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Un accord d'entreprise sur le stress

SANS | publié le : 01.06.2004 |

Depuis octobre dernier, l'opérateur en télécommunications s'est doté d'un cadre contractuel régissant la prévention et le traitement du stress de ses salariés.

Le stress peut être un sujet de négociation collective d'entreprise. Le groupe SFR-Cegetel, 9 500 salariés, l'a démontré, le 1er octobre 2003, en intégrant cette problématique dans le cadre d'un vaste accord sur « les conditions de vie professionnelle », signé par la CFDT, la CFTC et FO. Gérard Taponat, directeur du droit social et des relations paritaires, n'en est d'ailleurs pas peu fier et admet qu'il faut « un peu de culot » pour faire arriver la santé mentale à la table des négociations.

Bien-être

« Cet accord est une des illustrations d'un raisonnement entamé lors de l'accord relatif à l'emploi de salariés handicapés, signé il y a deux ans. Dans tous les cas, il est question de bien-être au travail, mais aussi de fragilités. » Si le stress est un sujet délicat, la DRH a voulu dépassionner le débat pour ne pas en faire un enjeu politique de lutte sociale et syndicale. « En préambule, nous avons fait le choix de démédicaliser le sujet - le stress n'est pas l'affaire des seuls médecins du travail et sort donc du cadre strict du secret médical -, de le désyndicaliser et de le "détechniciser". En clair, il n'appartient pas à un groupe plus qu'à un autre », insiste Gérard Taponat, qui a choisi, avant l'entrée en scène des syndicats, de mettre à contribution différents acteurs de l'entreprise.

Deux "journées médico-sociales" ont été, ainsi, organisées, afin que RRH, médecins du travail, infirmières et assistantes sociales mettent au point une approche maison du stress. Aux représentants syndicaux et aux 11 CHSCT, également consultés, de donner leur avis. D'abord sur la définition. « Une seule rencontre a suffi pour s'entendre », précise Gérard Taponat. En substance, il est dit que le stress est lié à une exigence d'adaptation individuelle à l'environnement, ce qui revient à admettre l'individu dans son ensemble, en appréhendant facteurs internes et facteurs externes. Sur ce point, la CGT, non signataire de l'accord, a tiqué. Selon son délégué central, Thierry Chesa, « cela revient à admettre que le stress a d'autres origines que le milieu professionnel, ce qui est un peu facile ».

Niveau de tolérance

La définition énonce, également, qu'il peut constituer un risque, dès lors que les sollicitations faites à l'individu dépassent son niveau habituel de tolérance. Principale source considérée : un changement dans ses habitudes professionnelles. « Il est donc de la responsabilité de l'entreprise d'être attentive, certes, à la charge de travail et à la durée du travail, mais aussi aux répercussions des réorganisations de l'activité de notre entreprise. Réorganisations inévitables lorsque l'on appartient à un secteur technologique. » Comment ? En accompagnant le changement. « Désormais, tout projet de réorganisation, ainsi que l'ensemble de ses étapes font l'objet d'une communication auprès des CHSCT et des salariés, afin que ces derniers ne soient pas pris au dépourvu et qu'ils puissent identifier leur place dans la nouvelle organisation ou tech- nologie. Si cela ne suffit pas, le collaborateur peut se tourner vers son supérieur hiérarchique pour bénéficier d'un suivi particulier », explique Gérard Taponat.

Droit de se plaindre

L'accord annonce clairement que tout salarié a le droit de se plaindre de stress et de facteurs stresseurs. Il est, d'ailleurs, prévu qu'il puisse également le faire lors de l'entretien annuel d'évaluation. Les managers peuvent, en toute connaissance de cause, et après avoir été formés, adapter les conditions de travail ou proposer à l'intéressé les formations adéquates pour mieux gérer son stress. « On admet donc que ces réorganisations sont normales et que les salariés n'ont qu'à faire avec, regrette Thierry Chesa, qui aurait aussi préféré que les managers ne soient pas les seuls interlocuteurs. J'estime que la remontée d'informations devrait être du ressort du délégué du personnel. »

Autres dispositions : la formation aux techniques de relaxation, animée par des équipes médicales. Evidemment, l'inscription à ces modules, se déroulant sur le temps personnel, se fait sur la base du volontariat. Néanmoins, lors de la visite médicale annuelle, le médecin du travail peut conseiller aux salariés d'y participer.

Reste à évaluer l'efficacité de ces mesures. Les partenaires sociaux signataires ont convenu d'une commission de veille, tous les six mois.

Des entreprises ont ouvert le dossier stress

Syngenta agro France

Cette filiale française d'un groupe mondial de produits agricoles compte 430 salariés et a connu plusieurs réorganisations et un passage aux 35 heures ces dernières années. « Le contexte devenant aussi de plus en plus compétitif, les équipes se posaient des questions », complète Pierre Laveau, responsable hygiène, sécurité environnement, qualité (HSEQ). L'analyse du stress s'est intégrée, dans un plus vaste "Plan bien-être au travail". « Si un médecin du travail attire l'attention sur un niveau de stress, la direction et les syndicats peuvent, ensuite, interpréter la situation différemment, poursuit Pierre Laveau. Nous avons donc voulu qu'une mesure indiscutable et reproductible soit le pilier de l'action. » Les sociétés Stimulus, spécialisée sur le sujet, et Capital-Santé, pour la gestion sur Internet des questionnaires, ont travaillé avec l'entreprise sur une enquête, dont les résultats seront connus à la mi-juin, et analysés avec le CHSCT. D'ores et déjà, la direction a prévu un catalogue de mesures, associant une approche individuelle (assistance psychologique avec Psya - partenaire de Stimulus et Capital-Santé -, coaching, aides à l'arrêt du tabac, services aux salariés). Mais elle travaillera aussi sur l'organisation, en sollicitant la participation des salariés, avec une réflexion sur l'efficacité des process et la suppression des tâches inutiles, pour « dégager du temps pour les collaborateurs ».

Business Objects France

« Nous avons été alertés par le CHSCT et les médecins du travail sur le niveau de stress au sein de la société, pas toujours bien supporté par les employés. Afin d'évaluer ce niveau de stress, nous avons pris un échantillon supportant un niveau élevé de pression/stress, tout particulièrement en fin de trimestre », indique Stéphane Massas, DRH Europe. Stimulus, appelé en renfort, a conduit des entretiens qualitatifs auprès des salariés de cet échantillon, à la fois sur leur niveau de stress et sur les stresseurs présents dans leur environnement. Un travail a été entamé avec les managers sur la prise en compte du stress. Une réflexion est en cours sur l'extension du dispositif à toute l'entreprise.

Michelin

Le groupe de pneumatiques veut une "organisation responsabilisante". « Nous développons cette notion depuis dix ans, dans le cadre de l'amélioration de la vie au travail », indique Christian Delhaye, directeur du service du personnel France. Postulat : plus le degré d'autonomie est faible, plus les risques de stress augmentent. Michelin travaille donc sur la polyvalence des opérateurs autour des lignes de production, qui s'organisent un peu comme des équipes projets. Des formations techniques et comportementales sont nécessaires à cette forme évoluée d'unité élémentaire de travail. Mais, en plus, depuis 1998, l'entreprise a lancé une évaluation ergonomique des postes, qui passe en revue le niveau de charge physique, mais aussi nerveuse et émotionnelle, ainsi que l'autonomie de chacun d'entre eux ; 60 % des postes ont été évalués aujourd'hui. Par ailleurs, une formation à la détection du stress est en cours pour les managers.