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LA Montee en puissance des CE europeens

SANS | publié le : 15.06.2004 |

Après quelque dix ans d'existence, les comités d'entreprise européens semblent prendre un peu plus d'épaisseur, abandonnant peu à peu leur statut de vitrine sociale pour prendre celui d'acteur social. Même s'ils ne sont toutefois pas encore à la hauteur des ambitions d'origine.

Lors de l'institution des comités d'entreprise européens (CEE), les ambitions étaient grandes de voir ces instances devenir de hauts lieux de concertation et de négociation. Peut-être trop. C'était sans compter, en effet, la période d'apprentissage nécessaire pour poser les bases d'un dialogue social nouveau, puisque d'envergure européenne. Même si le bilan, pour certains observateurs, reste mitigé, tous conviennent que les CEE sont sur la bonne voie. De moins en moins d'entreprises considérant cette instance comme une simple vitrine sociale, ou comme un « vecteur de communication sociale, avance Rachid Brihi, avocat associé du cabinet Grumbach & Associés. A ses débuts, on s'y réunissait une fois par an pour entendre le grand patron faire son discours sur la stratégie de l'entreprise, et tout le monde était content. » Même s'il convient que les CEE ont toujours eu le mérite de créer un intéressant melting-pot des traditions syndicales.

Evolution quantitative

Où en sont-ils aujourd'hui ? Ils évoluent, tant quantitativement que qualitativement. Selon le dernier bilan de l'Institut syndical européen (ISL), 34 % des multinaltionales européennes, sur les 1 398 concernées par la directive de 1994, disposent d'un CEE (1).

Côté organisation, les CEE du troisième millénaire semblent avoir plus d'épaisseur. Evelyne Pichot, consultante et experte auprès de la Commission européenne, en veut pour preuve l'augmentation du nombre des réunions plénières. « Les nouveaux accords en prévoient non plus une seulement. A celle-ci s'ajoutent les comités restreints (2) et les diverses commissions pour aller plus loin dans l'analyse et dans le travail en commun, afin d'émettre des avis qui ne soient plus de pure forme. » Un exemple : Michelin, qui a doublé, en septembre 2002, dans un avenant à son accord fondateur de 1999, le nombre de plénières, et prévu une préréunion et une postréunion de debriefing entre les membres du CEE.

Politiques sociales

Les CEE sont aussi, de plus en plus, mis à contribution dans l'élaboration de politiques sociales européennes d'entreprise. Le groupe Arcelor a, ainsi, organisé, dans le cadre de son CEE, une convention sur la santé et la sécurité, à l'issue de laquelle une série d'actions a été enclenchée. Parmi elles, la création d'une commission permanente, à l'intérieur du CEE, sur la santé et la sécurité et la rédaction d'une charte sur la santé. Chez EADS, par exemple, c'est l'intéressement européen qui a mobilisé les membres du CEE (lire p. 16), et, chez AXA, le dialogue social (p. 17).

Groupes de travail

Le groupe EDF, pour sa part, a prévu, dans son accord de 2001, la constitution de groupes de travail ad hoc, afin d'approfondir les réflexions sur des thèmes précis entre deux séances plénières. « Un groupe s'est mis en place lors de l'élaboration de la démarche éthique du groupe ; il y en a eu d'autres sur l'information des salariés et, récemment, sur la santé et la sécurité, explique Florence Cordier, chef de mission en charge des relations sociales du groupe. Le plus récent, sur les garanties collectives, étudie les différentes politiques sociales du groupe. Enfin, nous avons soumis à la consultation des membres du CEE un référentiel groupe sur la mobilité. Par ailleurs, sous l'impulsion d'une démarche commune CEE- DRH groupe, des négociations au niveau mondial, avec l'ensemble des représentants des salariés des différentes entités du groupe, viennent de s'ouvrir en vue de l'élaboration d'un accord sur la responsabilité sociale d'EDF. »

Crédibiliser le CEE

« De telles initiatives donnent une assise et une audience au CEE, dont les partenaires sociaux de l'entreprise ne peuvent faire l'économie, alors que les salariés s'interrogent sur l'utilité de cet organe », souligne Evelyne Pichot.

Aux entreprises de saisir toute problématique transnationale. Une démarche engagée par Jacques Perrin, DRH de Cerp Lorraine, un groupe de répartition pharmaceutique : « Nous commençons à relever des indicateurs transnationaux, comme la notion d'absentéisme et, pourquoi pas, le risque routier, sur lesquels la direction et les représentants du personnel peuvent être interpellés. Mais encore faut-il identifier un champ «ressources humaines» productif pour l'entreprise. »

Enquête

Il peut l'être sur un registre inattendu. Ainsi, Michelin a-t-il lancé, l'année dernière, au sein de son CEE, une enquête sur la flexibilité. « Nous avons distribué à quelque 500 salariés de différents sites européens, tournant tous 7 jours sur 7, un questionnaire élaboré par un consultant et sept membres du CEE, détaille Christian Tschann, président du CEE et directeur de la zone Europe du groupe Michelin. Il en est ressorti que la flexibilité est perçue comme une contrainte, mais aussi comme une opportunité. Cette enquête aurait très bien pu être menée par la direction seule, mais sans obtenir la même crédibilité et, peut-être, le même degré d'intérêt. Elle a aussi permis de partager, avec les représentants du personnel, toutes les facettes et vérités d'un sujet aussi délicat. »

Le dynamisme des CEE repose, évidemment, sur la volonté de ses différents partenaires. Peut-être qu'une directive révisée, plus exigeante, créera les conditions pour une généralisation de ce type de pratiques ?

(1) Comités d'entreprises européens, faits et chiffres, de Peter Kerckhofs, Institut syndical européen, 2003.

(2) Selon l'ISL, 62 % des accords prévoient un comité restreint.

L'essentiel

1 Passé la nécessaire période d'apprentissage, les CEE évoluent et se donnent, peu à peu, les moyens de construire un dialogue social européen.

2 Pour parer aux imprécisions du rôle du CEE dans le cadre de restructurations, certaines entreprises, via leur accord, tranchent en donnant davantage de prérogatives à leur instance européenne. Les jurisprudences n'y sont pas étrangères.

3 Sans pour autant être un lieu de production contractuelle, le CEE débat des politiques sociales du groupe et parvient à l'élaboration d'un cadre de cohérence.