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Borloo en première ligne sur l'emploi

SANS | publié le : 06.04.2004 |

Jean-Louis Borloo et son équipe vont devoir faire face à une pression accrue des syndicats, qui réclament un véritable changement de cap social. Premier chantier sur lequel ils devront faire leurs preuves : la future loi de mobilisation pour l'emploi.

"Mini-Matignon" : le surnom déjà attaché au nouveau ministère de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, confié le 31 mars dernier à Jean-Louis Borloo, résume bien l'ampleur de la tâche qui l'attend. Revigorés par le verdict des urnes, attribué au sentiment croissant d'"insécurité sociale" vécu par les Français, les représentants des salariés réclament, ainsi, une meilleure écoute, et un véritable changement de cap de la politique économique et sociale du gouvernement.

Le nouvel intitulé du ministère, de même que la personnalité de son titulaire, auréolé de son image "sociale", sont plutôt appréciés des syndicats. « Il est intéressant de mettre en cohérence les questions d'emploi, d'exclusion, d'intégration et de logement, estime Maryse Dumas, secrétaire nationale de la CGT, car ces domaines ont tous à voir les uns avec les autres. »

Homme de terrain

« Jean-Louis Borloo est un homme de terrain, volontaire et décidé, salue, quant à lui, Jacques Voisin, président de la CFTC. Il sait ce que région sinistrée signifie. » « Il détonne, par sa décontraction, dans le milieu politique traditionnel », ajoute Jean-Luc Cazettes, président de la CFE-CGC.

De plus, les syndicats se réjouissent de la suspension, annoncée par Jacques Chirac, de la réforme de l'Allocation spécifique de solidarité (ASS).

Pour autant, leurs avertissements sont clairs. Ils portent essentiellement sur la méthode et la politique de l'emploi du précédent gouvernement. « Le dogmatisme l'a emporté sur le réalisme de la conjoncture, reproche Michel Jalmain, secrétaire national de la CFDT. Il faut revenir à des mesures plus actives de soutien à la politique de l'emploi. Et, surtout, ne pas croire que la simplification du droit suffira. »

Eviter les erreurs de son prédécesseur

Pour Jean-Luc Cazettes, Jean-Louis Borloo devra « éviter de reproduire les erreurs de son prédécesseur, à savoir accepter telles quelles les propositions du Medef ». Pour donner plus de poids à ces "conseils", la CGT a proposé la tenue d'un "sommet intersyndical", pour « dégager les axes d'une intervention unitaire auprès du gouvernement et du patronat ».

Par ailleurs, la CGT, la CFDT, la CFTC et l'Unsa, qui appelaient à participer aux manifestations européennes des 2 et 3 avril derniers, voulaient en faire un test de mobilisation à l'attention du nouveau gouvernement. Alors que le chômage stagne à près de 10 % de la population active, que le nombre de RMistes a crû de près de 5 % en 2003, et que l'Insee ne prévoit qu'une "croissance molle" pour les mois qui viennent, le premier chantier auquel va très vite devoir s'atteler la nouvelle équipe concerne la loi de mobilisation pour l'emploi, qui doit être adoptée avant l'été. Outre le maintien de l'ASS, ce texte a, en effet, pour objectif, de prendre le relais de la LMS, dont la suspension arrive à échéance le 4 juillet. Or, le nouveau ministre ne devrait pas être en mesure de s'appuyer sur un accord interprofessionnel sur l'accompagnement social des restructurations, qui n'a que peu de chances de voir le jour le 8 ou le 9 avril prochain (voir Entreprise & Carrières n° 710).

Précarisation

Les syndicats pèseront de tout leur poids pour que le texte proposé par le Medef ne soit pas repris. Mais aussi pour que le volet "modernisation du droit du travail" ne débouche pas sur une précarisation accrue de l'emploi. « Il faudra éviter tout ce qui concourt à accroître la précarité, comme les contrats de mission, avertit Jean-Luc Cazettes. Quant à la simplification du droit du travail, pourquoi pas, dès lors que l'on n'ôte pas le pouvoir d'appréciation des juges. »

Mais, sur ce point, le nouveau ministre devra également composer avec les attentes des milieux patronaux. « Pour nous, la politique de l'emploi, c'est la possibilité laissée aux entreprises de se développer, de se créer, d'embaucher, de s'adapter », déclarait, ainsi, le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière, au lendemain de la nomination du nouveau gouvernement.

10 propositions

Quant au Cercle des DRH, qui réunit des DRH de grands groupes, il a prévu de soumettre, dès cette semaine, au cabinet du nouveau ministre, 10 propositions pour la loi sur l'emploi, élaborées à la suite de la publication du rapport de Virville. Il s'agirait, par exemple, d'autoriser des accords collectifs expérimentaux, permettant, avec l'aval de l'administration, de tester sur un ou deux ans des pratiques contraires à la loi (pluriannualisation du temps de travail, forfait jours pour les non-cadres...), de faire du CE une instance unique de représentation des salariés ou encore de renvoyer à des accords de branche étendus la définition du cadre juridique des CDD (motifs de recours, durée, renouvellement...).

« Nous espérons que Jean-Louis Borloo va être encore plus créatif et actif que son prédécesseur, souligne le président du Cercle des DRH, l'avocat en droit du travail Sylvain Niel, afin de faire plus de place à l'innovation en matière d'emploi. »