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QUE PEUT FAIRE BORLOO DE L'HÉRITAGE FILLON ?

SANS | publié le : 13.04.2004 |

Emploi, restructurations, temps de travail, insertion professionnelle... Jean-Louis Borloo, le tout nouveau ministre du Travail, de l'Emploi et de la Cohésion sociale, devrait continuer les réformes lancées par François Fillon. Avec un « vernis plus social ». Mais, à défaut de reprise économique, il devra trouver les moyens financiers nécessaires pour mener à bien la bataille de l'emploi. Un dossier à haut risque.

L'année avait, pourtant, bien commencé pour François Fillon : 2004 avait été consacrée année de l'emploi et l'objectif était d'élaborer un projet de loi pour le printemps, afin d'accompagner une reprise du marché du travail qui se fait attendre. Mais c'était sans compter la défaite électorale.

Alors que 71 % des Français estiment que l'emploi est devenu leur préoccupation principale, ils ont sanctionné la politique du gouvernement. Les promesses du papy-boom, qui devait libérer des milliers d'emplois, ne sont pas venues au secours de l'ex-ministre du Travail. Le chômage caracole toujours à près de 10 %, sur fond de plans sociaux à répétition et, à partir de là, tout s'enchaîne : pessimisme des ménages, baisse de la consommation, moindre investissement. Spirale infernale ?

Les nombreux coups de pouce au secteur privé pour l'inciter à embaucher (allègements de charge, assouplissements des 35 heures), alors que la croissance restait faible, sont jugés sans effet.

Traitement social du chômage

Le gouvernement avait pourtant essayé de rectifier le tir. Le 18 mars dernier, à l'occasion de la Conférence sur l'emploi, priorité avait été donnée à la relance du traitement social du chômage. Plusieurs mesures d'urgence avaient été lancées : création du RMA (Revenu minimum d'activité), relance du CIE (Contrat initiative-emploi), ou encore création du Civis, le pendant des emplois-jeunes. Trop tard, trop juste. Le traitement social du chômage n'a pas fait chuter le nombre de demandeurs d'emploi, ce qui a valu à François Fillon d'être gratifié par la gauche du surnom de "ministre du Chômage".

Réforme des retraites menée à terme

En tout juste deux ans, rue de Grenelle, François Fillon n'a, pourtant, pas chômé. Il a, en effet, réformé tous les champs couverts par son très large ministère. Il a, surtout, mené à son terme la réforme des retraites, la plus emblématique du gouvernement Raffarin, qui n'a jamais cessé d'être contestée.

Les syndicats se sont plaints de l'absence de véritables négociations. Quant aux salariés, ils sont descendus plus nombreux dans la rue, au printemps 2003, que lors des grandes manifestations de 1995. Malgré les milliers d'amendements et les trois semaines de débat, le texte initial de François Fillon a été voté dans les grandes lignes, avec quatre grands axes pour les salariés : l'allongement de la durée de cotisation (41 ans en 2012, 42 ans en 2020), l'augmentation de la cotisation vieillesse de 0,2 % au 1er janvier 2006 (puis davantage, si nécessaire), la convergence entre les régimes de retraite des trois fonctions publiques et celui du secteur privé, et, enfin, la liberté de choix pour les assurés de la date de fin d'activité (majoration ou surcote de 3 % par année cotisée supplémentaire). Les salariés ayant commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans, peuvent partir en retraite avant 60 ans, s'ils ont entre 40 et 42 années de cotisations validées.

Le texte prévoit, également, d'ici à cinq ans, une négociation entre les partenaires sociaux sur la définition et la prise en compte de la pénibilité des métiers. Pour les entreprises, la loi Fillon durcit les conditions d'accès aux préretraites : suppression des préretraites progressives à compter du 1er janvier 2005, renchérissement du coût des préretraites maison (de 12 % des allocations versées pour l'année 2004 à 23,85 % en 2008), dispositifs Casa ou Cats réduits...

Nocivité annoncée

Reste un point noir : la réforme des retraites ne couvre qu'un tiers des besoins de financement à l'horizon 2040. Si le gouvernement se targue de sauver les régimes par répartition, les syndicats, en l'occurrence la CGT, l'Unsa et la FSU, parlent d'une série de décisions dont « les Français vont mesurer, étape par étape, la nocivité », entre 2004 et 2008.

Au chapitre de la formation continue, le bilan Fillon est plus flatteur. C'est surtout la réforme de la formation professionnelle et du dialogue social, adoptée en ce début d'année, qui a été la plus consensuelle. L'ex-ministre a eu le bénéfice de pouvoir transformer en loi un accord national interprofessionnel, signé, le 20 septembre 2003, par les cinq confédérations syndicales, qui était en gestation depuis quatre ans.

Techniquement, cette loi crée trois catégories d'actions de formation dans le plan de formation interne de l'entreprise, dont au moins deux peuvent se faire en dehors du temps de travail, dans la limite de 80 heures, par année civile et par salarié. L'autre grande innovation est le Droit individuel à la formation (DIF) : 20 heures par an, par salarié, capitalisables sur six ans.

Contrat de professionnalisation

Parmi les autres créations : un contrat de professionnalisation pour les jeunes et les demandeurs d'emploi, en lieu et place du contrat de qualification ; une période de professionnalisation pour les salariés des entreprises sous contrat de travail à durée indéterminée.

Parallèlement, la réforme de la formation impose une augmentation du financement des entreprises : 1,6 % de la masse salariale au 1er janvier 2004 pour celles de plus de 10 salariés ; et 0,55 % au 1er janvier 2005 pour celles de moins de 10 salariés. Pourtant, la réforme Fillon a laissé de côté certains points : le passeport formation l'entretien annuel de formation ; le bilan de compétences et la VAE. Un nouveau round de négociations paritaires s'est engagé sur ces questions le 31 mars dernier.

Enfin, la réforme Fillon est restée muette sur l'effort de l'Etat (financement de la "formation différée") et sur un crédit d'impôt formation pour les citoyens et les entreprises.

Nouvelles règles de négociation

La réforme du dialogue social est, en revanche, beaucoup plus périlleuse. Les partenaires sociaux vont devoir apprendre très rapidement à négocier selon de nouvelles règles fondées sur le principe de l'accord ou de l'opposition majoritaire.

Autre changement : la possibilité pour un accord d'entreprise de déroger aux dispositions d'un accord de branche, à l'exception de celles concernant les minima, les classifications, la prévoyance collective, et la mutualisation des fonds de formation, à moins que la convention de branche en dispose autrement.

Dès cette année, on saura si, comme le prédisent certains, l'instauration d'accords majoritaires et la large autonomie accordée à la négociation d'entreprise vont provoquer un blocage du dialogue social ou si, au contraire, elles vont le renforcer.

Pas de réforme du temps de travail

La réforme sur le temps de travail est, en revanche, restée lettre morte. L'initiative gouvernementale a tourné court. En donnant dix-huit mois aux branches professionnelles (jusqu'à juillet 2004) pour négocier une partie des assouplissements de la loi Aubry, François Fillon voulait réécrire une loi sur la RTT, mieux adaptée aux attentes des entreprises et des salariés. Mais l'attitude du patronat comme celle des organisations syndicales n'ont pas permis d'aboutir.

Les acteurs rechignent, actuellement, à rouvrir ces dossiers. Leur position n'est pourtant pas dénuée d'ambiguïté. Verbalement, le patronat épouse les positions du gouvernement : l'utilisation des heures supplémentaires est indispensable pour combler le manque de main-d'oeuvre qualifiée. Les unes après les autres, les fédérations ont, d'ailleurs, toutes réclamé une augmentation du contingent des heures supplémentaires (180 au lieu de 130 heures prévues par la loi Aubry), ainsi qu'une diminution de leur coût de majoration. Mais, sur le fond, peu d'entre elles sont prêtes à passer à l'acte. Elles tiennent avant tout à calmer le jeu et à préserver la paix sociale au sein des entreprises de leur secteur.

Boîte de Pandore

Guère plus convaincus, les syndicats ne souhaitent pas, non plus, ouvrir la boîte de Pandore des négociations sur le temps de travail. Une nouvelle discussion pourrait mettre à mal les garanties sociales obtenues lors des précédents accords. Les syndicats ne sont, d'ailleurs, pas favorables à une augmentation des heures supplémentaires. L'extension du forfait jours des cadres, tout comme la monétisation du compte épargne-temps, ne recueille pas un franc succès. Plus d'un an après son adoption, la loi demeure encore virtuelle. Et reste à concrétiser, à l'instar de la loi de mobilisation sur l'emploi, par le nouveau ministre, Jean-Louis Borloo.

L'essentiel

1 En deux ans, François Fillon a réformé tous les champs couverts par son ministère : création du RMA (Revenu minimum d'activité), suspension des emplois-jeunes, assouplissement des 35 heures...

2 Il a, surtout, mené à son terme la réforme des retraites, avec quatre grands axes : l'allongement de la durée de cotisation, l'augmentation des cotisations vieillesse, la convergence des systèmes entre public et privé, et la liberté de choix pour les assurés de la date de fin d'activité.

3 C'est essentiellement sur le terrain de la formation continue que le bilan de François Fillon est le plus consensuel. Il a transformé en loi un accord national interprofessionnel, signé par les cinq confédérations, qui était en gestation depuis quatre ans.