logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

COMMENT FONT NOS VOISINS EUROPÉENS ?

SANS | publié le : 25.05.2004 |

Malgré des législations nationales différentes, le licenciement collectif pour motif économique est encadré dans les pays européens. Procédures d'information, appui des pouvoirs publics, accord entre partenaires sociaux... Autant de mesures qui protègent les salariés victimes de réductions d'effectifs. Tour d'Europe des pratiques.

Le malaise français est bien là : la décision de prolonger la suspension de la loi de modernisation sociale (LMS) est d'abord un sérieux échec des partenaires sociaux à s'entendre. Réunis depuis janvier 2003, ils avaient pourtant jusqu'au 3 juillet prochain pour réécrire la LMS du gouvernement Jospin. Un an et demi pour trouver de nouvelles règles juridiques applicables en cas de licenciement collectif. Faute de quoi, la loi votée sous les socialistes s'appliquerait. François Fillon, alors ministre des Affaires sociales, avait, en effet, suspendu onze articles de la LMS relatifs au licenciement économique (médiateur, études d'impact, droit d'opposition du CE, non-concomitance des procédures livre IV et livre III, pouvoir accru de l'Administration...). Mais rien à faire, les partenaires sociaux sont à la peine.

Concessions

Certes, quelques avancées ont été réalisées : la définition du licenciement économique fait, désormais, référence à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et non au fait de la "préserver". Le Medef a également reculé, en retirant son projet qui permettait à l'entreprise de négocier directement avec les salariés des départs volontaires en s'exonérant de tout plan social. Mais, malgré ces quelques concessions, les divergences restent les mêmes : « On a le sentiment que le patronat rentre dans la négociation mais ne lâche pas grand-chose, indique Gabrielle Simon (CFTC). La CFE-CGC a prévenu, quant à elle, que son organisation ne signerait pas d'accord si son caractère normatif (s'imposant aux branches et aux entreprises) n'était pas spécifié.

Le droit sur le licenciement économique reste donc en chantier en France. Les partenaires sociaux peuvent-ils s'inspirer des exemples européens ? De fait, les licenciements collectifs n'épargnent pas nos voisins. Aux Pays-Bas, la banque ABN-Amro a subi de plein fouet la crise économique. En Finlande, l'opérateur de téléphone Elisa a supprimé près de 900 postes. En Italie, après les licenciements chez Fiat, les craintes pèsent sur la compagnie aérienne Alitalia... En Allemagne, ce sont plus de 14 000 emplois qui ont été détruits au dernier trimestre 2003, soit le record en nombre de postes perdus en Europe, tandis qu'en Pologne, le chômage atteint, aujourd'hui, 20,6 %.

Protection des salariés

Point commun : les salariés européens restent, plus ou moins, protégés. Pas de cost-killer en Europe, et même la très libérale Grande-Bretagne a adopté des principes protecteurs. Mais là, tout se joue au sein de l'entreprise, selon le bon vouloir des employeurs et la puissance des syndicats.

Réduire les effets négatifs

Ailleurs, les restructurations sont accompagnées de mesures sociales visant à réduire leurs effets négatifs et à favoriser le passage des salariés à un autre emploi. C'est le modèle "continental", selon Monique Tessier, consultante chez Bernard Brunhes Consultants (1), « caractérisé par la consultation, l'élaboration d'un plan social et le respect d'un certain formalisme ». Même la Pologne semble gagnée par cette tendance, sous l'impulsion des entreprises étrangères. Tous les pays se conforment à la directive européenne de Vilvorde, suite à la fermeture de Renault en Belgique, en 1997, qui oblige les groupes à mettre en place une procédure d'information-consultation auprès des salariés.

Mais, à la différence de la France, la plupart des pays européens font confiance aux partenaires sociaux pour conclure un accord. En Allemagne, en Espagne et en Italie, la loi oblige les acteurs à aboutir à un accord.

Discussions en amont

En Belgique et en Suède, l'accord n'est pas nécessaire, mais, dans la pratique, l'entreprise accorde plus de latitude aux partenaires sociaux. « Avant même la procédure de consultation, l'entreprise est tenue d'informer l'Office régional pour l'emploi (AMS), souvent six mois à l'avance, en donnant une estimation du nombre de personnes concernées, indique Monique Tessier. On assiste alors à une anticipation concertée avec toutes les parties prenantes, employeurs, syndicats, collectivités locales, AMS, et ce, bien avant le début de la négociation formelle. » Cela, afin d'éviter les blocages si fréquents dans l'Hexagone. Car, dans la plupart des cas, les accords s'imposent aux juges.

Autre divergence : en France, la priorité est donnée à la reconversion professionnelle, avec la mise en place d'antennes emploi, et le congé de reclassement dans les groupes de plus de 1 000 salariés; en Grande-Bretagne, en Belgique et en Suède, il n'existe aucune obligation légale de ce type et la plupart de ces pays font la part belle aux indemnités de départ : si, pour vingt ans d'ancienneté, un salarié français part avec un minimum légal de quatre mois de salaire, en Espagne, il aura droit à quatorze mois, et, en Allemagne, à dix-huit mois.

L'Observatoire européen du changement, dépendant de la Fondation de Dublin, a tenté de clarifier ces pratiques. Après avoir lancé, en 2003, des synthèses trimestrielles sur les restructurations par secteurs et par pays, il cherche à mettre en place un outil de suivi pour analyser l'ensemble de ces plans de licenciement.

Séminaires

De leur côté, les partenaires sociaux européens (Unice, CES, Ceep et fédérations d'employeurs) ont lancé, l'an passé, une série de séminaires sur le sujet, à travers des études de cas. « Aucun modèle n'est transposable en France, avertit Jacques Terrenoire, consultant, ex-directeur de l'Observatoire du changement (de 2002 à mars 2004). Mais les pratiques intéressantes se situent dans les groupes disposant d'un comité de groupe européen et dans lesquels le dialogue social prévaut. »

Quelles conclusions tirer de ce tour d'Europe ? Hormis en France, l'Etat se contente d'un rôle d'arbitre et n'a que très rarement recours à la loi. L'objectif des pouvoirs publics, des entreprises et des syndicats étant de discuter et de trouver des solutions le plus en amont possible. Reste à savoir, aujourd'hui, si la France se ralliera à ce modèle, ou conservera sa belle exception. Un nouveau casse-tête pour Jean-Louis Borloo, qui ne pourra compter que sur lui-même.

(1) L'un des auteurs de l'étude sur Les conditions du licenciement collectif pour motif économique, 2002.

L'essentiel

1 Onze articles de la loi de modernisation sociale sont à nouveau suspendus, les partenaires sociaux français n'ayant pu trouver un accord.

2 Les licenciements collectifs n'épargnent pas nos voisins européens. Malgré des législations nationales différentes, les salariés licenciés bénéficient d'une protection. C'est le modèle "continental", caractérisé par la consultation, l'élaboration du plan social et le respect d'un certain formalisme.

3 Contrairement à la France, la plupart des pays donnent plus de latitude aux partenaires sociaux. En Allemagne, en Espagne et en Italie, la loi oblige les acteurs à aboutir à un accord.

Articles les plus lus