logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

L'Europe des 25 ne créera pas de vagues migratoires

SANS | publié le : 20.04.2004 |

La venue, au 1er mai prochain, de dix nouveaux pays membres dans l'Union européenne ne devrait pas mettre à mal le marché du travail des Quinze. Bien au contraire.

E.& C : Le 1er mai, dix nouveaux pays rejoindront l'Union européenne (1). Avec un marché du travail ainsi élargi, à quels changements peut-on s'attendre ?

Willy Buschak : Les conclusions de nos recherches (2) démontrent que l'élargissement de l'Europe n'occasionnera que très peu de changements sur les marchés du travail des pays de l'Ouest. Ces recherches nous ont aussi permis de mieux cerner le scénario le plus probable en matière de flux migratoires. Nous prévoyons, ainsi, que la population des nouveaux pays adhérents désireuse de migrer vers les actuels Etats membres de l'Union européenne sera, surtout, composée de jeunes et de femmes ; 2 % à 3 % de la classe d'âge des 15/24 ans indiquent une « ferme intention » de quitter leur pays.

Par ailleurs, un tiers des candidats à l'émigration sont des étudiants et un quart sont des personnes très qualifiées possédant un niveau d'études supérieur. La plupart d'entre eux déclarent, aujourd'hui, vouloir faire acte de candidature auprès d'entreprises localisées dans les pays frontaliers. Pas étonnant, donc, que l'Allemagne et l'Autriche soient les pays les plus cités. Notons également que ces migrations devraient être de courte durée, et prendre la forme d'un aller-retour ; le temps, pour ces nouveaux Européens, de capitaliser des expériences dans des entreprises ou de poursuivre leurs études avant de retourner dans leur pays d'origine. Evidemment, ces données sont susceptibles d'évoluer selon le climat politique et la conjoncture économique du pays dont ils sont issus.

E & C : A l'approche de cet élargissement, de nombreux réflexes protectionnistes sont observés, certains pays craignant que l'élargissement ne provoque la venue massive d'immigrés sur leur marché du travail. Ces craintes sont-elles justifiées ?

W. B. : Absolument pas. Nous évaluons à environ 1,1 million les migrants de l'Est vers l'Ouest pendant les cinq années qui suivront l'entrée des dix nouveaux Etats membres, et ce, dans le cadre d'une politique de liberté de circulation totale entre les Quinze et les Dix (ce qui ne sera pas le cas avant 2006, lire encadré ci-contre, NDLR). Ce chiffre équivaut à environ 220 000 personnes par an dans une Union rassemblant quelque 450 millions d'habitants. Rien d'ingérable. Cela représente, ainsi, 1 % de la population en âge de travailler. Evidemment, le chômage a une influence sur les migrations, mais dans une bien moindre mesure que ce que l'on pensait et seulement dans un nombre limité de pays. Globalement, seuls 2 % des chômeurs indiquent une ferme intention de déménager.

La vague migratoire redoutée n'aura donc pas lieu. De telles conclusions contredisent, ainsi, la nécessité de mise en place de mesures extraordinaires. D'autant que les migrations poseront davantage de problèmes aux Dix qu'aux Quinze. En effet, nous avons dit que les candidats au départ se trouvent principalement du côté des jeunes et des personnes qualifiées. Les Dix ont donc fort à craindre un exode de leurs compétences, et donc de leurs cerveaux, bénéficiant aux Quinze, toutefois, dans les premières années. Ces personnes ne souhaitent pas, en effet, quitter leur pays définitivement. Elles rentreront riches de nouvelles expériences profitables aux entreprises locales. Les bénéfices seront donc réciproques entre l'Est et l'Ouest. Et tous devraient aussi recueillir les fruits du programme décidé lors du Sommet de Lisbonne, en mars 2000, visant à renforcer l'emploi, la réforme économique et la cohésion sociale.

E & C : L'Europe des 25 va-t-elle pousser les entreprises à davantage délocaliser ?

W. B. : Je ne le pense pas. Les entreprises n'ont pas attendu l'élargissement de l'Europe pour pratiquer la flexibilité. Elles sont déjà nombreu- ses à s'être installées chez les nouveaux membres de l'Union.

(1) Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie et République tchèque.

(2) Migration trends in an enlarged Europe, rapport de la Fondation, publié le 26 février par la Commission européenne.

A consulter sur : http://www.euro

found.eu.int/publications/

EF03109.htm>.

SA LECTURE

Les chapiteaux romans de Bourgogne, de Marcello Angheben, Brepols éditeur, 2003.

La libre circulation pour 2006

La pleine et entière liberté de circulation sur le territoire français des ressortissants des nouveaux pays membres de l'Union européenne (exception faite de Malte et de Chypre) n'entrera en vigueur qu'à l'issue d'une période de transition de cinq ans, dont deux ans incompressibles.

Cette restriction n'est applicable qu'aux salariés. Les étudiants, les chercheurs et les travailleurs indépendants n'étant, en effet, pas concernés.

Toutefois, cette restriction peut être levée avant l'heure pour des secteurs souffrant de pénuries temporaires ou structurelles de main-d'oeuvre.

PARCOURS

A l'issue de ses études d'histoire à l'université de Bochum (Allemagne), Willy Buschak commence sa carrière dans la recherche.

En 1987, il rejoint l'administration centrale du syndicat allemand de l'agroalimentaire et de la restauration, basé à Hambourg, où il est responsable des questions politiques et de codétermination.

Quatre ans plus tard, il est nommé secrétaire confédéral de la Confédération européenne des syndicats (CES). Il y traite des sujets relatifs aux conseils européens du travail, à l'implication des salariés dans les entreprises européennes, au contrôle des fusions et au télétravail.

Il est, par ailleurs, l'auteur de nombreux ouvrages et d'articles sur l'histoire sociale. Sa dernière publication traite des syndicats actifs dans les années 1920 et 1930.

Articles les plus lus