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Le cas exem plaire des Scop

SANS | publié le : 20.04.2004 |

Ces entreprises atypiques, qui ont pour objet la pérennité de l'activité et du travail, qui associent des salariés-sociétaires à la gestion, et distribuent équitablement les bénéfices, ont fait depuis longtemps une bonne partie du chemin vers la RSE.

Une entreprise qui élit ses dirigeants en assemblée générale des salariés, qui verse jusqu'à 45 % de ses bénéfices à tous les salariés, sous forme de participation, qui conserve une réserve impartageable, pour pérenniser l'activité, qui ne rémunère que très faiblement le capital... Ne cherchez plus : il s'agit à coup sûr d'une Scop, ou Société coopérative ouvrière de production. Ces principes de gouvernance et de gestion transparentes sont inscrits dans ses statuts.

Certaines font plus encore, comme Chèque-Déjeuner, qui incite ses 257 salariés (en France) à se syndiquer (60 % ont une carte), qui maintient un éventail des salaires de 1 à 4,5, qui verse une participation identique à tous ses salariés, qui s'investit, chaque année, dans une campagne Chèque réveillon avec les Restos du coeur, qui soutient le label Max Havelaar de commerce équitable...

Une avance certaine

« De même que certaines entreprises de l'économie sociale, les Scop ont pris de l'avance en matière de responsabilité sociale », juge Blaise Desbordes, directeur études et veille de Novethic.

Le secteur rassemble 2 560 entreprises et 35 000 salariés. Trois préoccupations les singularisent, selon Michel Porta, de la Fédération des Scop. La première d'entre elles est l'emploi durable : « Elles font le maximum pour que l'emploi ne soit pas une variable d'ajustement. A ce titre, la contrainte, liée à ce statut, d'immobiliser 45 % des bénéfices en réserve impartageable, appartenant à l'entreprise et non réincorporée dans les parts sociales des sociétaires, est une garantie de pérennité. »

Garant d'indépendance

Illustration avec Acome, la plus importante Scop française, avec 1 050 salariés, solidement installée dans le secteur ultra concurrentiel du câble (électronique, télécom, bâtiment), qui affecte 50 % du résultat net à cette réserve impartageable : « Dans les télécoms, la situation est difficile depuis deux ans, indique Philippe Garnavault, le DRH, et elle nous impacte. Malgré tout, avec cette mise en réserve des bénéfices, nous avons maintenu des capitaux propres, notre situation financière est satisfaisante et nous ne risquons pas de perdre notre indépendance. »

Les coopérateurs, comme on appelle les salariés sociétaires de ces entreprises atypiques, ont coutume de dire qu'ils travaillent pour leurs enfants. Une formule assez proche de celle des pionniers du développement durable, considérant que la terre ne nous appartient pas, mais qu'elle nous est prêtée par nos enfants.

Autre impératif lié à cet objectif de maintien de l'emploi : s'assurer de l'employabilité. Acome investit jusqu'à 4 % de la masse salariale en formation ; Chèque-Déjeuner, elle, fait six fois mieux que l'obligation légale de 1,5 % !

Implication des salariés

Deuxième valeur de la Scop : l'implication des salariés dans la gestion et la démocratie d'entreprise ; 80 % des salariés de Scop sont sociétaires de leur entreprise, sur les emplois de plus de deux ans. Parfois, cette prise de part leur est même imposée. C'est le cas chez Acome, après trois ans d'ancienneté, mais l'investissement est surtout symbolique, avec une part sociale à 77 euros. Chez Chèque-Déjeuner, la part est à 16 euros et un plafond est fixé à 975 parts par sociétaire pour éviter une trop grande concentration du capital de l'entreprise. Les coopérateurs élisent leur gérant ou leur conseil d'administration sur le principe "une personne-une voix", et les comptes leur sont présentés, chaque année, en assemblée générale.

Une formation à la gestion est d'ailleurs proposée dans les entreprises pour tous les nouveaux sociétaires. Elle est assurée par la Fédération des Scop. Avec des salariés-sociétaires assis à la table des négociations, face à des dirigeants élus, le dialogue social est sans doute plus serein et mieux informé. Un équilibre est recherché entre le confort du salarié et la performance chère au sociétaire. Les Scop sont passées aux 35 heures très tôt - dès 1986 pour Chèque-Déjeuner et, selon l'Insee, le salaire moyen y est supérieur à celui des autres PME (30 000 euros contre 25 000 en 2001).

Dernier pilier de la culture Scop : le partage des bénéfices. Les Scop sont soumises à un régime spécifique. Hormis la réserve impartageable, elles distribuent aux salariés, au minimum, 16 %, mais, le plus souvent, 45 % des bénéfices sous la forme de primes de participation, alors que la rémunération du capital (dividendes) représente, souvent, moins de 10 % des bénéfices.

Les clés de répartition sont multiples, mais, le plus fréquemment, égalitaires. Chez Chèque-Déjeuner, depuis cinq ans, la participation atteint 8 000 euros par salarié.

Faible turn-over

Les Scop auraient donc de quoi faire rêver tout salarié. D'ailleurs, chez Acome, le taux de turn-over est de 0 sur la population ouvrière ; chez Chèque-Déjeuner, il n'est que de 6 % sur l'ensemble, avec, pourtant, d'importants services commerciaux, généralement soumis à un fort turn-over. Mais le statut de Scop dépend, avant tout, de l'engagement des fondateurs et, pour les plus grosses, des convictions des cadres supérieurs ou dirigeants, dont les rémunérations sont certainement moins élevées qu'ailleurs. Enfin, les principes de fonctionnement correspondent mieux à des structures de taille raisonnable. « Nous avons été 1 300 en 2001. A ce moment, nous atteignions sans doute les limites du fonctionnement en Scop », juge Philippe Garnavault.