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Les cadres, une catégorie en pleine évolution

SANS | publié le : 25.05.2004 |

La CFDT cadres a présenté, le 17 mai, les résultats d'une vaste enquête sur la fonction cadre, menée avec une équipe de sociologues du CNRS. Elle vise à analyser les évolutions de cette population, et pose la question de l'ancrage social de cette catégorie de salariés.

Quelque 30 000 questionnaires distribués dans près de 200 établissements de 68 entreprises ou administrations ; 6 500 questionnaires exploités. La CFDT a mené, de février à juin 2002, une enquête d'envergure pour dresser le panorama de la fonction cadre en ce début de siècle. François Fayol, secrétaire général de la CFDT cadres, a rappelé que l'objectif était de « confronter les hypothèses avec celles d'une vingtaine de chercheurs avec qui la centrale collabore au sein de l'Observatoire des cadres, dans le but de renouveler l'analyse du monde des cadres ». Anousheh Karvar, secrétaire générale adjointe de la CFDT cadres, chercheuse au CNRS et codirectrice de l'ouvrage, a rappelé que « l'image du col blanc de la production penché sur le travail des ouvriers qu'il encadre a vécu ».

Aujourd'hui, les cadres forment une population hétérogène qui recouvre des réalités très différentes. Passé l'implication au travail, qui les conduit à travailler largement plus que les 35 heures légales, passé la gratification symbolique de la fonction et la relative autonomie qui lui est associée, l'unité du statut semble se déliter en une multitude de situations particulières.

Montée des experts

La montée en nombre des experts, liée, notamment, à l'externalisation vers les cabinets de conseil de certaines fonctions, mais aussi à l'introduction massive des NTIC, tend même à promouvoir l'image d'un cadre qui n'encadre personne et qui passe les trois quarts de son temps dans d'interminables conciliabules avec... son ordinateur !

Comme le souligne Anousheh Karvar, la notion de cadre s'éloigne de son prototype : l'ingénieur intégré dans un système productif. De plus en plus de cadres travaillent en solitaires ou cherchent même à fuir l'entreprise en s'installant à leur compte. Ce qui pose la question de savoir si l'encadrement est véritablement une catégorie sociale ou s'il ne s'agit pas, plutôt, d'une catégorie subjective. Quel est l'ancrage social d'une population de plus en plus solitaire ? Le pouvoir des cadres semble moins reposer, aujourd'hui, sur la technique et son organisation in situ que sur un rôle de mise en convergence des compétences ou des expertises, c'est-à-dire, en partie, un travail sur l'information qui implique une forte dimension virtuelle.

Méritocratie scolaire

Autres constats de l'étude : la promotion au mérite des personnes issues de la base, les cadres "maison", cède le pas à la "méritocratie scolaire". Le capital scolaire devient alors déterminant, le point d'entrée dans l'organisation conditionnant plus étroitement qu'autrefois la carrière ultérieure. Ou encore, la description du fossé grandissant entre les cadres dirigeants et ceux de production, de moins en moins souvent associés aux sphères de décision.

La conjonction de ces deux constats amène Anousheh Karvar a expliquer que les cadres "promus" semblent, en fait, être « une catégorie tampon de plus en plus éloignée des cercles du pouvoir, surtout, d'ailleurs, quand il s'agit de cadres femmes ». Selon Jacqueline Laufer, professeur au groupe HEC, et Sophie Pochic, chargée de recherche au CNRS, « les progrès de la féminisation constituent l'un des traits les plus caractéristiques de l'évolution de la catégorie, notamment chez les cadres administratifs et commerciaux ». Cependant, « cette féminisation croissante n'a pas modifié les inégalités structurelles qui caractérisent l'emploi des femmes dans cette catégorie ». Ce qui conduit les auteurs à s'interroger sur les limites de l'effet diplôme pour établir l'égalité entre les cadres masculins et féminins.

"Droit d'opposition"

Notons aussi l'émergence d'une préoccupation éthique des cadres, liée, selon Christelle Didier, enseignante et chercheuse au CNRS, à une montée en puissance d'un sentiment de malaise des cadres, coincés « entre la loyauté à l'entreprise, s'exprimant dans l'obéissance à leur hiérarchie, et le respect des intérêts de santé, de sécurité, voire de dignité d'autres parties prenantes : collègues, subordonnés, fournisseurs, riverains... » ; 72 % des cadres interrogés dans le cadre de l'enquête se déclarent favorables à la reconnaissance d'un "droit d'opposition" qui les autoriserait à contrer une consigne jugée injuste ou dangereuse.

Règles du jeu

Bref, une cartographie multiforme que la CFDT entend exploiter dans le sens d'une contractualisation de la relation des cadres avec leurs employeurs, en l'appuyant sur des droits individuels inscrits dans des garanties collectives. Il semble, en effet, que ceux-ci soient dans l'attente de "règles du jeu" façonnant la coexistence d'intérêts divers. Ce que Guy Groux, directeur de recherche au CNRS, appelle « les nouveaux enjeux du syndicalisme ».