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Direction et syndicats, unis dans la contestation

SANS | publié le : 06.04.2004 |

Après un an et demi de bras de fer, ce fabricant de moteurs obtient, devant le Conseil d'Etat, que soit annulé son classement dans la liste des établissements ouvrant droit aux préretraites amiante. La CFDT et la CGT applaudissent.

Patronat et syndicats soudés contre l'Administration, qui autorise une cessation anticipée d'activité pour les salariés ayant été au contact de l'amiante : l'alliance n'est guère courante. Le 12 août 2002, un arrêté du ministère des Affaires sociales intègre les Moteurs Baudouin, une entreprise du secteur de la mécanique qui emploie 150 salariés, à la liste des établissements et métiers de la construction et réparation navale susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Son argument : une partie de la production est destinée à équiper des navires. La décision permet aux salariés âgés de plus de 50 ans de quitter très vite l'entreprise. Potentiellement, 35 personnes sont concernées. Dans les faits, 22 salariés font valoir leurs droits en 2003. En quelques mois, la société perd la totalité de son équipe d'entretien, la moitié de son service après-vente, 20 % de ses effectifs d'usinage et 15 % du personnel exerçant au montage.

Perte de production

La direction engage plusieurs voies de recours, mais ils ne sont pas suspensifs. « Quand on sait qu'il nous faut trois ans pour former un technicien et que nous venions d'investir 1 million d'euros dans deux machines sophistiquées », soupire Alain Saboret, président du directoire. Il évalue, aujourd'hui, les dommages subis à 1 million d'euros, correspondant à « l'impact sur les pertes de chiffres d'affaires dues à la destruction de 25 % de notre capacité de production à Marseille ».

Les délégués du personnel CFDT et CGT, Christophe Laloë et Daniel Baruc, renchérissent : « En janvier et février 2003, nous n'avons quasiment rien produit parce que nous n'étions plus en mesure d'entretenir les machines après le départ de l'équipe d'entretien. Heureuse- ment, le personnel s'est mobilisé et a réussi à produire, en novembre et en décembre 2003, l'équivalent de quatre mois et demi de production. »

Procédure lancée par FO

Car, dans cette histoire, direction et syndicats se sont battus au coude à coude. A l'exception de Force ouvrière, à l'origine de la procédure. « Nos services ont été contactés par des salariés de la société et des représentants de FO », confirme Muriel Gautier, directrice adjointe de la mission animation de l'inspection du travail à la DDTEFP des Bouches-du-Rhône. Une administration fortement mise en cause par Alain Saboret, qui n'hésite pas à parler de « la malhonnêteté de certains, relayée par l'incompétence ou l'indifférence des autres ».

Direction et syndicats dénoncent une enquête non contradictoire menée sans que l'inspection du travail ne se déplace dans l'entreprise. « Nous avons procédé comme nous l'avons toujours fait », se défend Muriel Gautier. De fait, la circulaire qui organise la procédure date du 6 février 2004. « L'inspectrice du travail, qui connaissait déjà, par ailleurs, l'entreprise, et avait rencontré par le passé le CHSCT, a informé la direction qu'une procédure était entamée, précise la directrice adjointe. Suite à la contestation du chef d'entreprise, le ministère nous a demandé un rapport circonstancié qui a motivé une enquête complémentaire sur le site de production. Nous avons confirmé notre avis et le ministère l'a suivi. »

Le Conseil d'Etat, lui, est allé à contresens. Dans une décision du 16 janvier 2004, il a considéré que, même si les Moteurs Baudouin « sont vendus pour être ensuite installés et montés, dans leur très grande majorité, sur des bateaux, [...] ni l'installation, ni le montage, ni la réparation de ces moteurs ne sont assurés par les personnels de la SA Baudouin ; [...] elle exerce une activité se rattachant au secteur de la mécanique et ne saurait être regardée comme relevant de la construction ou de la réparation navale ». Et de condamner l'Etat à verser à la société la somme de 2 300 euros.

« Le Conseil d'Etat défend une conception restrictive de la loi du 23 décembre 1998, qui régit les listes des établissements amiante », estime Muriel Gautier. Le ministère, lui, se refuse à tout commentaire. La direction, qui considère, par ailleurs, que « l'éventuel risque amiante au sein de la société a été maintenu dans le passé en deçà des normes réglementaires », a entamé des démarches amiables pour obtenir réparation des dommages, quitte à aller devant le tribunal administratif si elle n'obtient pas gain de cause.

Positions syndicales

La CFDT et la CGT rappellent qu'elles ne sont « pas opposées au droit au départ anticipé, dès lors qu'il est prouvé qu'un salarié a été exposé à l'amiante ». « En revanche, expliquent Christophe Laloë et Daniel Baruc, nous sommes opposés au classement arbitraire de notre entreprise dans la catégorie construction et réparation navale, car elle aurait pu y perdre des financements de type Anvar auxquels elle est éligible en tant qu'entreprise de mécanique. Nous sommes également scandalisés par les méthodes de l'Administration et par une décision qui a des conséquences lourdes sur l'activité de l'entreprise, ses résultats, et donc sur les salariés. Au final, ceux-ci ont perdu une prime d'intéressement équivalente à un mois de salaire du fait d'une chute brutale de notre capacité de production. » Et ils demandent à la direction de faire un geste financier envers les salariés, dans le cas où elle obtiendrait des dommages et intérêts.