en avant-dernière position parmi les dix entrants, selon des statistiques pour l'année 2001, diffusées par Eurostat et par la Commission européenne.

L'importance de l'"économie informelle", estimée à 30 % du PIB, selon l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), réduit encore la portée des prestations sociales. « Certains salariés et employeurs ne déclarent que le salaire minimum légal, les indemnités chômage sont, ensuite, versées en fonction de cette déclaration », explique Claude-Emmanuel Triomphe.

Faible PIB par habitant

Malgré ce contexte favorable à un capitalisme primitif, les investissements étrangers ne s'élèvent qu'à, environ 1 000 euros par habitant, contre 2 000 en Estonie, le pays qui attire le plus de capitaux étrangers, derrière la République tchèque. En conséquence, le PIB par Lituanien est le deuxième plus faible des nouveaux entrants.

Il faut dire que le dialogue social fait cruellement défaut en Lituanie, « faute d'acteurs sociaux, d'après Claude-Emmanuel Triomphe. Ainsi, l'inspection du travail est essentiellement composée d'ingénieurs, mal formés au droit du travail. Leurs pratiques, "policières", consistent plus à « relever des infractions qu'à faire appliquer le droit du travail : en imposant des délais trop courts pour son application, ils incitent les employeurs à payer l'amende plutôt qu'à se mettre en conformité ».

Les syndicats sont, à la fois, « trop nombreux, et divisés entre les nostalgiques de la cogestion et les revendicatifs. Enfin, la mauvaise organisation des syndicats patronaux rend difficile la création de conventions collectives sectorielles et territoriales ; le droit du travail évolue par la loi », relève Claude-Emmanuel Triomphe. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que le nombre de ces conventions soit « insignifiant », de l'aveu même des auteurs du rapport social 2002 du ministère de la Sécurité sociale et du travail : 31 enregistrées, dont 19 invalidées.

LITUANIE

Population : 3,5 millions d'habitants.

Population active : 1,6 million de personnes (% de femmes nc).

PIB par habitant : 8 960 euros.

Salaire minimum brut mensuel : 130 euros.

Salaire moyen brut mensuel : 350 euros.

Coût du travail horaire : 2,71 euros.

Taux de chômage : 13,8 %.