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La Territoriale s'empare des méthodes du privé

SANS | publié le : 01.06.2004 |

Pour faire face à la pénurie de compétences et répondre à l'émergence de nouveaux métiers, les collectivités territoriales n'hésitent pas à s'inspirer des techniques de recrutement des grandes entreprises du privé.

Le premier Salon de l'emploi public, qui ouvre ses portes aujourd'hui, à Paris, fera une large place à la fonction publique territoriale (FPT) et à ses 280 métiers. Pour les 10 000 visiteurs attendus (fonctionnaires, étudiants, demandeurs d'emploi, mais aussi salariés du privé), ce sera peut-être l'occasion de tisser des liens privilégiés avec un employeur de taille dans le paysage du recrutement français. Fin 2003, la Territoriale annonçait 27 500 embauches sur le premier semestre 2004. Une source d'emploi qui n'est pas près de se tarir. Selon les prévisions, le nombre de départs en retraite « devrait progresser de manière continue jusqu'en 2017 », passant de 15 000 en 2002 à 33 000 en 2010.

Tapis rouge

Pour Nicole Raoult, consultante RH chez Maturescence : « Ces départs massifs sont une aubaine extraordinaire de renouvellement. » Ainsi, la pénurie de personnel soignant et socio-éducatif est-elle déjà l'occasion de mettre en place de nouvelles pratiques de recrutement. Pour attirer les candidats et lutter contre la concurrence des autres collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière, des associations et du privé, le département de la Moselle, par exemple, déroule le tapis rouge aux élèves d'une trentaine d'établissements d'enseignement supérieur du Grand Est. S'ils s'engagent à servir ce département à l'issue de leurs études, les étudiants en puériculture et les apprentis assistants sociaux ont la possibilité de décrocher une bourse d'études de 948,62 euros net par mois. Aux stagiaires en environnement et en génie civil de niveau bac +5, le conseil général propose une rémunération de 945 euros net par mois. Objectif avoué de Nicolas Thill, responsable du service formation et GPEC du conseil général de Moselle : « Positionner l'image employeur du conseil général au même niveau que celle du privé. »

Sur le terrain de la communication

C'est, désormais, sur le terrain de la communication que s'opère la bataille entre le privé et le public. Pour obtenir davantage de candidatures au poste de gestionnaire des RH, Sonia Pavic, chef du service effectifs de la ville d'Aix-en-Provence, s'est inspirée du contenu des annonces émanant du privé, de manière « à valoriser l'image du service et à susciter une identification personnelle de chaque candidat au rôle professionnel attendu ». Résultat : 40 réponses, contre 15 l'année précédente avec une annonce classique. Pour une frange croissante des DRH, le secteur public n'a, d'ores et déjà, plus rien à envier au privé. « En termes de recrutement, de formation et de management, les problématiques sont similaires. Seul l'environnement diffère », ose Cécile Prévost, DRH du conseil général du Cher. Un petit tour sur les sites Internet d'emploi suffit à confirmer la tendance.

Des valeurs attirantes

Parmi les missions du "responsable du pôle recrutement, formation, communication interne" que recrute, actuellement, la ville de Neuilly-sur-Seine, figurent, ainsi, « la recherche des candidats par Internet », « la création d'un partenariat externe avec les grandes écoles », « l'évaluation des candidats à l'aide de tests »... Au conseil général de la Moselle, on commence, d'ailleurs, à voir des retombées positives au plan de GPEEC entamé en 1995 : « Le privé découvre qu'il y a un métier derrière le mot fonctionnaire. Il voit le conseil général de Moselle comme un concurrent, surtout chez les personnes de plus de 35 ans, qui se sentent pressurées dans le monde des entreprises et qui ne partagent plus les mêmes valeurs sur le plan idéologique », analyse Brigitte Ruyer, la DRH. Ajoutons que la FPT a aussi la cote auprès des 15-30 ans. Parmi les 75 % de jeunes qui aimeraient travailler dans la fonction publique, 31 % ont une préférence pour les collectivités locales ; 27 % pour un employeur ministériel ; et 23 % pour l'hôpital*.

Autre phénomène qui rapproche les deux mondes : l'émergence de métiers communs. « Alors que l'effectif territorial a baissé de 1 % en 2003, on observe un renforcement de l'encadrement, analyse Philippe Mouton, responsable de la prospective et de l'offre de formation au CNFPT (centre de formation de la FPT). Globalement, l'ensemble des métiers territoriaux sont tirés vers davantage de transversalité et d'ouverture. Le dispositif des emplois jeunes a généré des fonctions d'accueil, de proximité, de médiation. L'évolution des modes de gestion et la généralisation de la démarche qualité ont créé la fonction de contrôle, autour de métiers tels que responsable qualité des laboratoires ou contrôleur de la restauration collective. Enfin, les activités s'articulent de plus en plus autour de projets. En témoigne la multiplication des chargés de mission qui font l'interface entre les différents partenaires, publics ou privés. »

Créer une mission

« Ce développement, inimaginable il y a dix ans, pose des questions sur l'hypothèse de créer une mission plutôt que de dédier tout un service », souligne Daniel Barbu, chargé de mission RH au conseil général du Val-d'Oise. Et ouvre le débat sur le mode de recrutement des agents territoriaux : statutaires ou contractuels ? Certains DRH n'ont pas d'autre choix que de puiser dans le vivier des contractuels. « C'est le moyen approprié de recruter des ingénieurs paysagistes lorsque les candidats titulaires font défaut », lance Sonia Pavic. « Ou des ingénieurs acousticiens pour notre politique de l'environnement », renchérit Daniel Barbu. Malgré tout, le recours aux contractuels reste l'exception, et concours, statuts, cadres d'emploi et régimes indemnitaires restent les maîtres mots dans la FPT.

Fidélisation

Pour compenser la lourdeur d'un système perçu comme un frein à la promotion interne, de nombreux DRH travaillent sur la fidélisation du personnel : pépinière de cadres au conseil général de la Moselle, charte de mobilité interne à la mairie d'Aix, prime d'intéressement à Troyes (voir Entreprise & Carrières n° 718)... Le privé n'a qu'à bien se tenir. La mutation de l'emploi territorial ne fait que commencer.

* Résultats du sondage Ipsos, La gazette des communes, Le Monde, présentés au Salon de l'emploi public.

L'essentiel

1 La pénurie de personnel médico-social, notamment, qui frappe les collectivités territoriales, pousse les DRH à imaginer des dispositifs défiant la concurrence du privé, du monde associatif et des autres fonctions publiques.

2 De plus en plus de DRH s'inspirent des méthodes de recrutement du secteur privé et jugent l'approche efficace.

3 Les nouveaux besoins créés par l'intercommunalité et la qualité de service exigée par les concitoyens donnent naissance à des métiers similaires à ceux du privé et forcent les DRH à recruter des contractuels.

Le statut de la fonction publique territoriale

Législation : la création de la fonction publique territoriale résulte des lois de décentralisation de 1982. Son statut est régi par la loi de n° 84-53 du 26 janvier 1984, laquelle constitue le titre 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, qui unifie le statut des trois fonctions publiques - Etat, territoriale, hospitalière. La loi de 1984 n'en comporte pas moins de nombreuses spécificités qui se traduisent par l'existence de 57 "cadres d'emplois", 8 filières (administrative, technique, culturelle, sportive, sanitaire et sociale, animation, police municipale, sapeurs-pompiers) et par l'intervention d'institutions spécialisées, telles le CNFPT et les centres de gestion.

Effectifs : au 31 décembre 2001, la fonction publique territoriale compte 1 551 000 agents, dont 1 065 400 fonctionnaires, 338 400 non-fonctionnaires et 147 000 emplois aidés. Les fonctionnaires territoriaux représentent, aujourd'hui, 8 % de la population active et 30 % de la fonction publique, ce qui situe la FPT au rang de second employeur public, après la FPE et devant la FPH.

Répartition : les agents territoriaux oeuvrent au sein de 26 conseils régionaux, 100 conseils généraux, et 36 773 communes, ainsi que dans les offices publics d'HLM et dans les 2 461 EPCI (Etablissements publics de coopération intercommunale) créés par la loi du 19 juillet 1999.

Conditions d'accès : la principale voie de recrutement reste le concours. Il est ouvert aux personnes de nationalité française. Les ressortissants des 25 pays membres de l'Union européenne ont accès aux concours organisés par le CNFPT, sauf celui de chef de police munici- pale.

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