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LE BOOM ANNONCÉ DE L'OUTSOURCING

SANS | publié le : 11.05.2004 |

Encore émergent en France, le marché de l'externalisation des ressources humaines semble promis à un avenir radieux. Après avoir "outsourcé" leur paie, les entreprises hexagonales s'interrogent actuellement sur l'externalisation de la formation, du recrutement et de la gestion des compétences. Etat des lieux.

Un signe qui ne trompe pas. Le 30 décembre dernier, IBM et EADS ITS - une société dédiée à la gestion de la paie, que le groupe EADS a filialisée en avril 2002 - se sont associés pour donner naissance à HR Technologies & Management, nouvelle entité détenue à 51 % par le géant de l'informatique. Pour ces deux poids lourds, la cible est clairement identifiée : le marché prometteur de l'externalisation, ou outsourcing, des ressources humaines. Un créneau que Big Blue lorgnait depuis des années. Visant les 20 millions d'euros de chiffre d'affaires en fin d'année, HR Technologies & Management emploie déjà 95 salariés et travaille avec 35 prestataires de services informatiques. « Nous proposons aux grandes entreprises une externalisation RH à haute valeur ajoutée, explique Philippe Le Corre, le Pdg. Nous avons, actuellement, beaucoup de prospects et les retours du marché sont très positifs. »

15 % de croissance annuelle

Comme pour les autres prestataires actifs sur ce marché, HR Technologies & Management a devant elle un véritable boulevard. En 2003, l'externalisation des RH a généré un chiffre d'affaires mondial de 30 milliards d'euros, dont 26 % pour la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique). Selon les analyses effectuées par les cabinets Gartner et IDC, sa croissance annuelle est estimée à 15 %. Autre prévision : celle de McKinsey, qui prédit une croissance de 45 % d'ici à 2007.

En France, les clignotants sont également au vert. En 2003, l'outsourcing RH a représenté un chiffre d'affaires de 407 millions d'euros, et devrait atteindre les 472 millions d'euros en 2004. « L'externalisation RH tire l'ensemble du marché informatique RH (conseil, intégration, produits et licences, hors matériels) vers le haut. Elle en représente désormais 35 % », constate Alexia Pestel, consultante chez Pierre Audoin Consultants.

Choix stratégique

D'autres indicateurs, tirés du baromètre outsourcing réalisé par Capgemini auprès de dirigeants d'entreprise, confirment la tendance. Ainsi, en 1999, 74 % des sondés savaient ce que le terme externalisation veut dire, ils étaient 83 %, l'an dernier, a en connaître précisément la définition. « Il y a encore cinq ans, relate Philippe Guinaud, le responsable offres et services chez Cegedim SRH, nous devions, en tant que prestataire, évangéliser autour de ce concept. Aujourd'hui, c'est un choix stratégique comme un autre pour les entreprises. »

Mouvement de fond

Pour Pascal Bornand, directeur général de la division grandes entreprises chez ADP-GSI, on est bien en face d'un mouvement de fond. « Un DRH qui ne se pose pas la question de l'outsourcing risque de se le voir reprocher par sa hiérarchie. Si les DRH français ne passent pas encore massivement à l'acte, ils ont, désormais, envie de comprendre. »

Pourquoi diable l'externalisation des RH a-t-elle le vent en poupe ? La première des réponses est tout bonnement conjoncturelle. Mot d'ordre actuel des directions générales ? Réduction des coûts à tous les étages. Dès lors, confier une ou plusieurs fonctions RH à un tiers apparaît comme une solution plus économique. « C'est mécanique. Dès que l'économie traverse une zone de turbulences, les entreprises se précipitent sur l'externalisation. Quand une société externalise une paie, elle sait réellement combien cela lui coûte. En interne, c'est beaucoup plus difficile à calculer », indique Alexia Pestel.

Recentrage

A côté des entreprises en difficulté en quête de méthodes d'organisation plus efficaces, d'autres s'orientent vers l'externalisation pour optimiser leurs fonctions supports. En filigrane de la démarche : le sacro-saint recentrage sur le core business. « Aventis Pasteur nous a clairement signifié que son métier ne consistait nullement à s'occuper de la formation de ses salariés », rapporte Stéphane Adnet, responsable du développement de Merlane, une société toulousaine spécialisée dans le conseil en management. « Plus globalement, c'est l'accélération des mutations industrielles dans les entreprises, les variations de l'activité et des effectifs qui poussent une entreprise à envisager une opération d'outsourcing », observe, quant à lui, Didier Tichkiewitch, directeur général de RH Facilities, une filiale du groupe Adecco.

Suivant la personnalité du DRH

Une externalisation est, en outre, déclenchée suite à un événement de la vie de l'entreprise ou au sein de la DRH. Départs massifs dans une équipe, changement de SIRH, fusion, acquisition sont les faits déclencheurs les plus fréquents. « A noter que l'outsourcing dépend aussi beaucoup de la personnalité du DRH. Si celui-ci est proche du Pdg, s'il considère sa fonction comme stratégique, alors l'externalisation ne va pas lui causer de souci », lance Jean-Louis Pérol, en charge de la division PME chez ADP-GSI.

Enfin, selon les acteurs du secteur, les freins sont progressivement en train de tomber. Le premier des blocages reste la perte de contrôle, qui, selon l'enquête Capgemini, perd du terrain. Mieux informés, les DRH n'hésiteraient plus à ouvrir des discussions sur les possibilités d'externalisation.

Sans fantasmes

Conscients de cette frilosité, les prestataires s'emploient, de leur côté, à débarrasser l'outsourcing de ses fantasmes. « Par le passé, nous n'avons pas assez rassuré les entreprises. Une externalisation est un réel partenariat où le client est partie prenante. Encore aujourd'hui, certains dirigeants pensent immédiatement à une délocalisation en Inde », regrette Didier Tichkiewitch. « Il y a une règle d'or, ajoute Stéphane Adnet : un prestataire ne se substitue jamais à son client. A ce titre, les contrats comportent des clauses de réversibilité. »

Derrière ce sentiment de dépendance, le risque social est l'autre inquiétude majeure des DRH. Plus le projet d'externalisation est soigné et préparé en amont, plus le spectre de conséquences sociales s'estompe, clament en choeur les prestataires, selon lesquels les salariés impactés sont reclassés dans des fonctions plus enrichissantes.

Employabilité

Autre cas de figure : l'utilisation de l'article L 122.12 qu'accompagne toute reprise de personnel. « En tant que spécialiste de la paie, nous avons la faiblesse de penser que nous assurons une meilleure employabilité aux collaborateurs repris que leur employeur d'origine, qui se contrefiche de leur métier », avance Pascal Bornand.

DRH de Steria, une SSII de 4 500 salariés, Muriel Neveu n'a, elle, pas hésité à bâtir une charte sociale applicable pour tout contrat d'infogérance avec transfert de personnel : « Nous avons identifié le risque humain comme élément majeur dans un processus d'externalisation. Et le succès d'une opération d'infogérance repose, en grande partie, sur l'adhésion des personnels. D'où l'idée d'une charte où nous nous engageons sur de nombreux points. Ce document a été très bien accueilli par nos prospects. »

Derrière la paie, fonction la plus couramment "outsourcée", la formation, la gestion des compétences, le recrutement et la gestion des notes de frais sont les domaines les plus externalisés. « Une entreprise peut très bien fonctionner avec un DRH et un responsable des relations sociales et externaliser le reste », résume Philippe Le Corre.

Externalisation de la formation

Conséquence de la nouvelle loi, la formation est, actuellement, le sujet sur lequel les prestataires sont les plus consultés. Et ceux-ci s'occupent de tout, de la sélection des organismes de formation à la convocation des stagiaires, en passant par la réservation des salles jusqu'à la rédaction des déclarations fiscales. « Aujourd'hui, 40 % des grandes entreprises ont externalisé leur paie et seulement 10 % sont allées plus loin », précise Pascal Bornand. Du grain à moudre pour l'ensemble des spécialistes de l'outsourcing.

Du coup, le marché attise les convoitises. Derrière ADP-GSI, confortable leader, avec, selon Pierre Audoin Consultants, une part de marché de 46 %, se bousculent de nombreux prétendants. Parmi ceux-ci, le belge Arinso, qui réalise, aujourd'hui, 20 % de son chiffre d'affaires annuel en outsourcing RH et ambitionne d'atteindre les 45 % en 2006. « Nous nous intéressons aux groupes qui n'ont pas encore franchi le pas de l'externalisation en raison, notamment, de la complexité à externaliser la paie. Notre démarche, explique Didier Tournesac, directeur d'Arinso pour la France et l'Europe de l'Ouest, ne s'inscrit pas dans une logique de service préparamétré. Tout simplement parce que la paie d'une grande entreprise a été nourrie par un historique social lourd. »

Dans un autre registre, la société e-paye.com propose une externalisation partielle de la paie en mode ASP, hébergé sur un serveur sécurisé. Avantage, selon William Maratray, le directeur commercial : « L'entreprise conserve une certaine maîtrise de sa paie sans en gérer le traitement rébarbatif ni les mises à jour. »

Quel que soit le fournisseur, les promesses de retours sur investissement peuvent séduire. Fourchette annoncée : entre 20 % et 30 % d'économies pour une opération qui, pour sa mise en route, peut durer entre trois mois et un an, selon le degré de complexité du paramétrage.

Economie et miroir aux alouettes

« Grosso modo, une entreprise débourse, chaque année, 340 euros par salarié pour la paie. Celle qui externalise peut économiser jusqu'à 30 %. Le ROI est immédiat. Au prestataire de tenir ses engagements dans la durée », avance Philippe Guinaud.

Gare, toutefois, au miroir aux alouettes. Marc Joly, DRH de Guyenne et Gascogne, une entreprise bayonnaise de 2 000 personnes spécialisée dans la grande distribution, est revenu de l'externalisation. Pourtant confiée à un prestataire reconnu du marché, la paie de cette société souffrait d'erreurs grossières et répétitives. « Nous étions, en interne, obligés de rattraper le coup. Nous n'avions plus aucune maîtrise de la chaîne. Une fois que nous avions envoyé les données variables au prestataire, nous découvrions, le 24 du mois, les bulletins. Inutile de vous dire que nous avons eu des sueurs froides. » Rompant le contrat, Marc Joly a finalement opté pour un logiciel classique de gestion de la paie. Pour le plus grand bonheur de ses collaborateurs.

L'essentiel

1 En 2003, l'externalisation des RH a généré un chiffre d'affaires mondial de 30 milliards d'euros. En France, il devrait atteindre les 472 millions d'euros en 2004. L'outsourcing RH représente, désormais, 35 % du marché de l'informatique RH.

2 Les entreprises externalisent les RH dans un souci de réduction de coûts et de recentrage sur leur coeur de métier.

3 Parmi les fonctions externalisées, la paie et l'administration du personnel se taillent la part du lion. Mais les DRH envisagent de plus en plus de confier la gestion de la formation, le recrutement et la gestion des compétences à des prestataires extérieurs.