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Unedic : un régime à bout de souffle

SANS | publié le : 27.04.2004 |

Déficit abyssal, crise des "recalculés", attente de la décision du Conseil d'Etat... Le régime d'assurance chômage fait face à une crise profonde qui remet en cause les règles mêmes du paritarisme.

La crise des "recalculés" fera-t-elle trébucher l'Unedic ? En obtenant un jugement en leur faveur du TGI de Marseille, les demandeurs d'emploi ont mis le régime aux abois. L'avenir de l'assurance chômage et de l'indemnisation des chômeurs est en sursis : le déficit se creuse (il pourrait atteindre 9 milliards d'euros si la décision du tribunal de Marseille se confirmait), le nombre de demandeurs d'emploi explose (2 707 000 personnes, soit un taux de chômage de 9,9 % selon les dernières estimations de l'Insee), et sa survie est soumise à une décision cruciale.

Le 7 mai prochain, le Conseil d'Etat se prononcera sur une possible annulation, pour des raisons de forme, de l'accord de décembre 2002 raccourcissant la durée d'indemnisation des chômeurs. Si tel est le cas, le régime d'assurance chômage n'aurait plus de base juridique, et n'aurait pas la possibilité de prélever des cotisations ni de verser des allocations. Une situation qui conduirait le gouvernement à revoir le système d'indemnisation par décret, en attendant que les partenaires sociaux se remettent autour d'une table pour trouver un nouvel accord.

L'exemple de 1982

Un scénario déjà écrit, en 1982, par Pierre Bérégovoy, alors ministre des Finances, qui avait dû se substituer aux partenaires sociaux défaillants. Un décret avait alors majoré de 1,2 point les cotisations patronales et salariales. L'histoire pourrait-elle se répéter ? Une telle perspective est jugée tout à fait plausible par les partenaires sociaux. Toutefois, ils se disent décidés à renégocier la convention d'assurance chômage même si les chances d'aboutir sont minces. « Compte tenu de la position du patronat, qui refuse toute augmentation des charges, le contexte n'est pas favorable à une négociation, les chances d'arriver à un accord sont quasi nulles », prédit, ainsi, Jean-Claude Quentin, de FO.

De fait, les voies de cette renégociation apparaissent singulièrement limitées. Faut-il augmenter les cotisations salariales et patronales ? Ou réduire le niveau d'indemnisation des chômeurs ? Ou alors faire bouger l'assiette des cotisations en prenant en compte le profit des entreprises et en modulant le taux en fonction de la nature des emplois créés, stables ou précaires ?

Contribution de solidarité

En 1984, le gouvernement Mauroy, en panne de recettes, avait résolu la crise du régime en imposant une contribution de solidarité aux fonctionnaires (cotisation de 1 % sur les salaires). Mais, de mémoire de syndicats, cette ressource (450 millions d'euros par an) n'est jamais arrivée dans les caisses de l'Unedic, au grand dam de ces derniers.

Quelles sont les solutions ? Pour la CGT, les partenaires sociaux doivent « s'atteler à la question d'un autre financement en revoyant l'assiette des cotisations et en créant une surcontribution sur le travail précaire ». Jean-Claude Quentin, de FO, de son côté, se prononce pour une augmentation des cotisations de 0,2 % pour revenir au niveau de 1993, soit 6,6 % contre 6,4 % aujourd'hui, et un manque à gagner de 800 millions d'euros. Il défend également la surcotisation sur le travail précaire, qui pourrait rapporter 400 millions d'euros.

La CFE-CGC n'est pas opposée à une cotisation supplémentaire de 0,4 %, répartie entre les salariés (0,3 %) et les employeurs (0,1 %).

Le Medef s'oppose, lui, catégoriquement, à une augmentation des cotisations, décourageant, à son avis, l'emploi et l'investissement en France, et se prononce pour un retour à la dégressivité des allocations. Dans un entretien à La Tribune (23 avril dernier), Denis Gautier-Sauvagnac, président de l'Unedic et vice-président du Medef, estime que l'ensemble des contribuables (fonctionnaires, retraités, professions indépendantes...) doivent prendre le relais de l'Unedic au-delà d'un certain niveau d'indemnisation du chômage.

Quant à la CFDT, déjà très affaiblie par la décision du tribunal de Marseille, elle fustige la CGT, qui refuse de s'engager, et critique le patronat qui veut remettre en cause l'assurance chômage.

Ce 27 avril, le bureau de l'Unedic tient une réunion exceptionnelle pour examiner l'impact financier de la décision du tribunal de Marseille. En outre, d'autres décisions de justice, fondées sur les mêmes recours, sont attendues le 11 mai à Paris, le 18 à Lyon et le 25 à Créteil.

Crise profonde

Mais au-delà des problèmes financiers, c'est une crise plus profonde qui secoue le régime d'assurance chômage. Pour Claude-Emmanuel Triomphe, délégué général de l'Association pour le développement de l'université européenne du travail, « le régime d'assurance chômage semble dépassé. Il a été construit sur la prééminence du CDI et ses accidents de parcours. Or, aujourd'hui, on doit faire face à une grande diversité des formes d'emploi. Doit-on, par conséquent, avoir une taxe unique ou une contribution liée à la taille de l'entreprise et à son mode de gestion de l'emploi ? Ne doit-on pas relier les politiques de l'emploi à une problématique plus territoriale ? L'Etat-employeur, créateur de formes d'emploi atypiques, pose aussi problème. Enfin, cette crise soulève la question de la représentativité des organisations syndicales ».