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« Plus que jamais, le manager doit être un leader »

SANS | publié le : 12.07.2004 |

Parce que le management par les objectifs a fait son temps, il faut inventer un nouveau genre de management qui admet une division du travail et donc des rôles des managers, plus que jamais leaders et responsables des valeurs de l'entreprise et des compétences de chacun.

E & C : Vous publiez une étude, réalisée avec Bernard Galambaud, pour Entreprise & Personnel, intitulée Management et managers, vers un changement de doctrine, et vous préparez, actuellement, un ouvrage sur l'évolution du management. Quel sera, selon vous, le management de demain ?

Eric Delavallée : L'évolution du management se joue au niveau de la manière d'exercer le management et non au niveau de la fonction proprement dite, qui, elle, reste la même. Il s'agit, en effet, toujours de transformer le travail de ses collaborateurs en performances, à l'inverse des conditions d'exercice, contingentes à une époque, à une culture, à un type d'entreprises... Sur ce volet, une première évolution est nécessaire. Elle concerne la division du travail du management. Depuis toujours, on considère que les managers jouent le même rôle, autrement dit, que tous font la même chose et qu'en matière de management, la division du travail est impossible. Cette position ne résiste pas longtemps à l'épreuve des faits. Dans l'entreprise, en effet, nous voyons des managers mettre davantage l'accent sur le développement et l'animation. D'autres, au contraire, sur le pilotage et la coordination. Aux uns, les relations humaines, aux autres, les chiffres. Autant d'orientations qui dépendent de la personnalité de l'individu, de ses compétences, du temps dont il dispose, mais aussi du contexte dans lequel il se trouve, comme la culture de l'entreprise, ses caractéristiques organisationnelles... Il faut, aujourd'hui, admettre que la division du travail n'existe pas uniquement dans le domaine de la production. Pour que l'unité, dont le manager a la responsabilité, fonctionne, afin d'obtenir les performances de son équipe, il n'est pas nécessaire qu'il endosse, seul, l'ensemble des rôles. L'important étant qu'ils soient remplis. A l'entreprise de les organiser, de coordonner ce travail ainsi divisé et, enfin, de bien dissocier les rôles de management et le rôle de chaque manager, combinaison spécifique des rôles de management.

E & C : Vous prédisez également la fin du management par les objectifs.

E. D. : Le style de management contractuel aura encore de l'avenir. A une condition : que les termes de l'échange et, en particulier, les contributions continuent à être suffisamment "formalisables" pour pouvoir être contractualisées. On a commencé à parler de management par les objectifs dans les années 1960 pour pallier les insuffisances du management par les règles. Dans ce cadre, on transformait le travail en performances en encadrant tout par des consignes et des modes opératoires. C'était l'organisation qui faisait la performance. Le but consistait à trouver la "bonne" organisation. Le manager n'était là que pour contrôler l'application des règles.

Puis, on a prescrit les résultats en fixant des objectifs. Mais voilà, la contractualisation a des exigences. L'incertitude des environnements et la dématérialisation de la production permettront-elles de continuer à les satisfaire ? Ce n'est pas certain. Il y a, aujourd'hui déjà, des populations pour lesquelles ce n'est pas le cas. Celle des chercheurs, par exemple. Comment formaliser la contribution d'un chercheur ? Peut-on lui fixer des objectifs ? Est-ce même souhaitable ? Compte tenu de la nature de son travail, de l'incertitude sur ce qu'il va potentiellement trouver, cela a-t-il un sens ? Si, demain, les résultats ne sont plus prescriptibles, comment fera- t-on ? Pour ma part, je vois deux types de management alternatifs. Tout d'abord, le management par les valeurs auxquelles les individus devront se conformer. On ne prescrira plus des résultats mais des comportements liés à des normes informelles. Ensuite, le management par les compétences, qui a pour fin la valorisation de ces compétences.

E & C : Comment ces évolutions impactent-elles les compétences du manager ?

E. D. : Plus que jamais, le manager doit être un leader. Aujourd'hui, les managers exercent un pouvoir statutairement alloué. Or, ce pouvoir ne suffit plus. Il doit être complété par un autre, cette fois, personnel. C'est ce qu'on appelle couramment le leadership. Celui-ci comporte quatre caractéristiques. La première concerne le sens et la valeur. Le leader donne un sens (une orientation), mais aussi du sens (une signification). Il répond à la question « où va-t-on ? », mais aussi à la question « pourquoi y va-t-on ? ». Le leader valorise le travail de ses collaborateurs, c'est-à-dire lui donne de la valeur à leurs yeux. La deuxième dimension concerne la compétence des collaborateurs. Le leader leur permet d'apprendre et de progresser. Il rend les situations de travail "apprenantes", accompagne, "coache", fait preuve de pédagogie... La troisième concerne l'appartenance à un groupe. Il s'agit de la capacité à construire un groupe. Enfin, la dernière concerne le plaisir. Le leader n'est pas celui qui donne du plaisir, mais celui qui donne la possibilité d'en prendre à à travers le travail.

SES LECTURES

Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Stefan Zweig, Lgf, poche, 1992.

- Devenez manager - Tout ce qu'il faut savoir avant de devenir directeur, Peter Drucker et Jacques Fontaine, Village Mondial, 2002.

PARCOURS

Eric Delavallée, docteur en sciences de gestion, débute sa carrière, en 1991, à la direction du plan et de la stratégie de Philips, avant d'exercer une activité de conseil en conduite de changement au sein du cabinet CM International.

En 2000, il est maître de conférences à l'IAE de Paris et intègre Entreprise & Personnel. Depuis 2003, il y est directeur de l'activité de conseil et de formation.

Il a publié (éditions d'Organisation) La culture d'entreprise pour manager autrement (2002) et, avec Pierre Morin, Le manager à l'écoute du sociologue (2000), ouvrage couronné du grand prix du livre de management et de stratégie.