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Les entreprises ont un rôle à jouer dans les filières de soins

SANS | publié le : 13.04.2004 |

La réforme de l'assurance maladie aura un impact sur les régimes complémentaires des entreprises. Pour sauvegarder un bon niveau de prestations, celles-ci pourraient jouer un rôle dans l'organisation de filières de soins.

E & C : Une réforme de l'assurance maladie est actuellement en préparation. Peut-on anticiper son impact sur les régimes complémentaires des entreprises ?

Guy Bellocq : Les pertes cumulées et un déficit structurel récurrent rendent inévitable une réforme profonde de l'assurance maladie. Son contenu n'est pas encore connu. On peut, en revanche, anticiper deux conséquences. D'une part, nous sommes entrés dans l'ère de la réforme permanente. Il faudra bien continuer de réformer le régime des retraites, dont le déficit prévisionnel n'est comblé qu'à moitié par la "loi Fillon" d'août 2003. Il est également probable que les réformes à venir de l'assurance maladie s'étaleront sur plusieurs lois. Cela permettrait au gouvernement de diviser les risques politiques. Tout cela laisse présager que les évolutions des garanties complémentaires proposées dans les entreprises vont se multiplier et s'accélérer.

D'autre part, il est possible, sur un horizon de trois à cinq ans, que l'on s'oriente vers une sophistication de la prise en charge des soins par les régimes de base, avec différents niveaux de remboursement, par exemple, selon que le consommateur (l'assuré) suit ou non un parcours médical encadré. La protection sociale pourrait donc être touchée par un phénomène "d'entropie" juridique, caractérisée par une multiplication et une complexification des textes. Ces deux évolutions supposeront que les entreprises mènent une véritable activité de veille et qu'elles soient réactives.

E & C : Vous constatez que les hausses de cotisations pour les complémentaires sont deux à cinq fois supérieures à l'évolution du coût de la vie et des salaires. Comment les entreprises font-elles face à une telle dérive inflationniste ?

G. B. : Depuis quelques années, les entreprises se désengagent. Elles ont, ainsi, cessé de prendre en charge tout ou partie des cotisations des garanties maladie de leurs retraités. Elles ont, également, réduit l'éventail de leurs prestations, notamment sur le dentaire et sur l'optique : cela s'est traduit par un alignement sur le haut des régimes bas de gamme et, corrélativement, par une baisse des prestations assurées par les régimes les plus élevés. Actuellement, certaines d'entre elles commencent à réduire le périmètre de couverture de leur complémentaire santé à leurs seuls salariés, en excluant toute participation à la cotisation des garanties destinées aux conjoints et aux enfants... Enfin, elles instaurent, de plus en plus souvent, des régimes de troisième niveau : l'entreprise finance des garanties de base d'un niveau peu élevé (2e niveau) et le salarié prend à sa charge la cotisation destinée au remboursement des dépassements et des suppléments (3e niveau).

Mais ces solutions ont leurs limites. Un désengagement trop important dessert l'image de l'entreprise : les complémentaires santé d'entreprise font maintenant partie des conditions de travail, au même titre que les 35 heures, les prestations du comité d'entreprise ou les titres-restaurants. D'autre part, cette politique n'a pas empêché une hausse des tarifs des complémentaires de 10 % à 12 % au 1er janvier 2004.

E & C : Quelles sont les solutions possibles ?

G. B. : La maîtrise comptable des dépenses de santé, caractérisée par le plafonnement des dépenses et la baisse des remboursements de la Sécurité sociale, a échoué ; aussi, nous sommes, aujourd'hui, dans un courant de pensée qui consiste à préconiser de rationaliser l'offre de soins, d'encadrer la prescription médicale et de discipliner les patients. Certaines complémentaires tentent une telle démarche en passant des accords de service avec des praticiens et des fournisseurs. Pour le moment, ces initiatives d'une portée limitée procèdent d'une démarche marketing, mais elles montrent la voie.

L'aboutissement de cette démarche demeure, en effet, les filières de soins, domaine dans lequel les entreprises pourraient avoir un rôle important à jouer. Elles pourraient, ainsi, se regrouper et instituer, dans une zone géographique déterminée, des systèmes de médecine gratuite sans avances de fonds des assurés au profit de leurs salariés et de leur famille. Les médecins seraient salariés de la filière et pourraient, au-delà de leur activité thérapeutique traditionnelle, mettre en place un suivi annuel de prévention et d'éducation à la santé. Enfin, ces filières passeraient des accords tarifaires avec les plateaux techniques vers lesquels elles orienteraient, si nécessaire, leurs patients. Je rappellerai que réseaux et filières peuvent bénéficier d'aides financières après étude du dossier par les Agences régionales de l'hospitalisation (ARH).

E & C : Il y a débat sur le maintien des avantages fiscaux et sociaux des contrats collectifs de prévoyance. Quelle est votre opinion ?

G. B. : Ces avantages doivent être maintenus, car les contrats collectifs ont permis un développement important de la couverture santé des Français. Le crédit d'impôts doit être, à mon avis, réservé aux personnes qui n'ont pas accès à une complémentaire via leur entreprise, c'est-à-dire que le crédit d'impôts ne doit pas empiéter sur les avantages apportés par les contrats collectifs.

SES LECTURES

Gouverner la Sécurité sociale, Bruno Palier, PUF, 2002.

- Le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, 2004.

http://www.sante.gouv.fr

PARCOURS

Guy Bellocq, consultant en protection sociale, donne des cours dans différents établissements (Paris-1, Carm-Institute) et est administrateur à la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris, au titre des personnes qualifiées.

Il a exercé, pendant plus de vingt ans, différentes fonctions de direction dans des sociétés d'assurance (GPA, Swiss Life), de courtage, et dans des associations de prévoyance (Groupe Henner).

Il est également auteur de La protection sociale dans l'entreprise (Argus éditions, 2004).