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LES DRH S'IMPLIQUENT EN AMONT

SANS | publié le : 12.07.2004 |

Alors que les aspects humains et culturels sont à l'origine de nombre d'échecs de rapprochements d'entreprises, de plus en plus de DRH s'efforcent d'intervenir en amont de ces opérations, pour alimenter la réflexion stratégique, et même réaliser une véritable "due-diligence RH".

En 1998, une étude du cabinet américain de stratégie AT Kearney pointait du doigt les nombreux échecs (plus de la moitié des cas) des fusions-acquisitions, et en analysait les principales causes. Dans 73 % des cas, des facteurs RH expliquaient les difficultés : différences culturelles, défaillance dans la mise en oeuvre du projet d'intégration, démotivation des salariés et nombreuses démissions.

Plus récemment, une enquête, menée en France par le cabinet BPI et HEC, auprès d'une centaine de DRH, montrait que ceux qui faisaient une évaluation globale positive de leur dernier projet de rapprochement avaient, plus que les autres, mené des actions relatives à la coopération entre les équipes de management, au dialogue social, à la communication, à la GRH et à l'intégration des cultures. Ils étaient également plus nombreux à avoir mis en oeuvre ces actions pendant la phase de due-diligence (1), plutôt qu'après. Enfin, ils avaient pris davantage en compte les aspects RH de la société cible (l'effectif, le management, les compétences, la culture, les statuts des personnels, la masse salariale et le positionnement des syndicats), avant même la prise de décision

Les banques d'affaires avant tout

Malgré tout, ce serait à peine 20 % des DRH qui s'impliqueraient en amont dans les processus de fusions-acquisitions (2). « Ce sont avant tout les banques d'affaires qui évaluent les synergies entre les marchés de deux entreprises, et la question des salariés est prise en compte de manière très large, en termes de nombre, de métiers et de compétences globales, affirme Christine Manoury-Bette, directrice au sein du pôle Performance RH du cabinet Eurogroup. Les problèmes sociaux et d'intégration ne sont traités qu'en aval de la décision. »

Gestion des conséquences

La majorité des DRH se "contentent", ainsi, de traiter les conséquences de ces opérations, en termes d'intégration des troupes et d'harmonisation sociale. Un chantier qui, pour peu qu'il s'agisse, comme l'a expérimenté le DRH de Champion (voir p. 18), de négocier un statut pour plus de 30 000 salariés issus de 10 sociétés différentes, peut déjà s'apparenter à un "Everest social".

Néanmoins, alors que la fonction RH n'en finit plus de revendiquer un "rôle stratégique", de plus en plus de DRH s'invitent, à l'image de Valérie Mellul, chez BT Syntegra (voir p. 16), dans les phases amont des fusions-acquisitions. Comme l'observe Hirakli Meliava, directeur chez Orgaconsultants, qui accompagne régulièrement des fusions de banques dans des réseaux bancaires ou mutualistes, « lors des études préalables de faisabilité, il existe toujours une commission RH à part entière. L'exercice est difficile car exceptionnel ; il nécessite que les DRH se mettent en mode projet dès cette étude jusqu'à l'aboutissement de l'opération de fusion ».

Dès le début

Récemment, lors du rachat par Seb de l'entreprise américaine All-Clad, le DRH a fait partie du premier voyage sur place, au même titre que le président et le directeur général. Certains grands groupes, qui ont une habitude des acquisitions, ont même institué, au sein de leur DRH, une équipe permanente destinée à prendre en charge le volet RH de ces opérations. C'est le cas de Danone, dont la structure "new business", associée des études préliminaires jusqu'à la conclusion du deal, intervient, dès la prise de contrôle par le groupe, dans la GRH et l'évolution des organisations de l'entreprise acquise. Ou encore de la branche ciment de Lafarge, dont la "first integration team", rattachée au DRH de la branche, accompagne le responsable de l'intégration lors de chaque nouvelle acquisition.

Prise en compte des impacts RH

Néanmoins, même dans de plus petites entreprises, la prise en compte des impacts RH dès l'amont du projet peut exister, parfois facilitée par le fait qu'un seul et même dirigeant cumule les fonctions financière et RH.

Secrétaire général de Norisko (bureaux de contrôle), qui gère les RH dans l'attente de la nomination d'un DRH groupe, Xavier Gaillard indique : « Même si nous n'avons pas de due-diligence RH formelle, nous analysons le climat social et le mode d'organisation de l'entreprise cible. Si son mode de fonctionnement est trop différent du nôtre, c'est un critère négatif, tandis qu'un climat social trop dégradé est un signal clair de "no go", car c'est le signe avant-coureur de difficultés. »

Quant à Xavier de Saint-Marc, DAF d'Easynet (fournisseur de services Internet), il assure : « Le premier point que l'on vérifie, c'est l'existence de synergies entre nos activités et celles de l'entreprise cible. Ensuite, viennent l'audit financier et l'audit RH. Il s'agit, notamment, d'analyser les différences de convention collective et d'avantages, en raison du coût induit d'harmonisation, ainsi que les différences de pratiques et de culture. »

Cabinets spécialisés

Pour réaliser ce travail, plus ou moins formalisé, de due-diligence RH, les DRH peuvent, entre autres, s'appuyer sur des cabinets spécialisés (à l'instar de BPI, qui a développé une offre baptisée "due-diligence sociale", reposant sur des diagnostics social, organisationnel, culturel et managérial). Mais, les avocats d'affaires ou capital-risqueurs sont, également, de plus en plus nombreux à s'adjoindre les compétences de spécialistes du domaine social.

L'objectif final de cette implication plus en amont est, à la fois, de gagner du temps pour réaliser plus vite la phase d'intégration, de prévenir les principaux risques "humains" (notamment liés aux différences culturelles), et d'aider la direction financière dans l'évaluation du "juste prix" de la société cible (en prenant en compte au mieux, par exemple, les coûts de restructuration et d'harmonisation sociale).

Occasion de progrès

Pour Philippe Capblancq, directeur d'études à Entreprise & Personnel (voir page 19), « une telle opération fournit également une occasion exceptionnelle de capitaliser et de faire progresser les équipes RH ». « Le groupe Carrefour est organisé en business units très autonomes, précise, ainsi, Thierry Raulin, DRH Champion France. En pilotant, avec l'appui du comité de direction, le projet de construction sociale, la fonction RH de Champion a gagné un relief particulier. »

(1) Due-diligence : cet audit d'acquisition vise à faire un état des lieux rapide et certifié d'une société, avant une éventuelle acquisition.

(2) Watson Wyatt global M & A survey, 2003.

L'essentiel

1 D'après plusieurs études, une majorité des échecs des fusions-acquisitions sont imputables à des facteurs RH, notamment de trop grandes différences culturelles.

2 Paradoxalement, une minorité de DRH sont, à l'heure actuelle, impliqués dès l'amont dans le déroulement des opérations de rapprochement d'entreprises. La situation est toutefois en train d'évoluer, avec une prise en compte plus précoce des problématiques humaines de l'intégration.

3 Certains DRH s'invitent, ainsi, dans la phase de due-diligence, pour réaliser un diagnostic RH, social, managérial et culturel complet. Il s'agit de participer à la valorisation (en tenant compte des risques d'ordre social) de l'entreprise cible et de préparer l'étape de l'intégration.

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