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Le printemps chaud de Jean-Louis Borloo

SANS | publié le : 13.04.2004 |

Loi de mobilisation pour l'emploi, suspension de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), insertion professionnelle ou encore lutte contre les pénuries de main-d'oeuvre... Jean-Louis Borloo hérite d'un maroquin à haut risque. L'évolution du chômage sera, en effet, l'une des clés des prochaines élections présidentielles.

Le tout nouveau ministre du Travail, de l'Emploi et de la Cohésion sociale va trouver, en arrivant rue de Grenelle, une véritable "patate chaude" : la loi de mobilisation pour l'emploi. Engagée par Jacques Chirac, au début de l'année 2004, puis reprise par François Fillon, elle devait être, initialement, présentée au Parlement d'ici à l'été.

En février et mars, l'ex-ministre des Affaires sociales avait multiplié rencontres et groupes de travail autour des rapports Marimbert, sur les services publics de l'emploi, et de Virville, sur la modernisation du travail. L'objectif étant de faire baisser de deux points le taux de chômage à l'horizon 2007, pour le ramener à 7,7 % de la population active. Le changement de tête, rue de Grenelle, devrait ralentir le processus de négociation. Les réunions des partenaires sociaux devraient se poursuivre après le 8 avril, et même au-delà de la "date butoir", fixée par le gouvernement (juillet 2004).

Négociations bloquées

En revenant au pouvoir en 2002, la droite, qui a suspendu onze volets de la loi de modernisation sociale, avait, en effet, donné dix-huit mois aux partenaires sociaux pour négocier de nouvelles règles. Le nouveau ministre ne devrait pas prendre le risque de légiférer. Entamées il y a plus d'un an, les négociations sont, pourtant, dans l'impasse. Aucun terrain d'entente n'a été trouvé. La CGT propose d'instaurer une "sécurité sociale professionnelle" jusqu'au reclassement de tout salarié licencié, tandis que FO avance l'idée de la création d'un fonds mutualisé, qui prendrait en charge le paiement des salariés licenciés, pendant douze mois, afin d'éviter tout recours en justice.

A l'exact opposé, le Medef souhaite, lui, assouplir les procédures de licenciement collectif, en favorisant les transactions individuelles. Le patronat se prononce également pour la sécurisation juridique qui doit permettre à l'employeur de ne pas risquer de voir son plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) annulé devant un tribunal. La CFE-CGC doute que les propositions patronales changent de cap.

Prolongations

Vraisemblablement, les partenaires sociaux devraient donc jouer les prolongations. Les négociations se poursuivront après l'été, et le texte de loi pourrait n'être discuté à l'Assemblée qu'à la fin décembre.

Quelle que soit l'issue des négocations, le projet sur l'emploi devrait être amputé de certaines propositions chères au gouvernement, afin de donner un tournant plus "social" à la politique gouvernementale. Et, en premier lieu, le contrat de mission - sorte de CDD de cinq ans -, qui a suscité un tollé général de la part des syndicats, mais aussi des salariés, en l'occurrence des informaticiens qui craignent une précarisation de leur profession.

Contrôle des demandeurs d'emploi

Le durcissement du contrôle des demandeurs d'emploi pourrait, également, être écarté. Car le ministre de la Cohésion sociale constatera, en guise d'entrée en matière, une forte opposition de la part des demandeurs d'emploi, qui ont vu leurs droits diminuer en raison de la nouvelle convention Unedic. Depuis janvier 2004, ils sont, en effet, 265 000 demandeurs d'emploi exclus de l'assurance chômage.

Les associations de défense des chômeurs, AC !, MNCP, Apeis et CGT-chômeurs, ont, d'ailleurs, porté plainte contre les Assedic pour "rupture de contrat". Près de 2 000 dossiers ont été déposés auprès de 76 tribunaux. Ils devraient se prononcer sur le fond, le 15 avril, à Marseille, et, le 11 mai, à Paris. FO et la CGT (non signataires de la convention) veulent, d'ailleurs, revoir l'accord Unedic. Mais cela promet un bras de fer avec la CFDT, qui est totalement opposée à la rediscussion.

Fin du monopole de l'ANPE

Autre thème qui devrait figurer dans le projet de loi : la fin du monopole de l'ANPE. De nouveaux acteurs privés, sociétés d'intérim, cabinets d'outplacement, de recrutement et de conseil en RH, devraient, ainsi, faire leur apparition sur le marché de l'emploi afin d'accélérer le retour des chômeurs à la vie active. Pionnière dans la démarche, Maatwerk, société privée néerlandaise de réinsertion professionnelle, s'est, ainsi, vu confier par l'Assedic de Courbevoie, dans l'Ouest parisien, en octobre dernier, la mission de reclasser 150 chômeurs de longue durée.

Mais, si ces expériences sont intéressantes, elles se heurtent à un problème de financement. Et ne peuvent bénéficier qu'à quelques dizaines de milliers de demandeurs d'emploi, mais sûrement pas à 3,5 millions de chômeurs. « Le calcul est simple, insiste Jean-Louis Quentin, de FO. Le reclassement d'un demandeur d'emploi par un cabinet privé coûte 3 800 euros, soit, au total, 570 000 euros pour le reclassement de 150 chômeurs. Un budget colossal pour l'Unedic, qui risque d'atteindre un déficit de 8 milliards d'euros en septembre 2004. » En revanche, la proposition de fusion entre l'ANPE et l'Unedic devrait être écartée, selon les partenaires sociaux.

Insertion professionnelle

Le volet sur l'insertion professionnelle, sous la houlette de Laurent Hénart, secrétaire d'Etat en charge de cette question auprès du ministre de l'Emploi, pourrait, en revanche, être renforcé. « Chaque jeune se verra garantir un droit effectif à la formation, à l'activité ou à l'emploi », a insisté Jean-Pierre Raffarin. Mais, pour l'heure, nul ne connaît la nouvelle ligne budgétaire du ministère pour booster les contrats aidés. Le Premier ministre s'est, par ailleurs, prononcé pour un « droit à la deuxième chance » pour ceux qui sortent prématurément du système scolaire, sans formation.

Sans surprise, Jean-Louis Borloo devrait, en revanche, poursuivre l'action de François Fillon sur les pénuries de main-d'oeuvre. Son objectif : réduire de 100 000 le nombre d'emplois non pourvus (sur 320 000), d'ici à décembre prochain. Plusieurs secteurs tels que le bâtiment, les travaux publics, l'hôtellerie-restauration, les métiers de bouche (boulangerie-pâtisserie, traiteur...), le transport, ou encore le secteur des services à la personne peinent à recruter ; 100 000 jeunes sans qualification devraient, ainsi, être formés pour ces métiers sous tension.

L'harmonisation du Smic figurera, également, parmi les dossiers prioritaires de l'ex-ministre de la Ville. Le Smic multiple devrait prendre fin en 2005 et être indexé, à titre temporaire, uniquement sur l'évolution des prix. Le Medef a, pourtant, tenté de relancer son idée d'annualisation du Smic, qui consiste à intégrer, dans le calcul, l'ensemble des éléments de rémunération qu'un smicard peut percevoir au cours d'une année : treizième mois, primes d'ancienneté ou de contraintes... Autrement dit, à exclure de la revalorisation annuelle de début juillet, décidée par le gouvernement, toute une catégorie de salariés qui cumulent, au global, un revenu supérieur au montant annuel du Smic horaire.

Simplification du Code du travail

La simplification du Code du travail pourrait également être abordée. Mais la défaite électorale devrait freiner quelque peu les ardeurs du gouvernement Raffarin III et faire la part moins belle aux propositions du Medef, qui a présenté, le 17 mars dernier, 44 propositions pour "moderniser le Code du travail ". Le patronat suggérait, notamment, que la question des 35 heures relève uniquement de la négociation entre partenaires sociaux, ou de recourir aux CDD en cas d'"accroissement continu", et non plus temporaire, de l'activité...

Reste que la priorité de Jean-Louis Borloo sera de suspendre la réforme de l'Allocation de solidarité spécifique (ASS), versée par l'Etat à plus de 450 000 chômeurs ayant épuisé leurs droits à une indemnisation par les Assedics. Une décision prise par Jacques Chirac, au lendemain de la défaite électorale.