Où trouver des compensations à une augmentation générale des salaires fixée à 1,5 % pour 2004 ? Surtout quand la direction ne souhaite pas toucher aux objectifs de progression du chiffre d'affaires, principal critère de l'accord d'intéressement. Tout au plus, la direction a-t-elle accepté de modifier les seuils d'un critère secondaire, pour permettre qu'une trentaine de magasins bénéficient de l'intéressement.

Fort de ce constat, FO, syndicat majoritaire des hypermarchés Carrefour, a signé un accord salarial 2004 permettant au personnel d'améliorer sa fiche de paie... en travaillant six jours supplémentaires. « Nous avons proposé aux salariés qui le souhaitent de travailler et de se voir payer la sixième semaine de congés payés, accordée en 1999. Cela représente une amélioration du pouvoir d'achat équivalant à 2,1 % », explique Jean-Luc Masset, DRH France des hypermarchés Carrefour. Concrètement, c'est en mai dernier que les salariés du groupe ont dû faire un choix entre planifier et prendre cette sixième semaine de congés, travailler et se la voir rétribuer double ou faire en sorte qu'elle alimente un compte épargne temps.

Cette flexibilité, qualifiée de « très bien perçue » par la direction, est, cependant, dénoncée par la CFDT, qui voit là une remise en cause des fondements de la réduction du temps de travail. Pour le syndicat, cette sixième semaine de congés payés est étroitement liée à l'accord 35 heures de 1999. Celui-ci mentionne ainsi : « Six jours ouvrables de repos payés ont été attribués au titre de la réduction du temps de travail. Ces jours seront pris sous la forme d'une sixième semaine de congés. » En effet, en 1999, Carrefour est passé de 36 h 15 à 35 heures. Les salariés à temps plein bénéficiant d'une petite majoration de salaire et les temps partiels d'une augmentation de la base horaire des contrats. Mais il a aussi été négocié l'octroi de divers jours de congés supplémentaires : en fonction de l'ancienneté (1 jour de congé à partir de huit ans d'ancienneté et jusqu'à 5 jours pour les plus anciens), au titre des fractionnements (2 jours) ou du temps d'habillage (1 jour, accordé en 2001), et, enfin, la 6e semaine de congés payés.

Cette interprétation est, toutefois, réfutée tant par la direction que par FO, qui soutiennent que cette sixième semaine a été accordée en plus des 35 heures. A l'occasion de la négociation salariale 2003, déjà, FO avait ainsi avancé l'idée qu'elle puisse être travaillée et payée. La direction n'avait pas embrayé et FO n'avait pas signé l'accord. Le texte comportait, pourtant, un dispositif similaire, permettant aux salariés qui le souhaitaient de travailler et de se faire payer le jour de congé accordé en 2001 au titre du temps d'habillage. Un dispositif alors validé par la CFDT, signataire de l'accord salarial de 2003. « Ce jour de congé supplémentaire ne faisait pas partie de nos revendications syndicales », justifie Serge Corfa, délégué national de la CFDT. Qui reproche au paiement de la 6e semaine de congés payés d'être « inégalitaire, puisqu'il avantage les salariés les mieux rémunérés », et de présenter des risques de dérives, quant au caractère volontaire du dispositif. Pour Michel Enguelz, délégué syndical national FO pour les hypermarchés Carrefour, il s'agit d'un faux procès : « C'est, avant tout, la flexibilité que nous avons recherchée dans cet accord. »

En attendant, les échos restent divergents sur le ressenti du terrain par rapport à cette opportunité d'augmenter sa rémunération de 2,1 %. Il n'y a pas encore de retour officiel sur les choix individuels effectués par les salariés au mois de mai. A noter que les salariés décidant de travailler en lieu et place de cette 6e semaine de congés payés ne seront payés qu'un an après...

Outre la flexibilité sur la sixième semaine de congés payés, l'accord salarial 2004 accorde, pour le personnel usant d'une "Carte Pass", une réduction de 5 % sur les achats dans les magasins du groupe. Une valorisation de 2 points par rapport à l'introduction de cet élément de rémunération globale, négocié en 2003. Cette réduction permettrait d'économiser 250 euros par an, sur un panier moyen.

Désormais, Carrefour accorde une réduction magasin équivalant à celle dont bénéficient les salariés de ses principaux concurrents.