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Handicapés et Maghrébins, les premières victimes

SANS | publié le : 01.06.2004 |

Une opération de testing, réalisée par Adia et l'université Paris-1, via l'envoi de quelque 1 800 CV de sept candidats types, révèle à quel point les personnes handicapées et les personnes originaires du Maghreb subissent les discriminations à l'embauche.

Alors que le Premier ministre a confié, le 29 mai dernier, à Claude Bébéar, fondateur d'Axa, le pilotage d'une mission sur "l'égalité des chances" dans l'entreprise, dont les résultats devront être rendus publics en octobre prochain, une opération de testing, rendue publique la semaine dernière, est justement venue chiffrer et, finalement, prouver les discriminations à l'embauche. Cette opération de testing (c'est-à-dire l'envoi, en réponse à la même offre d'emploi, de sept CV qui ne diffèrent que par une caractéristique discriminante), a été menée par l'Observatoire des discriminations de l'université Paris-1 - créé par le professeur de gestion Jean-François Amadieu (1) -, et financée par Adia.

Opération de testing sur 258 offres d'emploi

Entre le 13 avril et le 14 mai derniers, l'équipe du professeur Jean-François Amadieu a répondu à 258 offres d'emploi (des postes de commerciaux : chargés de clientèle, commerciaux, technico-commerciaux de niveau BTS) en envoyant 1 806 CV contenant des informations plus ou moins discriminantes.

Sept variables ont été utilisées : le genre (homme-femme), l'origine ethnique (Maghreb-France) ; le lieu de résidence ; visage beau-disgracieux ; l'âge ; le handicap au travers d'une mention Cotorep. Sept profils types de CV en ont été déduits et envoyés à chaque fois (voir graphique ci-contre).

Bilan : les discriminations à l'embauche ont la vie très dure. Les variables handicap et origine ethnique impliquent les plus forts rejets, mais, par ailleurs, le critère d'âge est plus handicapant encore qu'une "apparence disgracieuse" ou que le fait d'habiter dans un "mauvais quartier".

Ampleur insoupçonnée

Commentaires du professeur Jean-François Amadieu : « La discrimination dont est victime notre candidat handicapé est d'une ampleur insoupçonnée. Il reçoit quinze fois moins de réponses positives que le profil de référence. La mention de son handicap - dont la nature n'est pas connue - ne suscite pas d'intérêt malgré le dispositif légal. De même, la discrimination à l'égard des personnes d'origine maghrébine - et ayant des nom et prénom maghrébins - n'est pas, non plus, une découverte. Elle est, cependant, considérable dans notre enquête. »

« Notre candidat de 50 ans est très nettement discriminé. Ce résultat n'est pas une surprise tant les données statistiques et les sondages d'opinion attirent l'attention sur le phénomène. Parallèlement, notre CV comportant une photo d'un candidat disgracieux a reçu un nombre très significativement moins élevé de réponses positives. Cela confirme l'impact de la photo sur un CV. La discrimination dont est victime une personne au visage disgracieux n'est, toutefois, pas limitée au traitement de son CV. En effet, contrairement à d'autres cas de discrimination - origine ethnique, lieu d'habitation... -, ici, l'entretien constitue une épreuve déterminante. L'apparence réelle du candidat pouvait, aux yeux des recruteurs, être différente de celle émanant de la photo - peut-être peu fidèle. La discrimination globale en raison de l'apparence physique est donc, certainement, beaucoup plus élevée. »

« L'ampleur de la discrimination provoquée par la simple mention du lieu de résidence est importante. En revanche, compte tenu de la nature des emplois auxquels nous avons répondu, on note une discrimination limitée concernant la candidate femme. Pour des emplois plus qualifiés, celle-ci aurait peut-être été plus importante. Et nous ne savons pas si la rémunération proposée aurait été similaire en cas d'embauche. »

Stratégies d'évitement

Les organisateurs de cette opération ont complété le testing par un appel téléphonique des deux candidats les plus discriminés (candidats maghrébin et handicapé). Dans de nombreux cas, la demande d'information n'a pas débouché, faute d'interlocuteur. Dans les autres cas, faux-fuyants, mensonges et stratégies d'évitement habituelles ont été servis aux candidats.

Les résultats de la mission Bébéar seront à regarder avec intérêt, tant l'obstacle à l'embauche et à l'autonomie financière entraîne toutes sortes d'autres discriminations (logement, loisirs...).

(1) < http://cergors. univ-paris1.fr/observatoiredes discriminationsfd.htm >

Les sept profils types du testing

Homme, nom et prénom français, réside à Paris, blanc de peau, apparence standard. On peut parler de "CV de référence".

Femme, nom et prénom français, réside en région parisienne, blanche de peau, apparence standard.

Homme, nom et prénom maghrébin (Maroc), réside à Paris, apparence standard.

Homme, nom et prénom français, réside au Val Fourré, à Mantes-la-Jolie, blanc de peau, apparence standard.

Homme, nom et prénom français, réside à Paris, blanc de peau, visage disgracieux.

Homme, nom et prénom français, réside à Paris, blanc de peau et apparence standard, 50 ans.

Homme, nom et prénom français, réside en région parisienne, blanc de peau, apparence standard, handicapé.

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